Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour remercier notre collègue Olivier Henno d’avoir pris l’initiative de cette proposition de loi.
L’abandon régulier et progressif de l’universalité des allocations familiales, entamé depuis plusieurs années, mais érigé en principe en 2015, sous le quinquennat de François Hollande, et poursuivi sous celui d’Emmanuel Macron me semble être une triple erreur.
C’en est une, bien sûr, parce qu’il s’agit d’un détournement des principes fondamentaux de la sécurité sociale selon lesquels, à revenu égal, les familles ayant charge d’enfants voient en partie compensés les coûts liés à leur éducation. L’idée, amorcée dès l’avant-guerre par certains patrons, consistait à verser, sur la base d’une rémunération égale pour un travail identique, ce qu’il était convenu d’appeler un sursalaire dont l’ouverture était exclusivement fondée sur la présence ou non d’enfants et non pas, bien évidemment, sur le revenu.
Mais je ne souhaite pas tant rappeler ce principe fondateur que réfléchir avec vous quelques instants sur l’erreur qui consiste à confondre politique familiale et politique d’assistance aux ménages les plus modestes : on court alors le risque d’assimiler les familles à des cas sociaux.
L’erreur première consiste donc, au fond, à ne voir dans l’aide aux familles qu’une seule branche de la sécurité sociale, en oubliant que la politique familiale ne constitue pas une dépense de fonctionnement récurrente comme la maladie ou la vieillesse : la famille ne relève pas d’une logique assurantielle, car elle ne constitue pas un risque à couvrir ; bien au contraire, elle relève d’un investissement. En cela, elle participe de la pérennité de la société, de notre dynamisme démographique et économique, ainsi que de notre rayonnement culturel.
La vitalité démographique conditionne bien sûr la solidarité entre les générations, comme en témoigne l’explosif dossier des retraites : je ne puis que déplorer que les excédents réguliers de la branche famille, en partie dus à la réduction des bénéficiaires, soient systématiquement détournés de leur objet pour financer d’autres branches.
Je rappelle que la modulation imposée aux familles en 2015 n’a réduit les inégalités qu’à la marge et a pénalisé les familles les plus nombreuses du fait d’un dispositif de lissage très limité. Ainsi, un faible supplément de ressources conduit à une forte diminution des allocations, l’effet de seuil se révélant très élevé, particulièrement pour les familles nombreuses.
La seconde erreur a trait aux effets de seuil de revenus, qui ont pour conséquence de décourager certaines femmes de reprendre une activité professionnelle. Je pense plus particulièrement aux familles les plus modestes, où l’effet de seuil conduit les femmes à se dire que, tout bien compté, il vaut mieux rester à la maison que reprendre un travail.
(Protestations sur les travées du groupe SER.) Je m’attendais à ces cris et je m’en réjouis !