Intervention de Hugues Saury

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 26 janvier 2022 à 10h00
Déplacement à l'onu du 12 au 15 décembre 2021 — Communication

Photo de Hugues SauryHugues Saury :

Avec le représentant russe, la discussion a été assez franche, avec évidemment de nombreux points de désaccord, mais aussi des espaces de discussion sur certains sujets.

Globalement, les Russes distinguent entre, d'une part, la relation bilatérale franco-russe, bonne selon eux, avec des échanges de qualité entre ministres des affaires étrangères et de la défense, et, d'autre part, les mauvaises relations qui découlent de l'appartenance de la France à l'UE et à l'OTAN. Notre interlocuteur a par ailleurs déclaré sans ambages que l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN constituerait un casus belli.

Au niveau des Nations unies, la Russie est défavorable à notre initiative d' « Alliance pour le multilatéralisme ». Notre interlocuteur a également estimé que les États-Unis avaient plus de postes qu'il n'était équitable et qu'il était donc normal que la Chine, deuxième contributeur, s'efforce d'en avoir davantage, tout comme la Russie elle-même.

La Russie a par ailleurs fait quelques annonces importantes en matière de lutte contre le changement climatique à Glasgow, mais notre interlocuteur a déclaré être, à titre personnel, climato-sceptique.

En revanche, nous avons constaté des points de convergence possible sur quelques sujets. Ainsi, sur le Haut-Karabakh, les Russes sont, comme nous, inquiets de la persistance des affrontements dans un contexte de « paix froide ». Toutefois, notre interlocuteur a surtout évoqué le format 3+3 qui associe aux trois républiques du Caucase la Russie, la Turquie et l'Iran. En revanche, la Russie soutient bien le groupe de Minsk, que nous privilégions, s'agissant des discussions sur le statut final du Haut-Karabakh.

Sur la question du Sahel, la Russie nous apporte un soutien ambigu. D'un côté notre interlocuteur affirme qu'il n'y a pas d'espace pour la compétition en Afrique ; de l'autre il nous dit qu'il comprend très bien la déception des Maliens vis-à-vis de la France. D'ailleurs, au Mali, Moscou critique ouvertement la posture française, sans parler, bien entendu, du déploiement de Wagner. Il faut également avoir à l'esprit que l'engagement de la Russie en RCA s'était traduit par une attitude particulièrement offensive contre la France au Conseil de sécurité.

S'agissant enfin de la Biélorussie, notre interlocuteur a rejeté la responsabilité des événements sur l'intransigeance de l'Union européenne et accusé les gardes-frontières polonais d'exactions.

Ce fut donc un entretien assez franc, donc intéressant, malgré des désaccords sur les principaux sujets.

Je voudrais par ailleurs évoquer brièvement l'intéressant entretien que nous avons eu avec Mme Izumi Nakamitsu, Haute représentante du Secrétaire général des Nations Unies pour les affaires de désarmement. Elle a insisté sur la montée en puissance de la Chine, qui accroît son arsenal nucléaire, et sur la nécessité qui en résulte de développer un canal de dialogue bilatéral sino-américain, sur le modèle du dialogue sur la stabilité stratégique entre la Russie et les États-Unis.

Nous avons aussi évoqué le forum de la Convention sur certaines armes classiques, actuellement présidé par la France et qui travaille à un texte sur les systèmes d'armes létales autonomes (SALA), pour le moment bloqué par les Russes. C'est un domaine important de discussion puisqu'il inclut aussi la question de l'utilisation de l'intelligence artificielle, notamment dans le domaine du nucléaire. S'agissant des drones armés, des discussions sont également en cours pour renforcer la transparence des exportations. Ce sont des sujets que nous devons suivre attentivement.

Nous avons bien entendu également parlé de la crise iranienne et des conséquences très importantes si l'Iran parvenait à se doter de l'arme nucléaire. En particulier, la prolifération nucléaire induite risquerait de ne pas se limiter à ce pays.

Il a enfin été question de la Corée du Nord. Alors qu'il y avait auparavant une unité de vue au sein du P5, désormais la Russie et la Chine veulent une levée des sanctions. Notre interlocutrice espérait que l'approche des JO de Pékin amènerait la Chine à modérer sa voisine, on voit ce qu'il en est, avec le tir récent d'un missile par la Corée du Nord.

Plus globalement, il y a lieu de s'inquiéter du délitement de l'architecture de sécurité, avec la fin du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI), les violations de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC) et le retour de la course aux armements. La Conférence d'examen du traité de non-prolifération (TNP), actuellement en cours, pourrait cependant contribuer à freiner cette dégradation...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion