Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la principale difficulté à laquelle nous devons nous confronter est celle de la définition du wokisme.
Je connais celle de ses détracteurs : il ne serait pour eux qu’un agrégat des idées défendues par une certaine gauche, animée par la volonté de démanteler notre culture et notre société. Cette vision, fort caricaturale, ne permet pas de saisir tous les enjeux de ce concept, qui ne se limite pas aux propositions extrêmes et peu constructives des promoteurs de la cancel culture ou « culture de l’annulation ».
L’origine du wokisme remonte aux années 1960, lorsque Martin Luther King appelait, lors du mouvement des droits civiques, la jeune génération noire à rester « éveillée » et « engagée ».
Popularisé dans les universités américaines à partir des années 2000 – période à laquelle je les ai personnellement souvent visitées –, le concept de woke est en réalité très vaste. Il intègre le boycott, le déboulonnage des statues, le décolonialisme, l’antiracisme et les appels à lutter contre la misogynie et le sexisme, lesquels peuvent prendre la forme de dénonciations que l’on assimile au lynchage dans les médias ou sur les réseaux.
Je conçois que certaines actions et prises de position puissent interroger, les unes relevant du militantisme politique et de la liberté d’expression, les autres d’une volonté d’instaurer une pensée unique.
Tout comme je dénonce celles et ceux qui caricaturent ce mouvement, je dénonce des militants woke qui, parfois, par des pratiques inappropriées, poussent à l’autocensure, laquelle doit rester étrangère au monde de la recherche et de l’enseignement supérieur. La richesse du monde universitaire tient à la place qu’il accorde à la confrontation intellectuelle. Tenter de réduire au silence celles et ceux qui ne partagent pas nos idées est inacceptable.
Mon constat est donc le suivant : la liberté académique doit être préservée, des pressions gouvernementales visant à encourager une recherche et un enseignement officiels comme de l’extrémisme qui peut découler de certains partis pris idéologiques.
Comment envisagez-vous de garantir la préservation de cette liberté académique, qui me semble, d’un côté comme de l’autre, menacée aujourd’hui ?
Derrida, Foucault et d’autres ont enseigné la French Theory, et cet enseignement est loin d’être dévalorisé puisque ces idées et ces concepts ont été diffusés dans d’autres pays.