Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs et les sénateurs, il y a vingt-quatre ans jour pour jour, dans la nuit du 17 au 18 janvier 1998, je remportais en Australie le premier titre de championne du monde de natation d’une athlète française. Je veux en cet anniversaire vous confier ma fierté de présenter devant la représentation nationale du pays qui m’a accueillie à l’âge de 10 ans cette proposition de loi essentielle pour le sport.
À deux ans des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, je souhaite que ce texte positionne le sport français en tête de file sur les questions d’éthique, de démocratie et d’intégrité. Cette compétition a nourri les rêves de beaucoup de mes nuits et l’ambition de nombre de mes jours. Elle porte en elle des perspectives d’éducation et d’émancipation, en particulier pour les femmes. Le monde du sport doit assumer cette ambition avec fierté et la France se doit de l’affirmer d’une voix claire et unie.
La proposition de loi dont vous entamez la lecture aujourd’hui a été adoptée par l’Assemblée nationale en mars dernier. Je veux remercier les députés de leur implication et de leur conviction, grâce auxquelles ce texte est passé de onze à vingt-sept articles au fil de son examen au Palais-Bourbon.
L’intitulé même du texte, dans sa rédaction originale, allait droit au but : « démocratiser le sport en France ».
Démocratiser le sport, c’est le rendre plus accessible à tous, sur tous les territoires, à tous les âges et les moments de nos vies.
Démocratiser le sport, c’est aussi parler de transparence dans le fonctionnement des instances et la tenue des élections, c’est s’interroger sur la participation des femmes et des hommes aux décisions, c’est faire en sorte que toutes et tous puissent accéder à toutes les fonctions, y compris de présidence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à vous aussi j’aimerais dire un grand merci, pour avoir œuvré avec moi afin que cette proposition de loi trouve sa place ici, afin qu’elle puisse être enrichie de vos amendements et de ceux du Gouvernement, ainsi que de notre travail commun. Votre examen de ce texte, en fin de quinquennat, mais aussi – nous l’espérons tous – à l’approche de la sortie de la crise sanitaire, représente une occasion d’engager le sport vers des perspectives inédites ; j’espère que vous la saisirez. Ce satané virus nous a tous désarçonnés, mais il ne doit pas entraver notre volonté collective de progresser !
« Mieux faire ensemble », voilà le slogan qui a guidé mes premiers pas au ministère. Je l’aime, car il correspond à ma nature profonde. Il a permis en 2019 la création de l’Agence nationale du sport, opérateur de l’État doté d’un modèle innovant de gouvernance partagée au service du sport et de son développement. Jean Castex avait bien voulu la présider pour l’aider à prendre son envol. Je veux à cette occasion le remercier de son engagement sans faille pour le monde du sport, engagement qui est toujours le sien en tant que Premier ministre.
En 2017, la promesse d’Emmanuel Macron était de transformer le modèle sportif français à l’horizon de 2024, de manière à améliorer nos performances et à infuser le sport dans nos vies.
Ma méthode pour y parvenir a été de considérer comment, au côté de l’État, chacun pourrait mieux y contribuer : les acteurs historiques du sport que sont le mouvement sportif et les collectivités territoriales, les parlementaires, évidemment, mais aussi le monde économique.
« Mieux faire ensemble », voilà aussi la devise qui a guidé la construction de ce texte ; je le dis sans présager de sa rédaction finale, car avoir grandi dans un pays totalitaire fait de moi une farouche défenseuse de l’expression démocratique. Sans préjuger donc de l’issue de la future commission mixte paritaire, je peux déjà affirmer que je suis satisfaite de la méthode employée.
Nous avons construit ce texte en équipe, avec Denis Masseglia et Emmanuelle Assmann, d’abord, qui avaient dès 2019 commencé à consulter le mouvement sportif en préparation de ce texte, puis avec Brigitte Henriques et Marie-Amélie Lefur, qui ont apporté des contributions intéressantes. D’autres apports encore pourraient être notés, parfois très ambitieux.
Je ne doute pas que vous saurez mesurer l’urgence de ce texte. À deux ans de la tenue des jeux Olympiques en France, oui, la performance est importante ! Je fais sur ce point confiance aux athlètes et à leurs entraîneurs, car j’ai été moi aussi sportive de haut niveau et je sais à quoi ils pensent tous les jours.
À deux ans de cette échéance, il est tout aussi important de renforcer la responsabilité sociale et environnementale du sport. Je veux aussi que le mouvement sportif international prenne des engagements plus ambitieux sur ces sujets, qui seront au cœur des travaux menés avec nos partenaires européens à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
Devenir plus performants et, en même temps, démontrer notre utilité sociale : c’est bien sûr un défi. Nous devons le relever avec beaucoup de détermination, mais cette détermination est tranquille : c’est ainsi que l’on rassemble, que l’on rassure, que l’on ne laisse personne au bord du chemin.
Je vous sais convaincus de l’utilité du sport sur nos territoires et je tiens à saluer l’attention accordée à ce texte par vos équipes et par vous-même, monsieur Laurent Lafon, qui avez toujours été à l’écoute en tant que président de la commission, et par vous aussi, monsieur Michel Savin, en tant que rapporteur de cette proposition de loi. J’aimerais vous remercier au nom du mouvement sportif – celui d’aujourd’hui et surtout celui de demain – pour l’intérêt que vous lui portez.
Vous le savez comme moi, le monde du sport est multiple ; s’il doit être au service de l’intérêt général, il faut veiller en permanence à ce que les intérêts particuliers ne l’emportent pas.
C’est pourquoi je me suis réjouie que votre commission ait adopté un amendement tendant à compléter l’intitulé de cette proposition de loi pour préciser qu’elle vise à « améliorer la gouvernance des fédérations sportives ».
J’ai un instant cru que nous allions partager cette vision moderne d’un sport conscient de la société dont il fait partie et du rôle crucial qu’il y joue pour enseigner, éduquer, inspirer, insérer, rééquilibrer et raccrocher, pour accompagner des vocations et des carrières, pour prendre soin des enfants qu’il fait grandir, ou du moins devenir un peu plus grands. Je ne vous cache pas, monsieur le rapporteur, que j’aimerais ne pas seulement y croire : j’aimerais le faire !
J’aimerais que cet instant existe, au cours des deux jours et deux nuits que nous passerons ici ensemble. J’aimerais que nous soyons tous, instances sportives comprises, à la hauteur de ce que le sport représente dans la vie de nos concitoyens. J’aimerais vivre au Sénat un moment de progrès sensible, un instant suspendu où un regard bienveillant se pose sur vous pour vous dire : « Tu peux être encore meilleur demain ! »
Être meilleur demain, c’est ce qui est attendu de nous tous, ici réunis. Le chemin de la modernité, du progrès et du courage est grand ouvert : il ne tient qu’à nous, qu’à vous, de l’emprunter.
Oui, je suis très attachée à ce texte, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il lève des barrières et exprime l’ambition que le sport devienne une solution. Ainsi, on passera d’un parcours de soins à un parcours de santé. Ainsi, nos enfants apprendront très tôt à consacrer un peu de temps à leur cœur, à leur corps, à leur respiration. Ainsi, ils pourront s’accepter comme ils sont et ils pourront s’engager.
Ensuite, ce texte ouvre des horizons au secteur associatif, de manière à proposer plus de sport et à offrir une activité physique adaptée dans de nouveaux champs. L’Assemblée nationale a décidé d’étendre la prescription d’une activité physique adaptée aux personnes souffrant de maladies chroniques, et je me réjouis que votre commission ait bien voulu ancrer dans la loi les maisons sport-santé. Susciter 500 initiatives de territoires et les labelliser, c’est un engagement pris par le Président de la République : nous le tiendrons !
J’étais vendredi dernier au centre hospitalier de Bligny, à Briis-sous-Forges, qui vient de se voir reconnaître la qualité de maison sport-santé par le Gouvernement ; je peux vous garantir que les patients, les personnels soignants et les éducateurs étaient unanimes quant à l’efficacité du sport dans le parcours de soins et à la force du lien qu’il crée. J’en suis personnellement convaincue ; c’est aussi pour cela que nous y avons consacré 4, 5 millions d’euros au sein du budget du ministère des sports défini dans la loi de finances pour 2022.
Par ailleurs – nous y reviendrons au cours du débat –, je veux ici vous dire combien je suis attachée à rétablir dans ce texte l’instauration d’un référent pour les activités physiques et sportives dans chaque établissement social et médico-social (ESMS). Le sport est un outil puissant pour la confiance en soi, pour l’autonomie et pour le bien-être des usagers, souvent fragiles, de ces établissements, notamment quand ces personnes sont en situation de handicap. C’est une avancée incontestable que je continuerai de défendre.
Ouvrir aux clubs voisins les équipements sportifs situés à l’intérieur des écoles, instaurer une allocation de rentrée sportive, comme vous le proposez au travers du Pass’Sport, créer une association sportive scolaire dans chaque école primaire, ancrer les savoirs sportifs fondamentaux, garantir trente minutes quotidiennes de sport à l’école : voilà autant d’avancées inédites. Tous ces dispositifs ne relèvent pas de la loi, mais ce débat me permettra de vous exposer la vision du Gouvernement et de rappeler l’action utile déjà concrètement déployée par Jean Michel Blanquer et moi-même pour révolutionner la place du sport à l’école, dès le plus jeune âge. Je veux à ce propos remercier ici tous les agents de notre grand ministère pour leur implication dans l’ensemble de nos politiques publiques et sur ce thème en particulier.
L’ambition du titre II de cette proposition de loi est de permettre au monde sportif de prendre pleinement sa part dans des combats universels comme l’égalité entre les femmes et les hommes, ou encore la lutte contre toutes les formes de violence ou de discrimination. Nous avons déjà pleinement engagé le monde sportif dans la protection du pacte républicain, avec la loi confortant le respect des principes de la République ; il nous faut maintenant aller plus loin.
Rénover en profondeur la gouvernance fédérale est un enjeu fondamental pour le sport français, mais aussi au-delà. Parce qu’il est pratiqué en club par 16 millions de personnes et regardé par l’immense majorité de nos concitoyens, le sport est une vitrine qui doit inspirer.
Je veux donc assurer la parité au sein des instances dirigeantes des fédérations et de leurs ligues régionales. Je veux donner aux clubs une place plus centrale dans le mode de scrutin de l’élection des dirigeants. Je veux limiter le nombre de mandats des présidents et, demain, des présidentes. Enfin, je veux garantir l’honorabilité des acteurs sportifs, pour que des personnes condamnées pour violences sexuelles ne puissent pas entrer en contact avec les enfants.
Dans le cadre d’un dialogue constant, l’État a octroyé aux fédérations des moyens inédits et des prérogatives nouvelles. Ces engagements sont la légitime contrepartie de ce que l’État attend d’elles au titre de la mission de service public qui leur est confiée ou de l’agrément qui leur est accordé.
Tel est le sens de l’histoire ; le mouvement sportif est prêt, il est disposé à engager sa révolution. Je vous invite donc, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à ne pas manquer ce rendez-vous unique.
Le titre III comprend enfin des dispositions essentielles pour renforcer et sécuriser le modèle économique du sport. Nous sommes encore plongés dans la crise sanitaire ; il faut donner au sport amateur et professionnel la possibilité d’en sortir le moins abîmé possible, tout en préservant notre modèle : un ministère qui pilote et protège, et des fédérations qui exercent en responsabilité leur rôle en appui des ligues professionnelles qu’elles ont créées.
Le Gouvernement a consacré près de 8 milliards d’euros au secteur sportif depuis le début de la crise. Ces crédits ont été dépensés pour le secteur amateur et ses associations sportives, pour le sport professionnel, pour les loisirs marchands, ou encore pour le secteur de la montagne.
Nous avons sécurisé et protégé notre secteur sportif, mais il faut aussi l’inciter à innover. Nous allons, grâce à ce texte, permettre aux acteurs du sport d’accéder à des formes juridiques nouvelles, telles que les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), et offrir aux ligues professionnelles la possibilité de créer une société commerciale, dans un cadre régi par la loi.
Ensemble, soyons ambitieux, mais aussi exigeants et courageux, comme les sportifs !
Par ailleurs, je vous présenterai un amendement visant à lutter contre l’offre illégale en matière de paris sportifs. Il s’agit d’un enjeu majeur, au regard notamment des prochaines grandes compétitions que nous allons accueillir. Je défendrai aussi un amendement qui me tient à cœur, dont l’objet est de susciter l’engagement des fédérations aux côtés des personnes victimes de violences sexuelles dans le sport.
Enfin, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je connais votre intransigeance sur le sujet des violences dans les stades, des violences discriminatoires et des violences physiques qui blessent et humilient. Ces violences doivent cesser !
Le Gouvernement défendra donc un amendement visant à créer une procédure d’amende forfaitaire en la matière, à la suite des engagements pris récemment avec le monde du football. Nous appliquons ainsi la méthode retenue par le Gouvernement pour atteindre son ambition dans la lutte contre ce fléau : punir, mais avec justesse, en faisant toujours peser la contrainte sur les auteurs de ces actes. J’écouterai avec intérêt vos propositions en ce sens.
Je me suis toujours engagée auprès de celles et de ceux qui font vivre le sport ; les supporters, les vrais, en font pleinement partie ! L’instance nationale du supportérisme doit nous permettre de mieux les écouter.
Ainsi, le sport restera une fête, une fête collective qui nous ramène à des émotions positives, un peu perdues, il faut le dire, ces derniers temps. Préservons ce vivre ensemble, préservons ce lien avec la nature, avec les éléments, avec nous-mêmes, préservons ce lien avec l’autre, que le sport seul a le pouvoir de créer !