Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment accueillir ce texte autrement qu’avec bienveillance et ouverture ?
Il paraît inutile de revenir sur le bien-fondé du projet de loi, car il n’y a pas de débat : réformer les outils de gestion des risques climatiques est crucial pour l’avenir de nos agriculteurs, mais aussi pour la sécurité alimentaire de notre pays.
Si le sujet est suivi depuis des années par le Sénat, il est en revanche étonnant, voire regrettable, que le Gouvernement ait attendu le gel catastrophique du printemps dernier pour légiférer.
Dans la Haute-Saône comme dans d’autres départements, le souvenir du gel d’avril 2021 est encore dans tous les esprits. Celui-ci avait détruit la quasi-totalité des fleurs des cerisiers de Fougerolles, exaspérant les exploitants, qui, quelques mois plus tard, étaient touchés par des pluies discontinues faisant pourrir les fruits rescapés.
Le système actuel est à bout de souffle ; nous devons donc le réformer, dans la plus grande clarté, si nous voulons vraiment faire changer les choses.
C’est malheureusement cette clarté qui fait défaut au projet de loi, tel qu’il nous a été présenté par le Gouvernement.
Les demandes et les propositions qui sont aujourd’hui formulées par notre rapporteur, Laurent Duplomb, que je remercie de son travail exigeant et constructif, appellent de la part du Gouvernement, plus que des réponses : de vrais engagements.
Je voudrais revenir sur trois points en particulier.
Tout d’abord, il est clair que le régime actuel des calamités agricoles ne favorise pas les exploitants diversifiés, en raison du seuil de 13 % de pertes du produit brut de l’exploitation.
C’était d’ailleurs la situation rencontrée par les propriétaires des cerisiers haut-saônois, qui, de ce fait, n’avaient pas été indemnisés. Le système proposé par notre commission prend seulement en compte le taux de pertes de l’exploitant pour déterminer si l’indemnisation par l’État est mise en œuvre. Cela revient à supprimer le seuil de 13 %, ce qui est favorable à la diversification. Le dispositif proposé doit être pérennisé.
Ensuite, je veux revenir sur la reconnaissance de l’état de calamité agricole et le déclenchement de l’indemnisation dès que les pertes dépassent un certain seuil déterminé par décret.
Comme nombre de mes collègues sur ces travées, je souhaite, monsieur le ministre, que vous vous engagiez, pour les cinq premières années, à maintenir ce seuil à 30 % pour les prairies et les vergers. À défaut, nous manquerions notre cible et nous ne parviendrions pas à inciter réellement les agriculteurs à souscrire des contrats d’assurance.
Sur ce même volet, même si notre pouvoir d’initiative est presque nul, j’insiste, tout comme notre rapporteur et mes collègues, sur la nécessité de repenser la manière de calculer la moyenne de production des exploitants.
Le système de la moyenne olympique est dépassé, comme en attestent avec vigueur les dossiers sur lesquels je n’ai eu de cesse d’appeler votre attention ces derniers mois, monsieur le ministre. La présidence française du Conseil de l’Union européenne doit permettre de faire évoluer ce dossier éminent. Rappelons à ce propos que le règlement Omnibus n’est toujours pas appliqué dans sa totalité, ce qui prive les agriculteurs d’aides auxquelles ils ont droit.
Je souhaiterais enfin attirer votre attention sur une disposition importante introduite par notre rapporteur : la possibilité d’une contre-enquête sur le terrain pour vérifier le niveau estimé des pertes. Nous ne pouvons confier l’évaluation de ces dernières à des satellites sans qu’une contestation soit possible.
Le nouvel article 3 bis prévoit donc une voie de recours collective pour un certain nombre d’agriculteurs, dans une zone donnée, s’ils constatent que les pertes estimées sont minorées par rapport aux pertes réellement constatées.
Sans un engagement ferme du Gouvernement sur ces différents points, ce nouveau mécanisme sera vidé de sa substance, ce que nous voulons à tout prix éviter.