Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, dont l’objectif est d’assurer une pérennité financière aux agriculteurs face à l’augmentation des risques climatiques.
Le texte viendrait remplacer l’assurance aléas climatiques existante, qui peine à convaincre les agriculteurs. On constate en effet que seul un tiers des céréaliers et des viticulteurs s’assure et que les secteurs de l’arboriculture et des cultures fourragères ne sont pas assurés.
Du côté des assurés, le calcul de la moyenne olympique du rendement est souvent reproché, et le reste à charge de 30 % jugé trop élevé. Du côté des assureurs, le risque n’est pas mutualisé et l’équilibre financier est de plus en plus déficitaire avec les changements climatiques.
Bref, le contrat aléas climatiques est en bout de course. Avec mon collègue Patrice Joly, nous avions indiqué, dans notre rapport sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », que la gestion des aléas et des crises devait être revue en profondeur, mais notre appel était resté lettre morte.
Pourtant, ces contrats sont nécessaires, car les pertes de récolte sont la principale cause des difficultés financières des jeunes exploitants et découragent de plus en plus les repreneurs, y compris chez les enfants d’agriculteurs.
Le nouvel outil prévoit de fixer la participation de l’agriculteur, de l’assureur et de l’État pour les personnes assurées et non assurées – c’est une très bonne chose, je tiens à le dire. Cette nouvelle définition de la prise en charge des parties a un intérêt, puisqu’elle élimine l’injustice entre les exploitants souscrivant un contrat d’assurance et ceux qui comptent sur le déblocage des fonds de calamité par l’État.
Cependant, ce texte pose un véritable problème de financement.
Jusqu’à maintenant, les contrats aléas climatiques étaient subventionnés à hauteur de 150 millions d’euros au travers du deuxième pilier de la PAC.
Le programme 149 du budget de l’agriculture abondait en outre le fonds de calamité à hauteur de 210 millions d’euros, avec 150 millions d’euros provenant du budget de l’État et 60 millions d’euros provenant des taxes payées par les agriculteurs sur leur assurance.
Ces 360 millions d’euros budgétisés ont largement été complétés en 2021 par les lois de finances rectificatives qui ont doté le FNGRA de plus de 850 millions d’euros pour couvrir les épisodes de gel et les sécheresses.
Dans votre projet de loi, monsieur le ministre, vous prévoyez une subvention de 180 millions d’euros en provenance de la PAC et un financement par le programme 149 à hauteur 420 millions d’euros, dont 300 millions d’euros de la part de l’État et 120 millions d’euros de la part des agriculteurs, via la hausse des taxes, dont le taux serait porté de 5, 5 % à 11 %.
Le cumul de la PAC et du budget de l’État pour la gestion des risques climatiques passerait donc de 360 millions d’euros à 600 millions d’euros.
Monsieur le ministre, votre discours n’est pas clair : vous parlez d’une participation de l’État de 600 millions d’euros, mais elle n’est, en fait, que de 300 millions d’euros. Permettez-moi alors de douter du calcul total des 600 millions d’euros ! Aucun budget ni aucune projection n’a été calculé et fourni.
Actuellement, un tiers des surfaces est assuré ; demain, on ajoutera le double de surface avec l’arboriculture et les cultures fourragères.
Par ailleurs, on limite la participation des assureurs en plafond, mais on augmente la fréquence d’intervention, en diminuant la franchise de 30 % à 20 %. Bilan : les cotisations ne vont pas ou peu diminuer, compte tenu des déficits actuels.
Le budget des subventions est aujourd’hui de 150 millions d’euros pour un sixième des surfaces. Ainsi, 600 millions d’euros ne suffiront pas à couvrir les subventions, si tout le monde s’assure ! À cela, il faut ajouter les sinistres au-delà du seuil d’intervention et ne pas négliger l’augmentation de la fréquence.
En réalité, vous nous proposez de voter un texte pour mettre en place une solution qui ne sera pas pérenne et qui appellera des lois de finances rectificatives pour compenser le manque de budget. C’est une évidence !
Vous nous demandez d’adopter un texte sans en connaître le coût ou les modalités d’application et avec une date d’application qui ne correspond même pas à la mise en place et à la temporalité des cultures.
Vous nous imposez, à l’article 7, la création d’un pool, sans savoir si c’est en accord avec le rapport de l’Autorité de la concurrence.
Encore une fois, nous sommes dans un « quoi qu’il en coûte » généralisé… Nous allons continuer de dégrader le budget et d’avoir recours à la dette. Mais le pire, monsieur le ministre, c’est que je pense que ce texte ne réglera en rien les attentes du monde agricole confronté de manière croissante aux défis climatiques.
À l’heure actuelle, tous les assureurs s’accordent à dire que, d’ici à 2050, un cinquième des récoltes sera perdu à cause des aléas climatiques ; cela aura un impact plus large sur le monde de l’agriculture et constituera un frein considérable à la reprise des exploitations et à notre souveraineté alimentaire.
Depuis des années, le Sénat alerte sur ce sujet et apporte sa contribution. Voilà qu’aujourd’hui vous nous proposez de voter un texte qui vous habiliterait à traiter le sujet par voie d’ordonnance… Chacun appréciera le respect que vous portez au travail du Parlement !
J’approuve le travail du rapporteur, Laurent Duplomb, qui a cherché à limiter le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnances, mais je désapprouve le manque de sérieux budgétaire et le recours au déficit, donc à la dette, au détriment des générations futures. L’exercice méritait que l’on trouve un financement équilibré sans recourir à la dette.
Monsieur le ministre, vous comprendrez que, en l’état, je ne voterai pas ce texte.