Intervention de Claude Kern

Réunion du 18 janvier 2022 à 14h30
Démocratisation du sport — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Claude KernClaude Kern :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le sentiment général qui prévaut à l’examen de cette proposition de loi est qu’elle manque furieusement d’ambition et n’a pas su enrayer l’inquiétude née de la crise traversée par le sport amateur. Où est passée la grande loi Sport et société qui devait ancrer une approche ambitieuse de la politique sportive de demain, cette grande loi qui devait faire du sport une grande cause nationale, permettre d’augmenter le nombre de pratiquants, d’œuvrer en approche fine des territoires, de simplifier, de traiter enfin du bénévolat ? Autant de sujets sur lesquels nous ne manquons pas d’interroger et de bousculer régulièrement le Gouvernement et qui, malgré tout, restent largement en suspens…

Ce texte aurait dû constituer la base d’un projet de loi attendu en 2019 ou 2020.

À défaut de pouvoir déposer un tel texte en bonne et due forme, madame la ministre, vous avez décidé à l’été 2020 de susciter cette proposition de loi. Cette méthode présente en l’espèce, comme vous le savez, plusieurs inconvénients.

Certes, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite d’exister et d’apporter des évolutions bienvenues, auxquelles nous contribuons largement en espérant que nos apports emportent votre adhésion. Toutefois, la plupart des dispositions correspondent à des ajustements et ne traduisent pas une vision renouvelée de la place du sport dans la société : on voit mal comment les dispositions prévues pourraient contribuer de manière effective à amener à la pratique sportive les populations qui en sont éloignées. De même, l’effectivité de la mise en œuvre opérationnelle des projets sportifs territoriaux, dispositions de nature administrative, reste largement dépendante de la capacité des collectivités locales à dépasser leurs divisions, malgré la lourdeur du dispositif.

Par ailleurs, madame la ministre, faute d’être adossées à un volet financier solide et sans garanties de votre part, plusieurs mesures ont malheureusement une portée plus déclarative qu’opérationnelle. Je pense au dispositif du « référent sport » que la commission n’a pu valider en l’état, mais aussi à l’élargissement du sport sur ordonnance que la commission a dû retravailler pour permettre son maintien et faciliter son développement dans le cadre du parcours de soins coordonné.

On le voit, et nous le rappelons régulièrement lors de l’examen des projets de loi de finances, le sport reste malheureusement le parent pauvre des politiques publiques.

Par ailleurs, madame la ministre, nous ne pouvons que déplorer la pusillanimité avec laquelle le Gouvernement traite certains sujets, alors que la crise sanitaire qui se prolonge et dont on n’entrevoit guère l’issue aurait nécessité un signal fort : financement des associations pourtant en grande souffrance et pour lequel vous renvoyez au Pass’Sport, mais aussi fonctionnement fédéral relégué à sa portion la plus congrue. Plus grave, certains autres sujets pourtant cruciaux, comme le bénévolat, qui nécessite accompagnement et valorisation, sont restés aux abonnés absents !

Concernant le développement de la pratique pour le plus grand nombre, on est donc loin de l’audace de la proposition de loi de 2019, qui prévoyait la création du « 1 % sportif », sur le modèle du 1 % culturel, qui aurait obligé tout maître d’ouvrage public à intégrer un équipement sportif à toute nouvelle construction, ou qui envisageait de relever le plafond des taxes affectées à l’Agence nationale du sport, laquelle distribue une large partie de son budget aux associations sportives.

Aussi, je salue l’excellence du travail du rapporteur Michel Savin. Par ses propositions et ajustements, il a développé un cadre d’organisation renouvelé, un accès aux équipements sportifs objectif et une vision des projets sportifs territoriaux affinée, au travers d’une approche pragmatique. Il a également permis d’enrichir le texte de dispositions visant à développer le sport à l’école, à mieux concilier études et pratique du sport de haut niveau ou encore à mieux valoriser l’engagement sportif à l’université.

Je ne saurais oublier de mentionner des points plus particuliers sur lesquels nous avons travaillé et qui nous paraissent mériter votre adhésion, madame la ministre. En effet, sur certains d’entre eux, à savoir sécuriser la possibilité pour les ligues professionnelles de créer une société commerciale, garantir un renouvellement dans les fédérations sportives sans les déstabiliser ni s’ingérer dans leur vie démocratique, encadrer objectivement le supportérisme, permettre aux masseurs-kinésithérapeutes de renouveler et d’adapter les primo-prescriptions d’activité physique adaptée (APA) effectuées par les médecins, le texte initial est resté bien muet.

Madame la ministre, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour ouvrir une parenthèse et aborder un sujet qui, s’il est externe à ce texte, pose d’importants problèmes à de nombreux clubs. Je veux parler d’une mesure résultant de l’adoption du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, les jauges dans les établissements recevant du public (ERP). Concevez que, dans un stade pouvant accueillir 50 000 ou 60 000 spectateurs, une jauge à 5 000 est ridicule !

Madame la ministre, c’est un appel que je vous lance : trouvez un accord au sein du Gouvernement pour suivre la proposition de notre collègue Pierre-Antoine Levi et prévoyez une proportionnalité pour les enceintes sportives fermées de plus de 2 000 spectateurs et ouvertes de plus de 5 000 spectateurs.

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