Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, dont notre collègue Samantha Cazebonne a présenté les objectifs, procède aux ajustements nécessaires pour permettre à l’AEFE d’accompagner la croissance de son réseau, dans l’objectif de doubler les effectifs à l’horizon 2030.
Le réseau de l’enseignement français à l’étranger est le fleuron de notre diplomatie culturelle et d’influence. Il permet, d’abord, aux enfants français expatriés de disposer d’une éducation de qualité à l’étranger et de conserver un lien fort avec la France. C’est aussi un réseau mondialement reconnu comme dispensant un enseignement d’excellence, un réseau dont le pouvoir de rayonnement est sans équivalent, qui fait la fierté de notre pays.
Il démontre en effet, sur les cinq continents et dans les 138 pays où il est implanté, que nous sommes encore une nation dont la langue et la culture sont omniprésentes dans le monde. Les anciens élèves, dont le nombre est évalué à 600 000, comptent dans leurs rangs de nombreuses personnalités françaises et étrangères. Ce sont autant d’ambassadeurs, à vie, de la langue, de la culture et des valeurs de la France.
En trente ans, les effectifs du réseau ont plus que doublé, passant de 165 000 élèves en 1990 à 375 000 aujourd’hui. L’ambition du Président de la République est de doubler à nouveau les effectifs, c’est-à-dire d’accueillir 700 000 élèves d’ici à 2030.
On ne peut qu’approuver cet objectif ambitieux, qui contribue à ce que le soft power trouve une traduction française : pouvoir d’influence, ou pouvoir de convaincre, il est aujourd’hui au cœur de la compétition, voire de la confrontation, entre puissances.
L’éducation est aussi un combat – très concurrentiel – pour les valeurs. C’est évident dans l’enseignement supérieur, mais c’est aussi le cas au niveau des collèges et des lycées.
On connaît la force des réseaux anglo-saxons, et l’activisme de la Chine. La multipolarisation du monde démultiplie le nombre d’acteurs en compétition, dans un champ qui doit être considéré comme une composante à part entière de notre diplomatie.
Au-delà des effets d’annonce, toutefois, quels sont les moyens réellement mis en œuvre pour consolider et développer le réseau de l’enseignement français à l’étranger ? L’État investit, au total, 520 millions d’euros de crédits budgétaires annuels dans cet enseignement.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées dénonce régulièrement, dans ses travaux, les limites de la stratégie adoptée, en l’absence de croissance suffisante des moyens budgétaires. Nous nous étonnons également de la stagnation, et de la non-consommation, de l’enveloppe des aides à la scolarité, dans un contexte d’augmentation des effectifs.
Par ailleurs, entre 2016 et 2021, le nombre d’enseignants a baissé de 21 % pour les personnels expatriés et de 7 % pour les personnels sous le statut de résidents. Le ministère de l’éducation nationale promet 1 000 détachements supplémentaires avant 2030, mais ce nombre, même s’il est atteint, sera loin d’être suffisant pour accompagner la croissance du réseau.
Un verrou important subsiste : l’interdiction faite à l’AEFE d’emprunter à moyen et long terme. Cette interdiction n’a pas toujours existé. À sa création, en 1990, l’AEFE était autorisée à emprunter, ce qu’elle a pu faire jusqu’en 2011. Étant classée comme organisme divers d’administration centrale (ODAC), elle a été ensuite été privée de cette capacité, au nom de la lutte contre l’endettement public.
Or le développement du réseau ne doit pas se limiter à la croissance des établissements partenaires. Il importe aussi de développer les établissements en gestion directe (EGD), qui sont le cœur du dispositif et ont besoin de réaliser des opérations immobilières.
Par ailleurs, pour les établissements conventionnés et partenaires, le nouveau dispositif de garantie de l’État est moins favorable que celui qui préexistait au travers de l’Association nationale des écoles françaises à l’étranger (Anefe). Tout cela est en contradiction avec les ambitions de développement du réseau.
Dans ce domaine, le Parlement est, hélas, empêché d’agir par l’article 40 de la Constitution. Mais nos débats permettront peut-être d’obtenir des éclaircissements, monsieur le ministre, car des avancées sont nécessaires.
L’Agence ne peut recourir qu’aux avances de l’Agence France Trésor, et encore à titre exceptionnel, dans l’attente de la mise en place d’un nouveau mécanisme de financement.
Un groupe de travail est chargé de réfléchir à ce nouveau mécanisme qui pourrait, nous dit-on, être fondé sur une mutualisation entre établissements.
Mais comment imaginer puiser dans les réserves d’un établissement, issues des écolages, pour financer des travaux dans un autre établissement ? Les familles, qui financent 64 % du fonctionnement des EGD auraient du mal à le comprendre.
L’interdiction du recours à l’emprunt est d’ailleurs d’autant plus contestable qu’elle intervient dans le contexte d’un financement majoritaire par les familles, l’AEFE n’étant pas, comme les autres ODAC, financée principalement par l’État.
Dans ce contexte, les avancées figurant dans la proposition de loi de notre collègue Samantha Cazebonne sont bienvenues.
Il s’agit, tout d’abord, d’élargir la gouvernance de l’Agence, en y associant davantage les parents d’élèves. Cette évolution est légitime. Je viens d’évoquer le rôle prépondérant des familles dans le financement des EGD, mais dans l’ensemble du réseau, ce sont 81 % des coûts de fonctionnement qui sont financés par les familles.
La proposition de loi prévoit que deux représentants supplémentaires de parents d’élèves siègent au conseil d’administration. Pour respecter les grands équilibres fixés par la loi, le nombre de représentants de l’État augmenterait également, ce qui porterait le nombre d’administrateurs de l’AEFE de 28 à 31. Ce n’est pas un bouleversement, mais un ajustement bienvenu.
Je vous proposerai simplement un amendement visant à encadrer la notion de « représentativité » des fédérations de parents d’élèves.
La proposition de loi étend par ailleurs la participation au conseil d’administration à des membres sans voix délibérative : un représentant des associations d’anciens élèves, un représentant des associations FLAM et, sur proposition de la commission, un représentant de l’Anefe.
La proposition de loi complète, enfin, les missions de l’AEFE, en ouvrant de nouveaux dispositifs de formation. Elle prévoit la création des IRF, qui seront gérés directement par l’AEFE.
Le développement du réseau homologué nécessite en effet de disposer de personnels qualifiés, qui soient garants de la qualité de l’offre d’enseignement. Or la plupart des personnels recrutés localement ne sont pas des personnels titulaires de l’éducation nationale.
L’enjeu est majeur, puisqu’il s’agit de préserver la qualité qui fait la réputation de l’enseignement français à l’étranger, dans le contexte d’un développement accéléré du réseau.
Les IRF pourront proposer non seulement de la formation continue, mais aussi des cursus diplômants, à un public élargi.
Pour clarifier ce champ d’action, la commission a adopté un amendement tendant à leur donner prioritairement pour mission de former les personnels et futurs personnels. Elle a également souhaité que ces formations soient un outil de promotion de la francophonie.
Mes chers collègues, je vous propose de soutenir ce texte qui conforte la dynamique de l’enseignement français à l’étranger. Je suis heureux qu’il nous donne l’occasion de débattre d’un sujet essentiel, suivi attentivement par notre commission, mais sur lequel les textes législatifs sont rares.
Or, vous l’aurez compris, il s’agit d’une question majeure, intéressant environ 3 millions de Français expatriés, et dont les dimensions diplomatique et stratégique ne sauraient être négligées.