Nous avons débuté notre parcours par un entretien avec M. Jeff DeLaurentis, Conseiller principal à la Mission américaine pour les affaires politiques spéciales aux Nations Unies, numéro 2 de la représentation permanente américaine.
Nous espérions évoquer avec lui des sujets tels que les conséquences de l'arrivée de Joe Biden sur le fonctionnement du multilatéralisme ou l'avenir de la relation franco-américaine après l'affaire Aukus. Or notre interlocuteur est apparu extrêmement réservé.
Il a certes indiqué que les États-Unis étaient bel et bien de retour après les errements de la précédente administration ; il a aussi admis que, compte tenu de ces errements, il faudrait des actes tangibles pour que les alliés des États-Unis ne craignent pas un nouveau retour en arrière de leur part au bout de deux ans. Cela dit, dans la forme, nous n'avons pas perçu de volonté très forte de redonner un nouvel élan à la relation franco-américaine.
Sur le sujet de l'indopacifique, alors que nous l'avions interrogé de manière prudente, notre interlocuteur s'est ainsi montré très évasif. Sans jamais évoquer, même indirectement, Aukus ou l'Australie, il a estimé que nous pouvions aller plus loin dans la coopération sur la Birmanie et que la France avait un rôle particulier à jouer avec le Cambodge.
Concernant l'Ukraine, le message est apparu à la fois ferme et un peu ambigu, puisque M. de Laurentis a déclaré que si les Russes entraient en Ukraine, il y aurait un coût très élevé, mais qu'il revenait à la Russie d'interpréter ce que les Américains entendaient par « coût très élevé ». On a vu depuis lors que les discussions n'ont pas permis d'avancée décisive.
Sans surprise, notre interlocuteur a également défendu le retrait d'Afghanistan en faisant valoir que les Talibans auraient aimé voir les États-Unis s'embourber dans ce pays. Il a souligné que les États-Unis avaient travaillé étroitement avec la France au sein du Conseil de sécurité pour l'adoption de la résolution 2593 adoptée après la prise de Kaboul par les Talibans.
Nous avons ensuite fait le tour des crises en constatant une relative identité de vue, notamment sur le Sahel.
Au total, il y a certes bien un retour des États-Unis dans le multilatéralisme par rapport à la période précédente où Trump voulait tout « faire sauter », ne payait plus les contributions américaines et sortait des traités. Les USA se sont réengagés sur le soutien de la Charte, sur le climat, sur les droits des femmes, sur l'OMS, etc., et ils viennent de commencer à payer leurs arriérés. Mais la période Trump a laissé des traces.
S'agissant de nos autres alliés, nous avons également eu des échanges très chaleureux avec le représentant permanent adjoint allemand, Günter Sautter, qui nous a indiqué que la coopération franco-allemande restait une priorité absolue pour le nouveau gouvernement allemand. Il nous a cependant mis en garde sur la crise malienne : l'un des premiers points qui sera soumis à la nouvelle majorité au Bundestag sera en effet la poursuite de l'intervention allemande au Mali. Or les débats seront fortement influencés par l'échec afghan. Le Gouvernement devra répondre à des questions difficiles sur l'existence d'un processus politique digne de ce nom et sur l'existence ou non d'une stratégie de sortie. Malheureusement, ces propos ont été confirmés depuis par Christine Lambrecht, la ministre allemande de la Défense, et Eva Högl, la commissaire parlementaire auprès de la Bundeswehr.
Je rappelle que l'Allemagne compte environ 1350 soldats au Mali, répartis entre l'EUTM Mali et la MINUSMA. Les propos de Mmes Lambrecht et Högl risquent au minimum de se traduire par un redéploiement vers le Niger des missions de formation effectuées par les Allemands, mais il est clair que cela pourrait aller plus loin. Ce serait évidemment très regrettable de notre point de vue