S'agissant des enjeux de développement, nous avons rencontré M. Courtenay Rattray, Haut-Représentant du Secrétaire général des Nations Unies pour les pays les moins avancés.
Rappelons que la politique de développement constitue l'un des trois piliers des Nations Unies, aux côtés du maintien de la paix, et des affaires humanitaires et des droits de l'Homme.
Notre interlocuteur a mis l'accent sur la nécessité d'avoir davantage de financements pour l'adaptation au changement climatique, de manière à ce que les pays les plus exposés et leurs économies puissent continuer à progresser. Il a aussi beaucoup insisté sur la nécessité de simplifier l'accès à ces financements.
S'agissant des secteurs prioritaires, nous avons notamment échangé sur l'impératif d'améliorer l'éducation. Selon notre interlocuteur, l'éducation primaire a bien progressé pendant la période précédente, mais le secondaire s'est effondré, en particulier pour les filles. Par ailleurs il est impératif d'avoir une croissance riche en emploi compte tenu de l'accroissement naturel de ces pays.
Nous avons enfin évoqué la question épineuse de la dette et du financement des économies africaines.
Le FMI estime à 285 milliards de dollars, soit 10% du PIB africain, les besoins de financement des États africains pour faire face aux conséquences de la pandémie. Plus de 60 millions d'Africains seraient tombés dans l'extrême pauvreté. Si l'APD s'est maintenue en 2020, la part des prêts demeure trop importante par rapport à celle des dons. En outre, 50% des 46 PMA sont déjà surendettés, ce qui fait craindre une nouvelle crise de la dette. La suspension du service de la dette par le G20 ne va pas assez loin à cet égard.
Il est donc impératif d'innover. Nous avons ainsi évoqué des swaps de dette contre un réinvestissement dans des infrastructures, ou encore des mécanismes de suspension automatique en cas de catastrophe naturelle. La présidence de l'Union européenne peut constituer une opportunité pour aller plus loin avec nos partenaires européens sur ces sujets.
Notre interlocuteur a également évoqué la conférence de Doha, 5ème Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés, qui doit apporter des solutions dans ce domaine des financements. Elle se tient en ce moment même et constitue l'occasion d'adopter un nouveau programme d'action sur 10 ans pour les PMA. Il s'agit de mobiliser des financements aussi bien publics que privés, en réunissant tous les acteurs concernés par le développement des PMA : secteur privé, avec un forum présidé par le président de Microsoft, sociétés civiles, jeunes, etc.
Les propositions présentées par les Nations unies lors de ce sommet nous ont semblé intéressantes. Notre interlocuteur a ainsi beaucoup insisté sur la création d'une Université en ligne devant permettre à davantage de jeunes d'accéder à des formations ; ou encore de la mise en place d'un centre international d'investissement destiné à donner aux entrepreneurs des pays les moins avancés les clefs pour obtenir des financements. La conférence devrait également travailler sur les effets de seuil qui font qu'un pays perd beaucoup d'aides lorsqu'il quitte la catégorie de PMA.
Il serait sans doute d'ailleurs intéressant d'auditionner le ministre des affaires étrangères sur les résultats de cette conférence de Doha.
Tout ceci représente des axes de progression indispensables, mais il faudra mobiliser les pays donateurs à une échelle suffisante pour que les financements soient réellement à la hauteur des défis !
Par ailleurs, nous avons pu faire le point sur les crises au cours d'un déjeuner avec notre compatriote Jean-Pierre Lacroix, le directeur des opérations de maintien de la paix de l'ONU.
Actuellement, les 12 opérations de maintien de la paix (OMP) déployées dans le monde mobilisent près de 75 000 casques bleus, principalement en Afrique. Le budget des OMP est de 6,4 milliards de dollars, la France étant le sixième contributeur. Au Conseil de sécurité, la France est « plume » de quatre des principales OMP qui interviennent dans des pays francophones : la MINUSMA au Mali, la MINUSCA en République centrafricaine, la MONUSCO en République démocratique du Congo et la FINUL au Liban.
Les OMP sont souvent critiquées pour leur efficacité inégale. Elles restent toutefois un outil difficilement remplaçable. Elles font par ailleurs actuellement l'objet d'une réforme, visant notamment le renforcement des relations avec les organisations régionales (Union Africaine, ASEAN, Ligue arabe, etc).
Nous avons bien entendu évoqué la situation du Mali. Les Nations unies essaient de mettre la pression sur la junte pour qu'elle mette un contenu politique dans la transition. D'un point de vue sécuritaire, la situation est grave car tant que la junte est au pouvoir, il n'y a de facto plus vraiment de G5 Sahel ! Notre entretien avec le représentant permanent malien sur ces sujets a constitué un moment un peu étrange. D'un côté, il s'est montré extrêmement amical envers la France. De l'autre, il a, contre toute évidence, totalement nié la présence de Wagner au Mali et affirmé qu'il n'y avait aucun sentiment anti-français.
Depuis notre déplacement, la situation a continué à se dégrader au Mali. Les nouvelles sanctions prises par la CEDEAO risquent d'avoir de conséquences graves pour l'économie malienne et les relations avec la France en sont arrivées à un point critique.