Je voudrais revenir sur quelques points soulevés par différents orateurs, de manière à éclairer les débats.
Tout d’abord, nombreux sont ceux qui ont demandé pourquoi un tel projet de loi était nécessaire.
Pour ma part, je fais totalement miens les propos de MM. Gremillet et Menonville, selon lesquels il s’agit d’un projet de loi historique. Je pense en effet que vous allez adopter le principal outil de pilotage des politiques agricoles depuis l’instauration de la politique agricole commune ; d’ailleurs, c’est ce que font aujourd’hui les Espagnols. Il nous faut donc absolument aller jusqu’au bout de cette réforme.
Certains nous accusent d’agir par opportunisme du fait des échéances électorales. Très sincèrement, s’il y a bien un ministre qui a passé de nombreuses heures à débattre avec vous de textes législatifs ô combien complexes – citons, parmi les plus récents, la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Égalim 2 –, c’est bien moi !
Surtout, le travail sur l’assurance récolte a commencé il y a très longtemps. Retraçons-en les principales étapes. La résolution adoptée en 2016 par votre assemblée sur l’initiative de M. Henri Cabanel invitait simplement à financer l’assurance récolte au sein du second pilier de la PAC ; autrement dit, les agriculteurs financeraient les agriculteurs !
Quant à la proposition de loi déposée en 2015 par M. Lenoir, elle prévoyait que les agriculteurs seraient couverts par une sorte de réserve spéciale d’exploitation : là encore, les agriculteurs se financeraient mutuellement.
En somme, pendant de nombreuses années, on a cherché à améliorer le système existant, mais en disant aux agriculteurs que cette amélioration se ferait sans avoir recours à la solidarité nationale. Voilà la réalité !
Pour notre part, nous avons travaillé ardemment pour monter ce nouveau système en nous inspirant d’exemples étrangers, notamment du système espagnol, qui est fondé sur la solidarité nationale. C’est bien la priorité absolue de ce texte : le système ne peut fonctionner que si la solidarité nationale vient en complément des mécanismes assurantiels.
Cela m’amène à vous répondre, monsieur Segouin, sur la question du financement. J’ai toujours été très clair sur le passage de 300 millions d’euros à 600 millions d’euros. N’allez pas ensuite corriger vos propos : je l’ai répété à cette tribune il y a quelques minutes !
Les 300 millions d’euros actuels regroupent les fonds issus du second pilier de la PAC, de la contribution des agriculteurs et du budget national. Le passage à 600 millions d’euros proviendra pour une part modeste du second pilier, dont la contribution passera de 150 à 185 millions d’euros.
La question d’une contribution accrue par les agriculteurs pourra également se poser ; vous avez dit que c’était décidé, mais pour ma part je n’ai rien acté du tout ! Certes, certains agriculteurs le proposent, mais je ne me suis jamais exprimé sur ce point. Ce que j’ai toujours dit, en revanche, c’est que le complément de financement devait provenir de la solidarité nationale.
Précisons qu’il s’agit bien du budget général de l’État, en sus du budget de mon ministère : il ne convient pas simplement de ponctionner celui-ci au prix d’économies sur d’autres programmes. J’ai toujours été très clair sur ce point.
Vous avez également abordé la question de la solidarité nationale, messieurs Gay et Salmon, et j’ai vu M. le rapporteur esquisser à ces moments de vos discours un geste exprimant une réaction semblable à la mienne ! Vous avez affirmé que cette réforme serait impossible, car elle irait à l’encontre de je ne sais quelle idée que vous vous faites de la solidarité nationale.
Je vous montre que le fondement de ce projet de loi est de faire passer l’enveloppe de 300 millions d’euros à 600 millions d’euros, et vous parvenez tout de même à parler de désengagement de l’État : c’est absolument merveilleux !