Grâce à leur grande qualité paysagère, les zones humides sont des lieux de détente, de découverte et de loisirs, propices à de nombreuses activités récréatives, telles que la navigation, la chasse ou la pêche. Pourtant, elles sont souvent perçues comme des zones insalubres et pestilentielles, motifs fréquemment allégués pour procéder à leur destruction.
Ainsi, assèchement, curage, drainage, industrialisation, pollution, remblaiement et urbanisation n’ont cessé de réduire la superficie des zones humides dans la deuxième moitié du XXe siècle.
Je vous rappelle que nous sommes aujourd'hui les champions du monde de l’ « artificialisation » des sols : chaque année, plus de 60 000 hectares de zones humides et de terres agricoles sont ainsi détruits.
Le rapport d’évaluation sur les politiques publiques en matière de zones humides publié en 1994 après une évaluation menée les deux années précédentes avait conclu que 50 % environ des zones humides françaises avaient disparu sur trente ans en dépit de leur valeur inestimable, et ce en grande partie à cause des politiques publiques.
Voilà dix ans, les zones humides ne couvraient plus qu’environ 1, 5 million d’hectares, soit moins de 3 % du territoire ; leur régression se poursuivait alors au rythme d’environ 10 000 hectares par an.
Depuis, les pouvoirs publics ont semblé prendre conscience de la nécessité de préserver ces milieux ; je ne rappellerai pas toutes les mesures prises en ce sens dans la loi « littoral », la loi sur l’eau du 3 janvier 1992, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, les lois sur la pêche, les lois d’orientation pour l’agriculture ou pour l’aménagement du territoire.
Je mettrai l’accent sur le Plan national d’action pour les zones humides, adopté en 1995, et qui est encore insuffisamment appliqué, y compris pour l’inventaire qu’il prévoit, dans la mesure où de nombreuses zones de faible superficie sont ignorées et, de ce fait, souvent supprimées.
Ce plan s’appuie sur des outils existants de planification comme le SDAGE, le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, ou le SRADT, le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire, sur des instruments de protection tels que les réserves naturelles, les zones de protection spéciale, les réserves biologiques domaniales, les réserves de chasse et de pêche, mais aussi sur des labels internationaux tels que Ramsar ou Natura 2000.
Cependant, face aux pressions dont elles font l’objet, les zones humides doivent disposer d’une véritable protection d’ordre économique, en bénéficiant d’incitations financières. Certes, ces dix dernières années, celles-ci ont été nombreuses : je citerai simplement les fonds européens avec le programme LIFE, les contrats d’agriculture durable, le fonds de gestion des milieux naturels, les aides des agences de l’eau, le fonds national de solidarité sur l’eau et la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles, ou TDENS.
Diverses subventions ou crédits d’impôt peuvent aussi aider les propriétaires et les gestionnaires à protéger les zones humides ou à les intégrer dans la trame verte, en étant exonérés de 50 % à 75 % de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, voire 100 % en zone Natura 2000.
Enfin, l’arme absolue pour défendre ces zones, c’est bien sûr la maîtrise foncière ; le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, les conservatoires régionaux d’espaces naturels, la Fondation pour la protection des habitats de la faune sauvage, ou encore les collectivités territoriales s’engagent dans cette démarche.
J’espère que la proposition qui a été faite de transformer les agences de l’eau en fer de lance de cette politique grâce à l’acquisition de plus de 20 000 hectares de zones humides sera reprise, dans les semaines qui viennent, dans le cadre du projet de loi dit « Grenelle 1 ».
Toutefois, l’argent manque pour mener à bien une véritable sanctuarisation de ces zones, comme le demandent des directives européennes datant parfois de près de trente ans, comme celle qui a trait aux oiseaux, voire presque quarante ans, comme la convention de Ramsar de 1971.
Il est vrai que, à l’occasion, les pouvoirs publics n’hésitent pas à traduire dans une circulaire un article de loi de finances afin de rendre déductibles les dépenses de drainage et de comblement de fossés.
Alors, madame, monsieur le secrétaire d’État, je tiens à profiter de ce débat pour vous demander, sinon pour cette année, au moins pour un futur proche, de mieux prendre en compte cet objectif spécifique.
Puisque, désormais, il faut que les politiques publiques soient liées à des indicateurs de performance, il me semble judicieux, voire nécessaire, que les zones humides fassent l’objet d’un tel instrument de mesure de l’efficacité de l’action de l’État.
Certes, deux des trois objectifs du programme regroupés dans l’action « Gestion des milieux et biodiversité » semblent répondre à cette attente, puisqu’il s’agit d’ « améliorer l’efficacité biologique et l’efficience du réseau des espaces protégés au titre de la nature et des paysages » – objectif 6 – et d’« inciter par le biais d’actions partenariales à la conservation des espaces naturels et des espèces animales et végétales menacés » : objectif 7.
Dans l’un et l’autre cas, il n’est question que d’apprécier le coût annuel pour le ministère chargé de l’écologie de l’hectare d’espace protégé. Faut-il souhaiter qu’il augmente ou qu’il diminue ? Ne serait-il pas plus lisible de nous donner des objectifs en termes d’évolution des surfaces d’une année sur l’autre ?
Pour la définition de ces zones, les critères ont effectivement longtemps varié, selon que l’on adoptait le point de vue du ministère de l’environnement ou celui du ministère de l’agriculture. Mais comme le soulignait madame le secrétaire d’État chargée de l’écologie devant la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2008, le projet de loi dit « Grenelle 1 » nous permettra de disposer enfin d’une définition précise de ce que sont ces zones.
Il conviendrait donc que les prochaines lois de finances incluent des objectifs quantifiables en matière de surfaces protégées en général, et de zones humides en particulier.
Décliné localement, cet indicateur pourrait être intégré au « point biodiversité » sur lequel travaille votre ministère, en liaison avec Bercy, afin de moduler la dotation globale de fonctionnement selon les efforts consentis par les collectivités locales dans ce domaine.
Pour conclure, je crois qu’il faut rappeler que plus on respectera les milieux naturels, mais aussi les milieux agricoles, moins on gaspillera d’espaces. De même, il faut arrêter le mitage et l’étalement urbain, en particulier dans les zones périurbaines. Pour cela, il faut avoir le courage politique d’élaborer un véritable zonage, pérenne et généralisé, et de soutenir l’effort de planification et d’aménagement des espaces des collectivités locales dans la réalisation de leur PLU et de leur SCOT.
Cela suppose une démarche qui soutiendra le « porté à connaissance », la labellisation, la contractualisation et la protection. Il s’agit là d’objectifs importants, qu’il nous faudra atteindre dans les années à venir.