Permettez-moi de faire une citation : « L’employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période. »
Ce qu’il y a de bien avec les amendements de certains de nos collègues de la majorité – comme je l’ai déjà indiqué, même si l’un de nos amendements est identique à l’un de ceux qui ont été déposés par M. Dominati, les motivations n’en sont pas exactement les mêmes –, c’est qu’ils livrent parfois à notre sagacité quelques éléments de décryptage des dispositions dont nous débattons.
En effet, il s’agit pour ces collègues de faire en sorte que la fiche de pénibilité ne devienne pas une preuve d’accusation de l’employeur, pas un « document strictement à charge pour l’employeur », avez-vous dit, cher collègue Dominati, comme si ce document était fait pour ça !
Au contraire, la fameuse fiche de pénibilité ne vise en réalité qu’à dédouaner et déresponsabiliser l’employeur de toute conséquence éventuelle de la prolongation de la pénibilité.
Ce qui me semble le plus éclairant, dans la rédaction de cet amendement, c’est la formule suivante : « ainsi que les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période ». Faire disparaître ou réduire les facteurs de pénibilité, cela signifie, de manière évidente, que la pénibilité est envisagée non comme quelque chose à combattre, mais comme quelque chose qui peut être admis dans des limites raisonnables.
En gros, on passe du principe de précaution au principe du risque calculé, du risque statistique, qui peut se matérialiser par un accident, une maladie professionnelle ou tout autre désordre. De fait, dans l’esprit des auteurs de cet amendement, l’accident ne serait plus de la responsabilité de l’employeur, mais de celle du salarié, cet imprudent !
Allez dire cela aux forgerons de Gueugnon, s’il en reste ! Allez le dire aux mineurs et aux anciens mineurs de Montceau-les-Mines et de Saint-Vallier ! Allez aussi le dire aux employés des restaurants du Sentier, qui travaillent dans des cuisines où il fait plus de 60 degrés en plein été.
C’est pourquoi, chers collègues, nous voterons contre de tels amendements qui ont pour seul objet de laisser croire, en tirant le débat le plus à droite possible, que le texte du Gouvernement et de la commission est modéré.