Pour ce qui concerne la commission des lois, monsieur le ministre, trois types d’usage de l’article 38 de la Constitution paraissent, sinon critiquables, du moins discutables.
Le premier est le cas où le Gouvernement n’utilise pas l’habilitation qu’il a demandée. C’est juridiquement son droit le plus strict, mais cela révèle une pratique qui doit être dénoncée : celle de la demande d’habilitation dite « filet de sécurité », que le Gouvernement se réserve d’utiliser en cas de besoin.
C’est oublier que, constitutionnellement, le Parlement ne peut alors plus se saisir lui-même des matières qu’il a déléguées et que le Gouvernement, en multipliant ces habilitations, bloque en réalité l’action du législateur pendant de longues périodes, parfois jusqu’à deux ans.
Pour en donner un exemple récent, le Gouvernement a fait voter dans la loi Engagement et proximité une habilitation sur le régime des débits de boissons. Le délai a expiré en avril 2021 sans que l’ordonnance ait été prise. Le Gouvernement va-t-il solliciter de nouveau le Parlement ? Et, dans l’affirmative, utilisera-t-il cette habilitation ?
Deuxième utilisation critiquable : dans le projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante, le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises de l’époque sollicitait une habilitation – je n’ose pas la qualifier ici –, parce qu’il lui fallait du temps pour mener une concertation avec les professionnels et décider quoi écrire dans l’ordonnance destinée à modifier les structures d’exercice professionnel libéral.
C’est un peu étonnant… Cela revient en quelque sorte à donner un blanc-seing à l’exécutif, ce qui n’est évidemment pas dans l’esprit de la Constitution.
Troisième et dernier exemple de dévoiement : l’absence de ratification d’ordonnances importantes, que le Gouvernement juge parfois trop « techniques » pour justifier une ratification en bonne et due forme.
Sur ce point, je voudrais vous interroger sur l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce, qui concerne les procédures collectives.
Ce texte apporte des inflexions particulièrement importantes au droit des faillites et exerce, ou n’exerce pas, selon le cas, des options ouvertes par les textes européens. Il y a matière à discuter de ces choix. Le Gouvernement entend-il engager la ratification expresse de ce texte pour laquelle nos collègues François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi ont d’ailleurs déposé une proposition de loi de ratification ?