Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, fort de ses 17 millions de licenciés, de ses 15 millions de pratiquants hors structures et de ses 175 000 associations animées par 3, 5 millions de bénévoles, le mouvement sportif – oui, le sport est le premier mouvement social de France – méritait qu’un texte lui soit exclusivement consacré.
Certes, ce texte arrive bien tard, en toute fin de législature et en procédure accélérée, mais le Parlement joue pleinement son rôle et l’a très fortement enrichi. Composé initialement de onze articles, il en compte vingt-sept à l’issue de son examen à l’Assemblée nationale et en comptera très probablement une cinquantaine au sortir de nos deux jours de travaux en séance publique.
À mes yeux, ce texte aurait dû débuter par l’actualisation de la relation qui unit l’État et le mouvement sportif, c’est-à-dire la délégation pour mission de service public, toile de fond de cette proposition de loi. Le choix d’intégrer cette actualisation dans la loi confortant le respect des principes de la République, texte déjà examiné, relève quasiment de l’anomalie.
Cette proposition de loi vise un objectif bien légitime : la démocratisation du sport, c’est-à-dire un développement du nombre de pratiquants, par la levée des obstacles qui entravent l’accès aux différentes activités physiques et sportives (APS). Cette intention est louable, pour des raisons historiques – le fait sportif n’est pas encore véritablement reconnu pour son importance sociétale –, mais aussi pour des motifs conjoncturels. En effet, selon l’enquête de l’institut Ipsos, rendue publique à la fin du mois de décembre dernier, 66 % des sondés ont déclaré pratiquer un sport en 2021, contre 81 % en 2020.
Par ailleurs, une véritable urgence sanitaire se précise pour les jeunes générations. Selon l’étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) concernant les jeunes de 11 ans à 17 ans, 49 % d’entre eux présenteraient un risque sanitaire très élevé avec, en moyenne, plus de quatre heures trente passées devant un écran et moins de vingt minutes d’activité physique par jour. Pour l’agence, c’est une véritable bombe sanitaire à retardement.
Le texte issu de l’Assemblée nationale comporte des avancées : les établissements sociaux et médico-sociaux sont pris en compte, l’accès aux établissements sportifs scolaires est facilité, les missions des conférences régionales du sport sont précisées, tout comme certains aspects de la gouvernance des fédérations et ligues professionnelles, et les statuts juridiques des sociétés sportives sont diversifiés.
Nous aurons un débat sur la respiration démocratique interne aux instances fédérales – je pense bien sûr à leur gouvernance. Sur ce point, nous appellerons à une plus grande démocratisation et à une plus forte territorialisation, non seulement des pratiques, mais également des organisations et des fonctionnements, dans le respect des débats menés récemment par le CNOSF, qui fédère l’ensemble des disciplines sportives, olympiques ou non, de notre pays.
Cette proposition de loi doit constituer une étape décisive dans la longue marche vers l’égalité entre hommes et femmes dans le sport. Sur ce sujet, ne soyons pas plus conservateurs que la société civile ! Et faisons en sorte que le Sénat ne le soit pas plus que l’Assemblée nationale…
Mettons-nous au diapason des jeux Olympiques de Paris : pour la première fois, nous aurons en 2024 des jeux paritaires. Mettons-nous au diapason du combat mené par Alice Milliat, cette sportive française qui avait su fédérer le mouvement sportif féminin en France puis au niveau mondial.
À l’issue de ce débat, nous serons loin d’avoir épuisé toutes les dimensions majeures du phénomène de société que représente le sport. Le Pass’Sport actuellement en vigueur devra être étendu et pérennisé. Le sport sur ordonnance devra faire l’objet d’une concrétisation véritable : nous allons élargir les prescriptions, mais par les remboursements… Il faudra encore progresser, aussi, dans la reconversion des sportifs de haut niveau, ou dans la relation entre sport scolaire et sport fédéral, qui ne peut se réduire à l’ouverture aux habitants de la rue voisine des salles de sport se trouvant dans l’enceinte des écoles et établissements d’enseignement. Nous devrons également mieux assurer la promotion du sport féminin et du handisport, avancer sur la question de l’emploi sportif ou sur la conception d’un programme ambitieux d’équipements sportifs traditionnels, comme sur la clarification du rôle des conseillers techniques sportifs (CTS).
Un sujet a défrayé la chronique : la possibilité donnée à une ligue sportive professionnelle de créer une société commerciale chargée d’optimiser ses droits audiovisuels dès lors que la fédération concernée lui a transféré la responsabilité juridique de la commercialisation et de la gestion de ceux-ci. Le contexte actuel doit nous conduire à donner toutes ses chances de réussite à la société commerciale, d’autant que toutes les précautions nécessaires figurent dans le texte, qui impose l’accord de la fédération.
Madame la ministre, j’apprécie l’inscription dans la loi de la plateforme de lutte contre la manipulation des compétitions sportives, qui avait fait l’objet d’une proposition de loi que j’avais déposée. Mais reconnaissons que les progrès relatifs à l’éthique du sport demeurent modestes, alors que, pour ne prendre qu’un seul exemple, selon la direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) des clubs, 60 % des agents de footballeurs échappent à toute réglementation.
Il en va de même pour la problématique du sport en entreprise, qui recouvre celles du mécénat, du sponsoring ou du développement des activités en milieu professionnel ou leur facilitation par l’entreprise – alors même que Paris abrite le plus grand incubateur du monde dans le domaine du sport. J’espère que, dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), ce dernier manque sera comblé par amendement.
Je regrette enfin l’absence du sport dans les débats de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, alors que 2022 sera l’année européenne de la jeunesse.
Notre commission a déjà fait évoluer le texte de cette proposition de loi, souvent à partir d’amendements communs ou très voisins, par-delà nos sensibilités politiques. Nous continuerons à intervenir dans cet état d’esprit.
Si nous voulons un pays plus juste et plus solidaire, il faut en passer par des réformes permettant d’acquérir de nouveaux droits et de nouvelles libertés. Parmi ces droits figurent le droit au sport et, plus généralement, le droit à l’activité physique et sportive, à l’émancipation par le corps.
Faisons en sorte que ce texte y contribue vigoureusement et soit perçu comme un aspect appréciable de l’héritage olympique des jeux Olympiques de Paris en 2024 !