Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer par remercier notre collègue Samantha Cazebonne, dont la proposition de loi nous permet d’aborder les problématiques relatives à l’AEFE au-delà des aspects purement budgétaires, évoqués une fois par an lors de l’examen du projet de loi de finances.
Il s’agit en effet d’un formidable opérateur public à la tête d’un réseau trentenaire qui, je le souligne, demeure unique au monde – il n’est comparable ni dans son organisation ni dans ses missions avec l’offre éducative d’autres pays – et continue à démontrer sa résilience dans la crise actuelle. Il est aussi l’un des principaux fleurons de notre diplomatie d’influence, car au-delà de notre langue, ce sont bien nos valeurs républicaines qu’il transmet.
La présente proposition de loi a deux objectifs.
Le premier est de modifier la composition du conseil d’administration de l’AEFE en y faisant entrer de nouveaux représentants d’associations en tant qu’experts et en doublant la représentation des familles.
Une telle évolution nous semble légitime, dans la mesure où l’implication des parents d’élèves dans la gestion des établissements, ainsi que leur participation financière sont croissantes. Cependant, nous souhaitons que cet élargissement promeuve la pluralité des fédérations d’associations de parents d’élèves.
Nous estimons également que la modification de la proportion des sièges au sein du conseil d’administration ne doit pas s’effectuer au détriment de la représentativité des personnels. En effet, le changement radical de modèle vers lequel veut tendre le Gouvernement, avec l’extension à marche forcée du réseau par le biais de l’homologation d’établissements partenaires, nécessiterait au contraire que leur soit accordé un rôle plus important. Nous souhaitons donc qu’à l’issue de ce débat, l’équilibre prévu actuellement par le code de l’éducation soit rétabli.
Le second objectif vise la création des IRF, qui ont vocation à prendre le relais des 16 établissements mutualisateurs de zone. Il semblerait que l’AEFE n’ait pas attendu cette proposition de loi, puisque le premier IRF a été inauguré à Dakar les 3 et 4 janvier derniers, avant même l’adoption du texte…
Une telle précipitation marque sans doute l’empressement de l’AEFE à répondre à l’objectif fixé par le Président de la République de doubler le nombre d’élèves d’ici à 2030 – il nous reste huit ans –, qui implique, entre autres, d’augmenter le nombre d’enseignants formés.
Faut-il voir un changement de politique dans l’accélération de l’augmentation du nombre de personnels en contrat local ?
Rappelons que le quinquennat s’est ouvert par des suppressions de postes d’enseignants, conséquemment à l’annulation, en 2017, de 33 millions d’euros de la subvention pour charges de service public de l’AEFE. Le nombre d’expatriés est ainsi passé de 1 073 à 821 équivalents temps plein travaillé (ETPT) entre 2017 et 2021, soit une baisse de 21 %, alors que sur la même période, le nombre de résidents a baissé de 7 %, passant de 5 147 à 5 004.
Dans ce contexte, nous comprenons la volonté de renforcer la formation des personnels afin de maintenir l’excellence et l’attractivité d’un réseau, qui reposent en grande partie sur la qualité de ses ressources humaines, recherchée par les familles, mais aussi sur des méthodes pédagogiques novatrices.
Nous nous interrogeons cependant sur le nombre et le statut des enseignants formateurs qui seront déployés pour faire face à la demande. Celle-ci pourrait se révéler exponentielle du fait de l’ouverture de la formation, comme le suggère le texte, d’une part, à des personnels extérieurs au réseau, qualifiés ou non, et, d’autre part, aux personnels exerçant dans les systèmes éducatifs étrangers dans le cadre de la mission de coopération éducative fortement renforcée par ce texte.
La question des moyens et de l’origine de ceux-ci pour réaliser ces missions si une activité économique de formation venait à être déployée mérite d’être précisée.
Par ailleurs, pour espérer accueillir à terme 700 000 élèves, il sera nécessaire de procéder à une extension significative du parc immobilier de l’AEFE. Depuis 2011, l’interdiction d’emprunt handicape l’Agence pour conduire ses propres projets immobiliers dans ses établissements en gestion directe et crée des tensions croissantes avec les familles, sur lesquelles l’essentiel de la charge pèse lourdement.
Ce point financier n’est, certes, pas abordé par le texte. Mais si nous n’avons pas de salles de classe pour héberger élèves et professeurs, il ne sert à rien de monter en puissance dans la formation de ces derniers. À moins évidemment que l’objectif ne soit de nous reposer intégralement sur le développement d’établissements privés ? Cela expliquerait que l’AEFE soit en même temps privée de moyens supplémentaires, humains et financiers pour remplir sa mission.
En conclusion, le nombre d’amendements déposés, plutôt convergents, bien qu’issus de groupes politiques différents, montre que nous avons une autre vision de l’organisation future de l’enseignement français à l’étranger que celle proposée par le Gouvernement, même si nous partageons sur la forme les deux objectifs de cette proposition de loi : élargir la gouvernance et les prérogatives de l’AEFE.
Si ce texte satisfait aux objectifs du dernier contrat d’objectifs et de moyens et honore un engagement pris auprès des associations de parents d’élèves, il suscite de nombreuses questions et nous incite à ouvrir de futurs débats sur un sujet qui nous tient tous à cœur.
Nous espérons que nos échanges permettront d’enrichir le texte. C’est ce qui déterminera la position du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.