Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà près de trois ans que nous attendons un projet de loi pour renforcer l’indemnisation des agricultrices et des agriculteurs face aux aléas climatiques ! Je note, comme M. le rapporteur, que ce texte arrive opportunément à deux mois de l’élection présidentielle…
Ce projet, monsieur le ministre, a pourtant été promis dans cet hémicycle par votre prédécesseur, Didier Guillaume, le 21 juin 2019, quelques jours après des orages de grêle d’une violence inouïe dans la Drôme et dans l’Isère.
Un an plus tard, le 18 juin 2020, Didier Guillaume promettait une loi avant la fin de l’année. Il nous aura fallu attendre dix-huit mois de plus !
Sans doute avez-vous remis l’ouvrage sur le métier en prenant vos fonctions à l’été 2020, mais, après deux ans et demi de travaux, nous étions en droit d’attendre un meilleur projet que celui que vous soumettez aujourd’hui à notre examen !
Permettez-nous de penser qu’il ne fallait pas deux ans et demi pour mettre d’accord la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA, avec elle-même, et encore…
Pareil projet aurait dû être coconstruit avec l’ensemble des organisations syndicales et approuvé par elles. Nous ne nous étonnons pas, même si nous le regrettons, que vous ne cherchiez pas l’assentiment de la Confédération paysanne, mais nous sommes en revanche frappés de constater que même la Coordination rurale, le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) et la Fédération nationale bovine s’inquiètent fortement de votre projet !
Celui-ci, dont le cœur sera défini via les décrets d’application, les ordonnances et les futures lois de finances, reste très flou. Il est très loin de prendre suffisamment en compte la recrudescence des aléas climatiques.
Le dérèglement climatique entraîne la multiplication et l’intensification des intempéries de grande ampleur, des inondations, des sécheresses ou des périodes de gel, qui bouleversent en profondeur tout notre système assurantiel.
Aujourd’hui, l’équilibre financier des assurances privées fonctionne grâce à tous ceux qui cotisent sans percevoir. Le risque climatique est d’une échelle bien différente et il peut toucher au même moment des départements entiers, voire tout le pays. Notre modèle assurantiel ne peut pas faire front ; les mécanismes d’abondement publics que sont la catastrophe naturelle et la calamité agricole sont aujourd’hui insuffisants et par trop lacunaires.
Ce qui est potentiellement dévastateur pour les biens immobiliers et mobiliers des Français l’est encore plus pour les agricultrices et agriculteurs, qui peuvent perdre en quelques heures ou en quelques jours une année de revenus.
De plus, le système assurantiel de l’agriculture est déjà défaillant. Le coût des assurances est beaucoup trop élevé pour la grande majorité des agriculteurs. Aujourd’hui, seuls 13 % d’entre eux disposent d’un contrat bien que le système soit déjà largement subventionné par l’État. Je rappelle qu’il a été abondé à hauteur de 150 millions d’euros l’an dernier.
Malgré le prix des contrats, malgré les subventions, le système est déficitaire avec un ratio annuel de sinistralité de 105 %. En d’autres termes, les assurances versent plus qu’elles ne touchent. De ce fait, elles n’hésitent pas à se retirer de certains territoires à risque ou à abandonner le marché après certains épisodes catastrophiques, comme le gel du printemps 2021.
Pour corriger cette faille structurelle du système, votre texte prévoit essentiellement de subventionner davantage les contrats d’assurance…