Intervention de Michel Savin

Réunion du 18 janvier 2022 à 14h30
Démocratisation du sport — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel SavinMichel Savin :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui n’est plus celui qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

La proposition de loi, examinée par les députés et adoptée au mois de mars 2021, était limitée dans ses objectifs, puisqu’elle visait essentiellement à réformer la gouvernance des fédérations sportives. Elle a été enrichie de manière un peu précipitée en accordant aux ligues professionnelles la possibilité de créer une société commerciale, laquelle ne présentait pas toutes les garanties nécessaires à nos yeux.

Grâce au travail du Sénat, la proposition de loi dont nous abordons la discussion aujourd’hui répond davantage aux enjeux auxquels doit faire face le sport français. Le développement du sport-santé, du sport en entreprise et du sport à l’école a été renforcé. Plusieurs mesures visant à mieux lutter contre les violences dans les stades ont été intégrées. Des amendements visant à allonger la durée du premier contrat professionnel de trois à cinq ans, deux amendements importants concernant la diffusion des compétions sportives, ainsi que des amendements tendant à entourer la reconversion des sportifs ont également été adoptés en commission.

Cette proposition de loi enrichie n’efface pas le regret qui est le nôtre de n’avoir pas pu discuter d’une grande loi sur le sport au cours de ce quinquennat. De nombreux sujets ne sont pas traités, alors qu’ils mériteraient pourtant des avancées ou des clarifications. Je pense au rôle du ministère des sports, qui est devenu incertain avec la création de l’Agence nationale du sport (ANS), à une meilleure répartition des missions entre les différents échelons de collectivités territoriales… Tous ces sujets attendront le prochain quinquennat.

Notre mission aujourd’hui est plus modeste, mais elle n’en est pas moins utile et importante. Nous pouvons trouver un accord pour faire aboutir un texte qui apportera des réponses à des problèmes urgents. Nos débats mettront en évidence nos différences sur plusieurs dispositions. Ils permettront, je l’espère, de rapprocher nos points de vue avant la réunion de la commission mixte paritaire. Dans cette perspective, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’insister sur quatre sujets auxquels le Sénat sera attentif pour aboutir à un accord.

Le premier sujet a trait aux avancées à préserver concernant le sport-santé.

Madame la ministre, nous partageons votre volonté de généraliser l’offre d’activités physiques et sportives dans les établissements médico-sociaux, mais nous ne nous faisons pas d’illusion : sans moyens dédiés, elle restera une simple déclaration d’intention. Aussi attendons-nous des engagements financiers de votre part, lesquels conditionneront le rétablissement du dispositif du référent.

Si je défends le développement du sport sur ordonnance depuis de nombreuses années, je regrette que la question centrale de sa prise en charge par l’assurance maladie n’ait pas été traitée par votre gouvernement. Elle est maintenant renvoyée à un autre débat.

L’extension du dispositif à de nouveaux publics constitue une avancée certaine. Nous avons néanmoins tenu à mieux l’encadrer pour la rendre réellement opérationnelle, dans le cadre du parcours de soins coordonné.

La commission a également souhaité formaliser l’existence et les missions des maisons sport-santé dans le texte, car, sans véritable structuration de la filière, le sport sur ordonnance ne pourra pas se déployer à une plus grande échelle.

Le deuxième sujet porte sur l’accès aux équipements sportifs scolaires, qui ne peut se faire à n’importe quel prix pour les collectivités territoriales.

De nombreux établissements scolaires disposent d’équipements sportifs dans leurs locaux. Je partage l’idée de faciliter leur utilisation par des associations et clubs sportifs, des établissements de l’enseignement supérieur ou des entreprises en dehors du temps scolaire : le soir, le week-end ou encore pendant les vacances scolaires. En cela, l’aménagement d’un accès indépendant aux équipements sportifs lors de la construction d’un nouvel établissement scolaire est une mesure importante. D’ailleurs, de nombreuses collectivités n’ont pas attendu ce texte pour mener cette réflexion et prévoir cet aménagement dans les plans de construction de la nouvelle école, du nouveau collège ou du nouveau lycée.

En revanche, l’obligation, sans exception possible, d’aménager un tel accès, en cas de travaux importants de rénovation, risque d’être contre-productive. En effet, certaines collectivités pourraient renoncer à rénover leurs équipements sportifs scolaires face à l’impossibilité d’aménager cet accès indépendant ou au coût trop élevé de cette opération. C’est pourquoi il a semblé important à la commission d’introduire un assouplissement à cette obligation : le coût de ces travaux d’aménagement par rapport au coût total de rénovation doit être pris en compte.

Le troisième sujet concerne la réforme de la gouvernance des fédérations sportives, prévue au titre II. Je suis très attaché à cette réforme, qui est respectueuse du mouvement sportif.

Nous sommes tous conscients de la nécessité de faire évoluer cette gouvernance. Toutes les fédérations sportives sont confrontées à de nouveaux enjeux. La pratique sportive évolue, des investissements sont nécessaires. La politique en faveur des sportifs de haut niveau n’a pas encore trouvé son équilibre. Pour mener à bien ces chantiers, les fédérations doivent attirer de nouveaux profils, plus jeunes, plus entrepreneurs, plus féminins, plus internationaux dans leur approche.

Nous partageons donc votre ambition d’accompagner le renouvellement des dirigeants, madame la ministre, mais celui-ci ne peut être imposé contre le mouvement sportif, en faisant fi de la réalité de la situation des fédérations. Ces dernières ont renouvelé leurs dirigeants au printemps dernier. De nouveaux présidents ont été élus, qui sont parfois des présidentes. Certains ont d’ores et déjà indiqué qu’ils ne feraient qu’un ou deux mandats.

La nouvelle présidente du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a conduit une grande concertation avec l’ensemble du mouvement sportif, qui a permis d’établir qu’il n’y avait pas d’accord pour que les évolutions nécessaires soient imposées par le haut, c’est-à-dire par la loi, de manière autoritaire. Je crois qu’il faut entendre ce message et faire davantage confiance aux dirigeants du mouvement sportif. C’est le sens des amendements qui ont été adoptés en commission.

Oui à la parité intégrale quand elle est possible ! Donnons-nous seulement encore un peu de temps pour former les dirigeantes là où c’est nécessaire.

Oui à plus de démocratie dans le processus électoral, en donnant une place primordiale aux clubs, mais sans distinguer selon leur forme, pour tenir compte de la diversité d’organisation des fédérations.

Oui, enfin, au renouvellement des présidents, mais sans imposer des limitations qui n’existent pour aucun autre type d’associations.

Sur ces trois sujets, les propositions que nous formulons constituent un compromis crédible et réaliste entre votre ambition et le respect de l’autonomie du mouvement sportif.

Le quatrième sujet porte sur les garanties indispensables pour permettre d’accompagner le redressement du football professionnel.

J’en viens à la société commerciale, sujet qui a concentré beaucoup d’attention ces derniers jours. Je rappelle tout d’abord que nous sommes conscients de la situation dramatique que connaît le football français – j’allais dire « désespérée », mais elle ne l’est pas tout à fait justement, puisque la ligue a travaillé sur plusieurs projets pour redresser la barre et rétablir l’attractivité de sa compétition phare.

Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté entre nous : nous sommes attachés à notre modèle français qui délègue aux ligues professionnelles l’organisation et la gestion du sport professionnel. Nous n’envisageons pas de revenir sur cette répartition des rôles.

L’amendement adopté en commission permet de rappeler des principes et d’affirmer des valeurs. Dans notre modèle, c’est la fédération sportive qui doit rester garante de l’intérêt général et de l’avenir de la discipline, chacun aujourd’hui en convient. Le dialogue rétabli entre la fédération et la ligue a permis de réaffirmer cette évidence.

C’est pourquoi j’ai décidé de proposer en séance une nouvelle rédaction de l’article 10 bis A, qui tire les conséquences de nos échanges avec la fédération et la ligue. Cette nouvelle rédaction réaffirme le rôle de la fédération et prévoit sa participation dans les instances de la société commerciale ; en contrepartie, elle laisse la ligue assurer le fonctionnement de cette société. Cette nouvelle rédaction nous semble équilibrée et nous serons vigilants à ce que cela reste ainsi.

En conclusion, mes chers collègues, je pense que l’ensemble des sénateurs, toutes sensibilités politiques confondues, ont participé au renforcement réel de ce texte. Je remercie le président de la commission de la culture Laurent Lafon, qui s’est fortement impliqué dans la construction de ce texte. Je sais aussi que le mouvement sportif a été sensible à votre engagement collectif.

Madame la ministre, j’espère que, sur la très grande majorité de nos propositions, le Gouvernement et votre majorité nous suivront.

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