Intervention de Jean-Michel Arnaud

Réunion du 8 février 2022 à 14h30
Outils de gestion des risques climatiques en agriculture — Discussion générale

Photo de Jean-Michel ArnaudJean-Michel Arnaud :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce texte, il s’agit de s’armer face aux dérèglements climatiques qui mettent à l’épreuve le système de gestion des risques actuellement en vigueur. Il nous faut nous adapter. En l’état, la gestion financière des risques agricoles reste peu organisée et difficilement intelligible pour nos agriculteurs.

Lors du gel de 2021, l’État fut en partie au rendez-vous, monsieur le ministre, en termes de soutien financier. J’avais cosigné une tribune avec Laurent Duplomb sur l’arboriculture pour mettre en lumière les limites de ce soutien et les failles du système actuel, notamment l’inadéquation entre les réalités territoriales et les indemnisations versées.

Avec le texte dont nous débattons aujourd’hui, il s’agit d’abandonner progressivement l’assurance à la culture au profit de l’assurance à l’exploitation. Pour ce faire, les diverses dispositions prévoient l’instauration d’un système à trois étages, pour lequel la gestion des risques agricoles est directement liée à la nature des dégâts, ainsi qu’à leur étendue.

Je ne reviendrai pas une nouvelle fois sur les trois niveaux de prise en charge. Le projet de loi met sur pied un réel dispositif de solidarité nationale, dont les modalités sont harmonisées et dont les tenants permettront de mieux épouser les réalités locales – je m’en félicite.

Néanmoins, je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur quelques points de vigilance.

Tout d’abord, si la commission a sécurisé les différentes mesures, afin qu’elles aient la portée nécessaire pour répondre à l’enjeu, il nous faut laisser à tous les acteurs, notamment les agents généraux d’assurances, acteurs importants dans les territoires, un temps d’adaptation à la nouvelle réglementation – ce temps est nécessaire.

Ensuite, la mise en place d’un pool d’assurances, dont l’adhésion serait obligatoire, va indéniablement avoir des effets sur la concurrence. D’ailleurs, l’Autorité de la concurrence a émis, dans son avis en date du 22 novembre 2021, une réserve quant à la compatibilité de cette mesure avec le droit européen – il y a été fait allusion.

Cette obligation ne doit pas s’accompagner d’une distorsion de concurrence entre les différents acteurs de l’assurance, et il faut faire en sorte que les agriculteurs puissent recourir sereinement à leur compagnie d’assurances comme ils l’entendent. La présence de la Caisse centrale de réassurance au sein de ce pool permettrait d’avoir un tiers de confiance dans la relation entre les assureurs.

Enfin, bien que l’assurance ne soit pas rendue obligatoire pour les exploitants agricoles, la minoration des indemnisations versées au titre de la solidarité nationale pour les non-assurés aura un effet incitatif. Il s’agit en fait d’un pari politique : les agriculteurs devront se saisir des outils de gestion de risques ; nous devrons en ce qui nous concerne en être les promoteurs sur le terrain, à côté des syndicats agricoles et des chambres d’agriculture.

Je tiens également à dire un mot sur les aspects financiers. Une grande partie du dispositif – les fameux 600 millions d’euros prévisionnels – repose largement sur de l’argent d’origine agricole, que ce soit la PAC ou les contributions des agriculteurs. Il ne faudrait pas laisser penser que la solidarité nationale ou les financements européens seraient les seuls à accompagner le dispositif.

Avec vous, monsieur le ministre, nous sommes aux côtés de nos agriculteurs. Nous avons besoin d’eux pour nourrir nos concitoyens avec des produits de qualité ; c’est la fameuse sécurité ou souveraineté alimentaire.

Nous avons aussi besoin des agriculteurs, car ils représentent une activité économique indispensable, incontournable et structurante dans nos zones rurales ; ils sont non délocalisables et essentiels pour nos paysages, qui font la France.

Nous sommes aux côtés de nos agriculteurs pour les sécuriser dans leur exploitation face aux risques climatiques et pour leur donner de la confiance.

Nous espérons que les contrats proposés par les compagnies dans le cadre du nouveau dispositif législatif et réglementaire dont nous débattons aujourd’hui seront supportables par chaque agriculteur en termes de primes. En effet, si pas ou peu d’agriculteurs sont aujourd’hui assurés, c’est parce qu’ils n’ont pas la capacité de payer les primes au vu de leurs revenus modestes ; c’est particulièrement le cas pour les exploitations familiales.

Pour conclure, j’ai encore en tête la détresse des agriculteurs de la vallée de la Durance, dans les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes, confrontés à la gelée noire. J’espère, monsieur le ministre, que l’écoute dont vous faites preuve à l’égard de ces agriculteurs – je sais qu’elle est réelle – ne sera pas vaine.

J’espère aussi que, à l’avenir, nous pourrons limiter autant que possible les risques que supportent nos valeureux agriculteurs. Nous avons absolument besoin d’eux !

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