Intervention de Thierry Cozic

Réunion du 2 février 2022 à 15h00
Énergie et pouvoir d'achat : quel impact de la politique du gouvernement — Suite du débat d'actualité

Photo de Thierry CozicThierry Cozic :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes amenés à débattre aujourd’hui de l’énergie, car, disons-le franchement, nous traversons une crise que personne n’avait vu venir.

Cette crise est provoquée par une conjonction d’événements et de facteurs imprévus qui se sont additionnés pour provoquer une explosion des prix du gaz, laquelle gagne de proche en proche tous les marchés de l’énergie et révèle la faillite de l’Europe dans ce domaine.

C’est cette même Europe qui, bâtie sur la seule concurrence, a choisi d’exposer l’ensemble de l’économie et des ménages à la volatilité des marchés. Soyons clairs, la crise que nous connaissons n’est liée ni à une hausse de la consommation ni à une augmentation des coûts de production : c’est à la libéralisation du secteur que nous devons la situation dans laquelle nous sommes.

De fait, le système actuel ne permet même pas de financer les investissements nécessaires, car il n’offre aucune visibilité.

Un changement de cap doit être rapidement décidé, faute de quoi il pourrait être impossible de conduire une transition écologique acceptée par l’ensemble des populations.

L’origine de cette dépendance énergétique est multiple. Si la faiblesse de la politique européenne de l’énergie est une des causes de cet état de fait, la crise économique de 2008 a aussi découragé certains États membres d’investir dans les infrastructures énergétiques ou dans la rénovation de leurs infrastructures vieillissantes.

Dans ce contexte morose, de nombreux pays hors Union européenne ont aussi profité de l’absence d’autoroutes de l’énergie entre les Vingt-sept pour signer des partenariats d’approvisionnement avec certains d’entre eux.

Confrontée à l’hystérie des marchés, l’Europe avance en ordre dispersé. Chaque gouvernement tente de limiter la casse pour sa population. Depuis le milieu de l’été, une poignée de pays européens, notamment l’Espagne, l’Italie, mais aussi la France, ont déjà adopté des mesures pour tenter d’aider les consommateurs à faire face à l’envolée des prix : allégement de la fiscalité indirecte, mise en place d’un chèque énergie pour les ménages les plus pauvres, gel provisoire des hausses, surtaxation des profits des électriciens et des gaziers, etc.

L’ensemble de ces dispositifs représenterait quelque 18 milliards d’euros rien que pour la France. Ces aides n’ont pu être octroyées qu’en tordant le bras à Bruxelles, la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne n’étant pas étrangère à ce tour de passe-passe budgétaire, comme cela est rappelé dans un article du Canard enchaîné paru aujourd’hui. Mais ces mesures sont tout bonnement insuffisantes et les consommateurs peinent à en voir la traduction concrète sur leur pouvoir d’achat.

Par ailleurs, les dispositions prises se font au détriment du contribuable. De ce point de vue, la situation française est quelque peu ubuesque et éclairante des dérives de la libéralisation à outrance du marché de l’énergie.

Lors des questions d’actualité au Gouvernement du 19 janvier dernier, j’ai interrogé le ministre de l’économie sur la situation d’EDF. Comment se fait-il que cette entreprise soit contrainte de vendre sa production d’énergie à bas prix à ses concurrents, qui eux peuvent la revendre à des prix exorbitants ? J’attends encore une réponse, mais je ne doute pas que vous pourrez me la donner aujourd’hui.

Des questions financières et monétaires de plus en plus pressantes se posent. Cette crise énergétique place la Banque centrale européenne dans une position difficile. Contre cette flambée, contre cette inflation importée, elle ne peut rien faire. Combien de temps pourra-t-elle maintenir sa politique monétaire et les taux faibles ?

Ne nous leurrons pas, la crise risque de durer bien plus longtemps que vous ne l’escomptez. Les hausses sur le marché du gaz se sont propagées au marché de l’électricité, du charbon, du pétrole. Elles ont maintenant gagné les marchés des futures.

Les contrats d’approvisionnement d’électricité pour 2022, voire pour 2023, se négocient au prix de 150 euros le mégawattheure, contre 39 euros en moyenne en 2019, signe que les intervenants de marché n’anticipent pas de baisse rapide.

Inéluctablement, ces prix se répercuteront à un moment ou à un autre sur les factures des ménages. Vos bricolages conjoncturels ne changeront pas la donne et risquent de provoquer un malaise social encore plus grand.

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