Intervention de Florence Blatrix Contat

Réunion du 8 février 2022 à 14h30
Activité professionnelle indépendante — Vote sur l'ensemble

Photo de Florence Blatrix ContatFlorence Blatrix Contat :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante nous revient aujourd’hui, à la suite de l’accord trouvé en commission mixte paritaire.

Cela a été dit, il s’agit d’un texte de circonstance, l’exécutif ayant promis un soutien fort aux 3 millions de travailleurs indépendants, avant les échéances électorales de ce printemps. Dont acte.

Ce texte est censé s’adresser à tous les travailleurs indépendants. Or ce statut d’« indépendant » regroupe des situations très contrastées puisqu’il concerne aussi bien la situation des entrepreneurs, artisans et commerçants que celle des professions libérales et des travailleurs des plateformes.

Pour notre part, nous souhaitons que la situation concrète de tous ces travailleurs s’améliore et se stabilise dans un cadre adapté plus égalitaire et plus protecteur, pour eux-mêmes comme pour leur famille.

Les débats parlementaires devant les deux chambres et la version qui nous est aujourd’hui proposée ne modifient pas complètement – hélas ! – notre première appréciation.

Nous avions souligné en première lecture trois points qui nous semblaient majeurs dans le projet de loi : la protection du patrimoine des entrepreneurs individuels ; la situation des travailleurs des plateformes ; les règles de gestion des personnels des chambres de commerce et d’industrie (CCI).

Ce projet de loi avait pour ambition de mieux protéger les entrepreneurs individuels.

Concernant la protection du patrimoine, la séparation du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel permettra à l’entrepreneur de ne plus être, en quelque sorte, pris au dépourvu et d’être mieux averti des dangers encourus au regard de son patrimoine personnel.

Cependant, compte tenu du déséquilibre des rapports de force économiques, il nous semble que la possibilité de renoncer à la protection instaurée risque de devenir trop souvent la règle, malheureusement. Le dispositif perdant alors en efficacité, il ne changera pas, ou peu, au final, la situation concrète des indépendants. En résumé, nous craignons que cette mesure ne soit en réalité qu’une illusion de protection !

Pour ce qui concerne les travailleurs des plateformes, le Gouvernement considère qu’il s’agit bien de travailleurs indépendants, au moment même où la Commission européenne envisage une directive instaurant une présomption de salariat. Quel dommage de ne pas avoir choisi cette piste ; nous aurions été précurseurs !

Par ailleurs, l’accès des travailleurs des plateformes à l’ATI reste encore très aléatoire, notamment au regard de l’appréciation du caractère non viable de l’activité. Le dispositif de cette allocation continue par ailleurs de s’exercer dans un cadre restreint et, si le texte de compromis issu de la commission mixte paritaire prévoit bien une évaluation, en concertation avec les partenaires sociaux, celle-ci est très tardive : il faudra attendre au moins 2025 pour envisager d’éventuels ajustements !

Nous sommes encore loin des garanties équivalentes entre salariés et travailleurs indépendants promises par le Président de la République !

Enfin, un sujet figure dans ce projet de loi alors qu’il lui est étranger : le personnel des CCI.

Depuis l’adoption de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, une réforme profonde des CCI est en cours, qui concerne aussi le statut des personnels.

Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer nos fortes réserves. En effet, la négociation avec les représentants des personnels en vue d’une nouvelle convention collective n’ayant pas abouti, le Gouvernement propose de procéder à de nouvelles élections. Il espère sans doute ainsi de meilleures dispositions de la part des nouveaux représentants. Pour forcer à l’accord, il fait peser la menace d’appliquer unilatéralement la convention collective Syntec.

Nous ne pouvons que nous opposer vigoureusement à ces diverses dispositions. Elles ne feront qu’envenimer le climat social de nos CCI, au lieu de l’apaiser.

La seule véritable avancée obtenue au cours de la navette parlementaire sur ce dossier est l’alignement de la durée du congé paternité s’appliquant aux agents de droit public des CCI sur le régime de droit commun.

Lors de la première lecture, avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous nous étions abstenus en raison de l’écart entre l’ambition déclarée et les propositions réellement inscrites dans le projet de loi.

Après la commission mixte paritaire, notre souci est de ne pas entraver l’amélioration partielle de la situation des indépendants, des professions libérales ou des artisans que peut apporter ce texte. Mais nous ne parvenons pas à nous en satisfaire, pour les motifs que j’ai rappelés.

En conséquence, les sénatrices et sénateurs socialistes, écologistes et républicains s’abstiendront lors du vote.

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