Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’il aura été long le chemin de la prise de conscience que nos agriculteurs ne pouvaient rester plus longtemps seuls, ou presque seuls, face aux dégâts suscités par le dérèglement climatique !
S’il n’y avait pas eu l’épisode de grand gel du début du printemps 2021, serions-nous là aujourd’hui à nous réjouir – avec beaucoup de prudence tout de même ! – de la discussion de ce texte nécessaire ? Non, certainement, et cela nous renseigne sur le retard qui a été pris dans ce quinquennat finissant pour répondre aux grandes mutations climatiques dont l’agriculture française, dans sa variété, est l’objet.
Pourtant, sur ces bancs, depuis des années, nous dénonçons l’inadaptation du régime des calamités agricoles, la viticulture et les grandes cultures en étant exclues, et le très faible taux global de pénétration des assurances agricoles. Quant au contrat de type MRC, au bout de quinze ans, moins de 18 % des surfaces étaient couvertes – moins de 1 % pour les prairies.
À partir de ce constat d’échec quant à la faible protection du labeur des agriculteurs français, le groupe socialiste prenait en avril 2016 ses responsabilités, en faisant adopter ici même une proposition de résolution visant à mettre en œuvre un outil de stabilisation du revenu agricole dans le cadre de la politique agricole commune post-2020.
Dans le prolongement de cette initiative, avec Henri Cabanel, que je salue, nous faisions voter dans cet hémicycle, en juin 2016 et à l’unanimité, la mise en place d’un fonds de stabilisation des revenus agricoles que l’Assemblée nationale n’a jamais voulu inscrire à son ordre du jour.
En juillet 2019, toujours sur l’initiative du groupe socialiste, une mission d’information formulait des propositions pour réformer le régime général des catastrophes naturelles.
Il s’agissait, notamment, du déplafonnement du rendement de la contribution additionnelle aux primes ou cotisations afférentes à certaines assurances alimentant le FNGRA ; de la réduction des effets de seuil permettant l’entrée dans le régime des calamités agricoles ; de la diminution, comme le permet depuis 2016 le droit européen avec le règlement Omnibus, du seuil de déclenchement à 20 % de pertes et de l’augmentation du taux de subvention publique à la prime d’assurance du contrat socle à 70 % ; enfin, de l’allongement de la durée permettant le calcul de la moyenne olympique pour mieux évaluer la perte de rendement théorique des agriculteurs permettant d’être éligible au régime des calamités agricoles.
Ces principes fondamentaux, nous les appelions de nos vœux, avec pragmatisme et réalisme, depuis 2016. Il ne tenait qu’aux gouvernements successifs de vouloir les mettre en œuvre. Vous les avez intégrés dans votre texte, monsieur le ministre, et c’est une bonne chose. Mais que de temps perdu ! Que de difficultés, ignorées de fait, malgré de nombreuses et belles paroles de considération, justifiées, à l’égard des agriculteurs.
Malgré des réserves à caractère technique, sur lesquelles Denis Bouad reviendra dans quelques instants, le système que vous proposez dans ce texte et que nous voulons améliorer va dans le sens de ce qu’il est indispensable de faire.
Toutefois, le vote de ce texte ne garantira pas à lui seul aux agriculteurs une réponse adaptée à la gestion des risques climatiques. Nous allons voter sur une architecture à trois niveaux et des seuils d’accès et de franchises pour le déclenchement des subventions, mais, en réalité, les ordonnances et les décrets feront la part essentielle du succès ou de l’échec de ce dispositif.
Un point important, si ce n’est critique, restera non résolu : le calcul des moyennes de rendements, contraint par les règles de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce. Et pour ce qui est des moyens financiers, un chèque en blanc sera rempli comme il faut – ou non ! – lors des prochaines lois de finances…
Monsieur le ministre, nous sommes convaincus qu’il faudra encore approfondir le sillon que notre groupe a labouré depuis des années.
Nous répondrons présents pour cela, mais nous prenons aussi rendez-vous pour évaluer les effets réels de ce texte qui est incomplet, à moins que nos travaux d’aujourd’hui ne permettent de le faire progresser significativement, ce que nous souhaitons en toute responsabilité.