Intervention de Daniel Chasseing

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Daniel ChasseingDaniel Chasseing :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite à mon tour remercier le groupe CRCE d’avoir proposé ce débat.

La protection et l’émancipation des femmes ainsi que la lutte contre le sexisme s’imposent à notre société. Les violences faites aux femmes sont l’une des atteintes aux droits les plus courantes dans le monde ; dans huit cas sur dix, elles sont commises par une personne vivant sous le même toit que la victime. Au cours du seul mois de janvier 2022, huit femmes et une enfant de deux ans sont décédées sous les coups, respectivement, de leur conjoint ou de leur père.

En 2019, année du lancement du Grenelle contre les violences conjugales, 146 femmes ont perdu la vie dans ces tristes circonstances ; en 2021, elles étaient 113. Toutefois, ces féminicides ne sont que la partie émergée de l’iceberg ; nombreuses sont encore les femmes qui subissent des violences psychologiques en silence.

Il existe en effet un décalage entre les dispositifs mis en place et le nombre de femmes victimes qui acceptent de parler. Tout agresseur devrait être convoqué, au moins pour un rappel à la loi. La parole des femmes, aujourd’hui encore, est insuffisamment prise en compte, malgré les récents progrès constatés en la matière. Nous devons former les professionnels de santé à la détection des situations de violence conjugale et à l’écoute des victimes. Il faut permettre à ces dernières de retrouver leur dignité, de se défaire de leur peur et de leur sentiment de honte, et les aider à porter plainte en démontant le mécanisme d’emprise qui les lie à leurs agresseurs.

Les dispositifs proposés par la justice, comme les téléphones grave danger et les bracelets anti-rapprochement, apportent des réponses concrètes. Actuellement, 479 hommes sont équipés d’un bracelet – vous avez même cité un chiffre légèrement supérieur, madame la ministre – et 200 victimes disposent d’un téléphone grave danger. Depuis mardi dernier, les victimes sont en outre obligatoirement avisées de la sortie de prison de leur conjoint ou ex-conjoint violent.

Ces mesures vont dans le bon sens. Nous devons éviter toute rupture dans la surveillance des agresseurs et agir à tous les niveaux, en renforçant la prévention, la détection et les sanctions.

Malgré les dispositifs déployés, les violences faites aux femmes ont augmenté de 25 % par rapport à 2019. Cette recrudescence s’explique par une hausse très significative des agressions lors du premier confinement et par une libération concomitante de la parole. En sus du numéro d’urgence, le 3919, les victimes ont désormais la possibilité d’alerter les forces de l’ordre dans les pharmacies. Ce système, inspiré du modèle espagnol, devrait favoriser les signalements.

En Corrèze, les crédits consacrés à l’hébergement d’urgence sont très insuffisants. Pour travailler efficacement, nous devons œuvrer en faveur de la concertation entre les associations d’un même département.

Les conclusions du rapport déposé le 8 juillet 2020 par nos collègues Arnaud Bazin et Éric Bocquet sont confirmées, aujourd’hui encore, par les acteurs de terrain : les outils existent, mais les modalités d’attribution des crédits ne sont pas suffisamment connues ni expliquées. Les financements sont versés sur des périodes trop courtes pour que les associations aient de la visibilité.

Celles-ci en sont réduites à travailler avec des bouts de ficelle et à naviguer à vue, en s’appuyant sur le dévouement et le travail extraordinaires de leurs salariés et de leurs bénévoles. L’association Le Roc, en Corrèze, a dû licencier trois personnes et ne peut donc plus prendre en charge que trois hébergements sécurisés vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

La prise en charge médicale ne doit pas prendre le pas sur l’accompagnement social. Ces deux composantes sont essentielles pour aider les victimes. Collectivement, nous devons renforcer la prise en charge des victimes qui sont en situation de précarité sociale, économique et psychologique.

Il est primordial d’augmenter le nombre de places d’hébergement d’urgence sécurisé, sans oublier, bien sûr, les solutions d’hébergement pérennes. Nous devons également prendre en charge les auteurs de violences afin d’éviter les récidives.

Madame la ministre, nous sommes sur la bonne voie, la parole se libère et de nouveaux dispositifs de signalement et de contrôle sont déployés, mais les violences persistent, aggravées par les confinements successifs.

Il faut aller plus loin et actionner tous les outils nécessaires pour développer une culture de la protection des femmes et des enfants exposés à ces violences insupportables.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion