Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme de l’assurance récolte est très attendue. Les agriculteurs sont très régulièrement confrontés aux effets du changement climatique, dont la fréquence et l’intensité croissante fragilisent leurs revenus.
Le montant des dégâts causés par ces événements climatiques extrêmes entre 2016 et 2019 a été estimé à près de 2 milliards d’euros. L’épisode de gel d’avril 2021 a terminé de démontrer qu’il était nécessaire de refonder et de réformer nos outils de gestion de crise, en particulier nos outils assurantiels.
Notre système de gestion des risques est à bout de souffle. Il manque de lisibilité et surtout d’attractivité pour les agriculteurs.
Nous disposons, à ce jour, de trois outils. Le premier est l’assurance contre les pertes de récolte dite « multirisque climatique » (MRC) pour les cultures assurables. Le deuxième est l’assurance monorisque contre le risque de grêle et de tempête, qui comprend parfois une garantie complémentaire en cas de gel. Le troisième est l’indemnisation des calamités agricoles, laquelle repose sur un système de solidarité nationale pour les cultures considérées comme non assurables.
Or force est de constater que ces outils ne sont plus suffisamment adaptés aux besoins des exploitations actuelles et à l’exposition croissante de notre agriculture aux effets du réchauffement climatique. L’assurance MRC reste trop peu souscrite : seulement 18 % des exploitations françaises sont couvertes.
On constate aussi de grandes disparités entre les productions. Le champ d’application du régime d’indemnisation des calamités agricoles a, quant à lui, été considérablement réduit. Ainsi, hors prairies, 96 % des surfaces agricoles sont exclues du bénéfice du régime des calamités agricoles.
Le système assurantiel doit donc évoluer. Ce projet de loi vise à simplifier et à solidifier l’architecture financière des outils publics de gestion des risques en agriculture. Le Sénat est mobilisé depuis longtemps sur ce sujet. Deux propositions de loi et une proposition de résolution ont été adoptées ; une mission d’information et un groupe d’études, présidé par notre rapporteur, Laurent Duplomb, ont été constitués.
Ce projet de loi tend à généraliser la couverture de l’assurance multirisque climatique et à assurer une meilleure répartition de la prise en charge entre les acteurs. Il tend également à créer une complémentarité entre les calamités agricoles et le système assurantiel grâce à la mise en œuvre d’un système à trois étages.
Cette réforme doit permettre d’assurer la pérennité de l’offre assurantielle. La mise en place d’un pool d’assureurs basé sur la mutualisation des risques est le seul moyen d’équilibrer le système, et de garantir une offre raisonnable et adaptée. Ce dispositif est, à mon sens, la clé de voûte de cette réforme. Il permet de créer une offre solide, pérenne, cohérente et universelle.
Ce pool, grâce au partage d’informations, doit aussi permettre de proposer des offres plus adaptées, recouvrant plus de territoires et de cultures. Aucune culture ni aucun risque ne doit être exclu de l’offre assurantielle. Il ne faut pas non plus que la couverture de certains risques soit laissée à la seule liberté des assureurs. L’obligation d’adhérer à ce pool prend là toute son importance.
Le succès du dispositif passera par l’attractivité des offres assurantielles proposées, mais également par la pérennisation des soutiens européens. Je suis, sur ce point, totalement d’accord avec M. le rapporteur : nous devons exploiter au maximum les possibilités offertes par le règlement Omnibus.
L’acceptation de la réforme passera aussi par un fort niveau de garantie dans le temps des soutiens financiers de l’État, et donc de la solidarité nationale. L’État doit garantir et pérenniser son niveau d’aide, qui devrait doubler pour atteindre 600 millions par an.
Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de saluer votre engagement et votre volonté de mener à bien ce dossier. Il est question de l’avenir de notre agriculture, de sa résilience et de la résilience de nos exploitations. Il y va aussi du renforcement de notre souveraineté alimentaire.
Cependant, je suis bien conscient que la gestion des risques ne dépend pas seulement du dispositif assurantiel. Il repose également sur la constitution de stocks, sur l’épargne de précaution, sur une meilleure gestion de l’eau, ainsi que sur des évolutions techniques et technologiques.