Intervention de Cédric Perrin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 26 janvier 2022 à 10h00
Déplacement à l'onu du 12 au 15 décembre 2021 — Communication

Photo de Cédric PerrinCédric Perrin :

Quelques mots tout d'abord sur la situation actuelle de l'ONU et sur celle de la France au sein de l'organisation.

Il faut d'abord souligner que les Nations unies restent le seul endroit au monde où n'importe quel pays peut parler à n'importe quel pays, et de n'importe quel sujet ou presque : en effet l'ONU a eu tendance à élargir en permanence son champ d'action, s'emparant de nouveaux défis comme le terrorisme, les pandémies, le climat, etc.

La France tient à l'ONU son rôle de membre permanent du Conseil de sécurité aux côtés des grandes puissances. Un membre du P5 très actif, souvent à l'initiative sur le développement, l'environnement, la lutte contre les inégalités, la pandémie, avec un positionnement qui se veut ouvert à la discussion avec tous. Le fait qu'Antonio Gutterres ait été réélu Secrétaire général constitue par ailleurs plutôt un point positif car nous avons avec lui une identité de vue sur plusieurs sujets.

Ceci étant dit, les équilibres au sein du Conseil de sécurité ont beaucoup évolué ces dernières années. Alors que le P5 était traditionnellement la principale source d'impulsion, il est aujourd'hui plus divisé que jamais. La Russie, la Chine et les États-Unis ne privilégient pas la coopération multilatérale, c'est un euphémisme ! La progression de l'antagonisme entre la Chine et les États-Unis menace de déboucher sur une forme de paralysie.

La France s'efforce quand même de trouver des consensus. Cela passe souvent par un travail sur les formats, afin d'identifier la stratégie de négociation la plus efficace, notamment au sujet du renouvellement des résolutions sur le Mali, la RCA, la RDC, ou encore le Liban. Elle s'efforce ainsi de préserver le rôle d'instance décisionnelle du Conseil de sécurité, ce qui implique souvent de privilégier les consultations fermées par rapport aux exercices de diplomatie publique.

Il faut par ailleurs noter que les projets de réforme du Conseil de sécurité, visant à nommer de nouveaux membres permanents européens, africains ou autres, ont en l'état peu de chances d'aboutir, car elles supposent un consensus plus qu'improbable. La seule manière de réformer, ce serait peut-être que les pays du G20 parviennent à s'entendre entre eux à ce sujet, mais ce n'est pas à l'ordre du jour.

Si l'on élargit le tableau à l'Assemblée générale, il est évident que l'agenda occidental hérité des années 90 est clairement contesté. Les « valeurs occidentales » sont remises en cause par les grandes puissances, mais aussi de plus en plus par des pays émergents. Nos amis des pays en développement ne convergent plus aussi souvent qu'autrefois, avec les positions européennes notamment les pays d'Afrique subsaharienne.

La présidence Trump a aussi laissé des traces. En particulier, sur la question des droits de l'homme ou de l'égalité femmes/hommes, nous sommes maintenant à contre-courant. Il faut lutter non pour avancer, mais pour ne pas reculer ! La Chine et la Russie s'efforcent ainsi de mobiliser les pays membres sur des contre-projets en matière de droits de l'homme, en utilisant une rhétorique anti-néocolonialiste. Même le socle minimal que constitue le droit international humanitaire (ou droit de la guerre) est contesté par la Chine et la Russie. La Chine a ainsi commencé à présenter des textes au Conseil des droits de l'homme, avec des formules floues qui constituent en réalité des régressions.

Dans ce contexte difficile, la France cherche des alliances en « trans-régional » avec des représentants de pays d'Amérique du Sud, ou d'Asie. Elle a aussi lancé avec l'Allemagne l'« Alliance pour le multilatéralisme » pour défendre sa posture d'ouverture.

À la fois indispensable et en difficulté dans de nombreux domaines : ce constat sur l'état de l'ONU est ainsi celui que nous faisons depuis de nombreuses années. Avec une teinte peut-être un peu plus sombre encore cette fois-ci du fait des tensions croissantes entre grandes puissances, qui se reflète dans les crises actuelles en Ukraine ou en mer de Chine.

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