Il s’agit pourtant bien d’une attaque directe contre les libertés académiques.
D’autres parlementaires ont également voulu jouer avec ce totem. À l’Assemblée nationale, Julien Aubert et Damien Abad ont demandé, début 2021, la création d’une mission d’information dans des termes qui reprenaient exactement ceux de notre débat d’aujourd’hui. Avec la finesse d’analyse qui les caractérise, ils se sont permis un parallèle entre le nazisme, le stalinisme et le mouvement dont nous parlons aujourd’hui…
Après avoir osé écrire « islam conservateur et écriture inclusive marchent main dans la main », ils ont tout simplement suggéré de remettre en cause les libertés académiques pour traiter le mal à la racine. Nous y voilà !
Mais je constate que cette demande de mission d’information n’a, elle aussi, été qu’une opération de communication qui n’a finalement mené à rien de concret. Heureusement d’ailleurs ! Rien de concret, mais peu importe, car le mal est fait…
Et cette fois, mes chers collègues, je le dis avec sérieux et gravité, c’est de votre faute. Main dans la main avec le Gouvernement, vous attaquez la recherche universitaire. Vous jetez le poison du soupçon, de l’anathème, principalement sur les sciences humaines et sociales.
Si vous voulez parler de manière sérieuse des menaces qui pèsent sur l’université et les libertés académiques, la liste de ces menaces est longue et le prétendu wokisme n’y figure évidemment pas : la paupérisation de la recherche, notamment en sciences humaines et sociales ; la précarisation des jeunes chercheurs ; des milliers d’étudiants auxquels on ne permet pas l’inscription en master ; plus d’un jeune sur dix sous le seuil de pauvreté ; des universités et des Crous dans un état calamiteux ; des files d’attente d’étudiants devant les cabinets de psychologues et les guichets d’aide alimentaire ; la volonté d’influence des grandes sociétés polluantes dans les écoles et les universités…
Mais je constate que vous avez parfois un rapport assez hermétique avec le réel. Ainsi, à trois mois de la présidentielle, nous avons droit à ce débat au ras des pâquerettes, approximatif, stigmatisant et foncièrement inutile.
Lorsque la recherche universitaire va à l’encontre de votre projet politique, un projet devenu ici impossible à distinguer de celui de l’extrême droite, alors vous faites peser des menaces bien plus graves sur les libertés académiques que quelques outrances militantes.
On le voit clairement aujourd’hui, la volonté d’annuler, d’interdire, de régenter la pensée, provient en vérité de votre camp. L’ordre et la morale, voilà votre objectif ! Tout le reste – les moyens alloués à l’université, le soutien à la recherche, la lutte contre la précarité étudiante – n’est qu’accessoire et nous en avons une preuve éclatante aujourd’hui.