Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 2 février 2022 à 15h00
Énergie et pouvoir d'achat : quel impact de la politique du gouvernement — Suite du débat d'actualité

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le savons tous ici, la France est confrontée à une crise sans précédent des prix des énergies. Entre le printemps 2020 et hier, les prix de marché ont été multipliés par 2, 5 pour le pétrole, par 3 pour le gaz et par 10 pour l’électricité. Certes, la situation est européenne et mondiale.

La hausse s’est répercutée sur les prix à la pompe, qui s’élèvent à 1, 70 euro par litre pour l’essence et le gazole et à 1, 10 euro par litre pour le fioul. Elle s’est aussi répercutée sur les tarifs réglementés de vente : l’augmentation a été de 13 % pour le gaz en octobre dernier et de 4 % pour l’électricité en ce mois février.

Cette flambée était prévisible : dès juin 2020, la commission des affaires économiques, dans son plan de relance, avait alerté sur un « effet inflationniste en sortie de crise ». Nous avions même proposé une revalorisation du chèque énergie !

Lors de nos travaux budgétaires, nous avions également dénoncé, en novembre dernier, un bouclier tarifaire « tardif et incomplet », regrettant un « manque d’écoute et d’évaluation ». Nous avions alors suggéré de relever les aides aux ménages, entreprises et collectivités et d’accélérer l’application des fournisseurs de recours et des correspondants solidarité-précarité.

Cette flambée des prix met sous tension l’ensemble du secteur énergétique. Elle érode le pouvoir d’achat des ménages, l’énergie représentant 10 % de leur budget. À terme, une hausse de la précarité énergétique est à craindre : 3, 5 millions de ménages sont déjà touchés.

Par ailleurs, la flambée des prix empêche la reprise durable de notre économie, car l’énergie représente 7 % de notre produit intérieur brut. Les entreprises énergo-intensives, mais aussi nos PME et TPE, sont touchées. Au-delà des prix des énergies, ceux de leurs coproduits augmentent : l’ammoniac pour nos agriculteurs et l’aluminium pour nos industriels. Et que dire des métaux rares, indispensables à la transition énergétique ?

La flambée des prix pèse sur les contrats de fourniture des collectivités. Selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), les hausses observées sur plusieurs milliers de points de livraison varient entre 30 % et 300 %.

La flambée des prix désorganise le secteur de l’énergie. C’est vrai, au premier chef, pour le groupe EDF, qui évalue à 8 milliards d’euros le coût du relèvement du plafond de l’Arenh et de l’action sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité. L’annonce de ce relèvement a constitué un choc pour le PDG de l’entreprise. Elle a entraîné une dégradation de sa notation et l’organisation d’une grève. De plus, certains fournisseurs alternatifs ont cessé leur activité, à l’instar de Leclerc Énergies, qui a laissé sur le bord du chemin 140 000 abonnés.

Dans ce contexte, la politique énergétique à court terme du Gouvernement me semble erratique.

En premier lieu, le bouclier tarifaire est mal calibré. C’est le cas de son montant : l’attribution, à l’automne, de 100 euros via le chèque énergie ou de l’indemnité inflation ont été rattrapée depuis lors par la hausse des prix. C’est le cas de son champ d’application, ensuite, car les tarifs réglementés de vente, sur lesquels se focalisent les blocages ou les compensations, ne concernent que 7, 5 % de la consommation de gaz et 28 % de celle d’électricité.

En deuxième lieu, le bouclier tarifaire est mal évalué. Dans le projet de loi de finances, le Gouvernement avait estimé à 6 milliards d’euros la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité. On en est à 8 milliards d’euros aujourd’hui. Jusqu’où ira-t-on ?

En troisième et dernier lieu, l’avenir du bouclier tarifaire est mal anticipé. Aucune mesure n’est prévue au-delà de 2022. Or la flambée des prix des énergies pourrait bien durer. Par ailleurs, l’action sur les tarifs réglementés pourrait se répercuter in fine sur les ménages et les entreprises. On le sait, la mesure proposée pour le gaz n’est qu’un dispositif de lissage, courant jusqu’en janvier 2023. Par ailleurs, les tarifs réglementés de vente de gaz disparaîtront dès juillet 2023. Ainsi de graves difficultés sont-elles à prévoir ! En outre, aucune conséquence financière n’est tirée de ces mesures pour le groupe EDF.

On relève le plafond de l’Arenh de 100 térawattheures à 120 térawattheures, mais son prix stagne à 46, 50 euros le mégawattheure, contre 42 euros actuellement. C’est dérisoire, au moment où le prix de marché de l’électricité s’envole à plus de 200 euros !

Au-delà, la politique énergétique à long terme du Gouvernement me semble indigente.

Si les mesures d’urgence sont indispensables, leur modèle de financement érode nos capacités d’investissement : les 8 milliards d’euros perdus pour le groupe EDF sont autant de moins pour ses projets. Or le Grand Carénage suppose 50 milliards d’euros au total et la transition énergétique 10 milliards d’euros annuels ! Comment, dans ces conditions, financer la construction de nouveaux réacteurs, trois EPR coûtant 46 milliards d’euros ?

Pis, le Gouvernement élude les véritables décisions. Or il faut dire la vérité aux Français !

Tout d’abord, la fermeture des réacteurs existants fragilise notre sécurité d’approvisionnement. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) a ainsi relevé, dans son bilan prévisionnel, une « situation de vigilance pour les trois prochains hivers ».

Plus encore, l’atteinte des objectifs de décarbonation du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » n’est possible qu’en intégrant l’énergie nucléaire à la taxonomie verte.

Enfin, l’immobilisme n’est plus tenable s’agissant de la relance de la filière nucléaire. RTE a ainsi indiqué dans son rapport Futurs énergétiques 2050 qu’« il y a urgence à se mobiliser ».

Au total, la crise des prix des énergies agit comme un révélateur des insuffisances de la politique du Gouvernement.

Pour ma part, je suis convaincu que le soutien au pouvoir d’achat des ménages passe par un soutien à la production d’énergie nucléaire afin de limiter notre dépendance aux importations d’hydrocarbures et de garantir un prix de l’électricité faible et identique pour tous les Français, sur tout le territoire.

En définitive, un véritable bouclier tarifaire devrait consister non pas en une fuite en avant des finances publiques, mais en une relance de la filière nucléaire, colonne vertébrale de la souveraineté énergétique de la France.

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