Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier le groupe CRCE d’avoir fait inscrire ce débat très important à notre ordre du jour.

Le Gouvernement a placé la lutte contre les violences faites aux femmes au cœur de ses priorités. Le Grenelle des violences conjugales, qui s’est tenu à l’automne 2019 et dont les conclusions ont été rendues publiques le 25 novembre 2019 – journée symbolique consacrée, dans le monde entier, à la lutte contre les violences faites aux femmes –, a débouché sur 46 mesures.

Entre l’ouverture de 2 000 nouvelles places d’hébergement d’urgence à l’échelle nationale, la formation de 90 000 policiers et gendarmes, la mise à disposition de 1 000 bracelets anti-rapprochement ou la disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept de la plateforme téléphonique d’écoute, d’information et d’orientation des victimes de violences sexistes et sexuelles, nombreuses sont les réalisations qui ont permis de concrétiser ces annonces.

Sur le plan législatif, la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a représenté une avancée majeure dans la lutte contre les violences conjugales. Cette loi a réformé l’ordonnance de protection, donné un nouvel essor au téléphone grave danger, permis le déploiement du bracelet anti-rapprochement et prévu la prise en compte de l’impact des violences sur les enfants via la possibilité pour le juge pénal de se prononcer sur l’autorité parentale en cas de poursuite ou de condamnation pour violences conjugales.

La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, issue d’une proposition de loi présentée par les députés Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha, a permis notamment l’attribution à titre provisoire de l’aide juridictionnelle de plein droit dans le cadre des procédures présentant un caractère d’urgence comme l’ordonnance de protection. Elle a également accordé au juge la faculté de suspendre le droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur dont le parent violent est titulaire, de décharger de leur obligation alimentaire les ascendants, descendants, frères ou sœurs de personnes condamnées pour un crime ou un délit portant atteinte à l’intégrité de la personne commis par un parent sur l’autre parent, ou encore de lever le secret médical lorsque les violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et lorsque celle-ci se trouve sous l’emprise de l’auteur des violences.

Ces textes, sur lesquels le Gouvernement avait engagé la procédure accélérée, ont été adoptés à l’unanimité, preuve, s’il en était besoin, d’une volonté transpartisane de faire reculer ces violences et, sinon de faire disparaître les féminicides en France, à tout le moins d’en infléchir la courbe.

Notre arsenal de protection et de prévention est désormais bien fourni et les moyens financiers ont été renforcés, le budget consacré à aider les victimes de telles violences augmentant substantiellement – +77 % – entre 2019 et 2022. Les dispositifs essentiels de protection, tels que le téléphone grave danger ou le bracelet anti-rapprochement, que j’évoquais précédemment, ont bénéficié de crédits importants au cours de ce quinquennat. J’en veux pour preuve la hausse de plus de 145 %, entre 2018 et 2021, de la dépense totale destinée au téléphone grave danger.

Il serait malhonnête de ne pas reconnaître que des progrès significatifs et indéniables ont été accomplis ces dernières années dans la lutte contre ce fléau des violences conjugales, dans le traitement des plaintes ou encore dans le suivi des victimes.

D’ailleurs, M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance, confirmait, mi-novembre dernier, l’objectif défini en 2019 consistant à installer d’ici à la fin de l’année 2022 sur tout le territoire, y compris dans les départements d’outre-mer, trop souvent oubliés, des unités d’accueil pédiatriques des enfants en danger, vers lesquelles seront orientés et pris en charge les enfants témoins de féminicides ou victimes de violences. Il promettait, à cet effet, une enveloppe de 14 millions d’euros. Madame la ministre, quand le département de Mayotte bénéficiera-t-il de ce dispositif ?

Par ailleurs, si l’on doit reconnaître ces avancées considérables, force est de constater que, bien que l’année ne fasse que commencer, plusieurs femmes ont déjà perdu la vie sous les coups de leur compagnon. Madame la ministre, que répondez-vous à ceux qui prétendent que le Gouvernement s’est davantage concentré sur la protection des victimes que sur la dissuasion des auteurs ?

Enfin, vous ne m’en voudrez pas d’évoquer la situation globale en outre-mer.

Selon l’Insee, les violences intrafamiliales, mesurées à partir des dépôts de plainte, sont plus répandues en outre-mer que dans l’Hexagone. En 2017, déjà, le Conseil économique, social et environnemental rapportait que les violences intrafamiliales étaient plus fréquentes et plus graves en outre-mer, en raison de l’insularité ou de la faible superficie de certains territoires, qui peuvent entraver la libération de la parole et rendre inopérants l’éloignement du conjoint violent ou le choix d’un lieu anonyme offrant la possibilité d’être accueillie et écoutée sans crainte.

À Mayotte, chaque année, environ 650 femmes franchissent courageusement la porte du commissariat de Mamoudzou ou d’une brigade de gendarmerie de l’île pour signaler des violences conjugales. Seuls 150 de ces signalements donnent lieu à des procédures judiciaires et, de surcroît, nous savons que le chiffre des dépôts de plainte conduit à sous-estimer largement la réalité des violences, certaines victimes refusant de porter plainte, soit parce qu’elles sont économiquement dépendantes de leur bourreau soit en raison de la pression sociale.

Depuis le mois d’octobre dernier, 5 bracelets anti-rapprochement et 5 téléphones grave danger sont disponibles à Mayotte. Pouvez-vous nous préciser si ces équipements ont été utilisés et si d’autres appareils vont être commandés ? Leur déploiement sur un territoire comme celui de Mayotte est-il pertinent, compte tenu de la taille dudit territoire ?

Le 23 juillet 2021, M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer, a lancé, en coordination avec le service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, l’appel à projets « Mobilisés contre les discriminations et les violences faites aux femmes en outre-mer ». Une enveloppe de 325 000 euros devait permettre d’accompagner 38 projets dans 9 territoires ultramarins. Les lauréats ont-ils d’ores et déjà reçu ces fonds ?

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