Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous venons d’assister à un débat particulièrement riche et complet.
L’un des mérites que notre assemblée retiendra sans doute des travaux de cette mission sera d’avoir mis au cœur du débat politique cette question essentielle, à laquelle le Gouvernement et les pouvoirs publics au sens large ont donné le sentiment, jusqu’à aujourd’hui, d’avoir répondu de manière insuffisante.
Si nos travaux - nous regrettons de n’avoir disposé que de huit semaines - n’ont pas été facilités par la pause estivale, nous avons pu tout de même auditionner, grâce au rapporteur André Gattolin, un grand nombre d’universitaires.
Nous avons également élargi le périmètre de notre mission à un certain nombre de pays qui connaissent les mêmes problèmes que nous, même si c’est dans des circonstances un peu différentes - vous l’avez rappelé, madame la ministre, à propos de l’Australie.
À cet égard, l’audition de M. James Paterson, sénateur et président de la commission conjointe du parlement australien sur le renseignement et la sécurité, a été d’une grande richesse et d’une grande densité. Elle nous a informés précisément sur les actes que commet la Chine à l’encontre des libertés académiques en Australie.
Oui, nous avons eu le mérite de lancer un débat nécessaire sur un sujet absolument essentiel ! Sans reprendre l’intégralité des vingt-cinq propositions, raisonnables et réalistes, mais aussi ambitieuses, que contient le rapport, je retiendrai trois idées principales.
La première est le concept de zone grise. Notre collègue Leconte l’a très bien dit : l’université se fait un honneur de partager et d’échanger ses résultats, avec d’autres établissements et centres de recherche de l’ensemble de la planète. C’est une vieille tradition française, d’ailleurs, que ces échanges. C’est aussi la tradition que de faire connaître sa langue, sa culture, son histoire, pour qu’elles puissent rayonner sur le monde.
D’un autre côté, il y a l’utilisation de ces recherches par des pays qui ne fonctionnent pas, comme nous, de manière démocratique. Ceux-ci cherchent à capter les informations, à les confisquer et à peser sur certains enjeux qu’ils jugent essentiels. Et ils refusent toute liberté d’analyse ou toute intelligence susceptible d’apporter des réponses qui leur déplaisent.
Nous pensons tous à la situation du peuple ouïghour ou aux événements qui surviennent dans nos universités lorsque nous voulons aborder le drame du génocide arménien ou tant d’autres sujets.
Entre ces deux conceptions, il existe une zone grise, que nous ne connaissons pas et qui mérite d’être mieux analysée. Aussi, nous demandons au Gouvernement de favoriser les échanges universitaires, afin de nous aider à mieux comprendre cette zone grise et à mieux lutter contre les influences.
Ma deuxième observation porte évidemment sur les méthodes qui sont désormais utilisées par ces pays. Nous avons parlé de procédures judiciaires. Elles sont assez inédites et se répandent. Pour mieux lutter contre ces méthodes, nous devons mieux les comprendre, et pour mieux les comprendre, il faut faire travailler en réseau tous les services de renseignement, parfois militaires.
À cet égard, l’audition du représentant de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem) a été particulièrement intéressante, bien que le chapitre consacré à l’université et à l’académie fût peut-être par trop réduit. Un certain nombre de propositions du rapport s’inspirent ainsi des expériences qui nous ont été présentées.
Enfin, le troisième point sur lequel j’insisterai est la faiblesse de la volonté politique. Madame la ministre, en réponse à un certain nombre de questions, vous nous avez affirmé que des circulaires étaient diffusées et qu’une prise de conscience était en cours. Après avoir mené ces travaux, nous pensons que de telles réponses ne sont pas encore à la hauteur de l’enjeu.
En effet, et je conclurai par là, l’enjeu est considérable. Bien au-delà de la captation et des questions purement matérielles, les pays qui se comportent de la sorte s’attaquent à une liberté essentielle, contenue dans les dispositions de l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales de 1950. Je veux parler de la liberté d’enseigner et de son corollaire, la liberté de pensée. C’est à ces libertés que ces pays s’attaquent.
C’est pour cela que la mission d’information nous dit dans son rapport qu’il est grand temps de réagir, et puissamment.