Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires salue le travail de la commission mixte paritaire. Il est impératif d’améliorer la protection et les droits sociaux des près de 3 millions de travailleurs indépendants dans notre pays.
Le terme d’indépendants recouvre des situations hétérogènes : il s’agit, comme on dit, des « métiers du quotidien », qui vont du commerçant et de l’artisan aux professions libérales et aux travailleurs des plateformes.
La mesure phare de ce texte consiste en la création d’un nouveau statut de l’entrepreneur individuel, aux termes duquel le patrimoine personnel devient, par défaut, insaisissable par les créanciers. Seuls les éléments nécessaires à l’activité professionnelle pourront être saisis en cas de défaillance ; c’est une bonne chose. En outre, pour les indépendants, le crédit d’impôt pour la formation est doublé et le coût de l’assurance accidents du travail et maladies professionnelles est réduit de 30 %.
L’ensemble de ces mesures, bien qu’insuffisantes, constitue des avancées que le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires salue.
Exonérer de charges sociales, à hauteur de 10 % de leurs bénéfices, les entrepreneurs choisissant l’impôt sur les sociétés peut en revanche susciter la critique : il serait temps de mettre un terme à la tendance consistant à soutenir le pouvoir d’achat en réduisant les ressources de la sécurité sociale et en affaiblissant la solidarité nationale.
Il aurait été plus simple, plus efficace et plus ambitieux de rendre les indemnités chômage universelles, comme l’a promis le Gouvernement. Il aurait également été plus juste de construire la protection sociale des travailleurs des plateformes. En effet, quel est le système mis en place depuis 2018 par le Gouvernement ? Une allocation à destination des travailleurs indépendants en précarité économique, qui, in fine, bénéficie à mille d’entre eux… Avec 3 millions de travailleurs indépendants et seulement 30 000 bénéficiaires, nous atteignons le ratio de 1 % des travailleurs indépendants couverts.
Cette disposition est bienvenue – c’est un euphémisme –, puisque 53 % des entreprises individuelles font faillite au bout de cinq ans. Selon la dernière étude de l’Insee, publiée en janvier dernier, plus d’un travailleur indépendant sur dix gagne moins de la moitié d’un SMIC et vit sous le seuil de pauvreté, et plus de quatre sur dix ont des revenus inférieurs au SMIC.
Nous ne nous opposons pas aux évolutions du salariat qui répondent aux nouvelles aspirations de nos concitoyens, notamment de la jeunesse – avoir plus autonomie dans le choix et l’organisation de son travail et de ses horaires, ne pas être en situation de subordination, pouvoir travailler en cohérence avec ses valeurs personnelles plutôt que dans le cadre contraint de l’entreprise –, mais cette présentation idyllique restera illusoire pour la majorité des indépendants si, en parallèle, les pouvoirs publics ne définissent pas un cadre protecteur.
Être indépendant constitue une prise de risque qui doit être accompagnée par l’État ; trop souvent, les travailleurs indépendants se retrouvent isolés face aux difficultés.
Il faut également encadrer ce phénomène de société, de telle sorte qu’il ne constitue pas un alibi, voire une aubaine, pour de grands groupes pratiquants des formes dégradées et précaires d’emploi, comme cela arrive couramment.
Le groupe écologiste déplore le refus du Gouvernement d’ouvrir l’accès à l’allocation des travailleurs indépendants à tous les travailleurs d’Uber, de Deliveroo et de tant d’autres, qui travaillent sans réelle sécurité en cas d’accident du travail ou de cessation brutale de leur activité.
La réforme de l’activité professionnelle indépendante semble avant tout constituer un aveu d’échec. Ce projet de loi ne répond pas aux enjeux des nouvelles formes de travail et s’inscrit dans un discours reposant uniquement sur l’entrepreneuriat. Cette réforme est totalement silencieuse sur les difficultés que rencontrent les travailleurs indépendants des plateformes numériques, qui constituent une nouvelle forme d’exploitation moderne.
Ce n’est pas ce projet de loi, se situant en deçà des enjeux, qui redorera votre bilan insuffisant, monsieur le ministre. Toutefois, ce texte comporte quelques mesures permettant d’améliorer la situation des indépendants, c’était notre objectif. C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne s’y opposera pas.