Cet amendement, dont M. le secrétaire d'État a déjà parlé tout à l’heure par anticipation, concerne les transports de marchandises à température dirigée, pour lesquels il n’existe aucune alternative à la route.
Le projet d’écotaxe issu du Grenelle de l’environnement a pour objet de favoriser le report des transports de marchandises vers le réseau ferroviaire. C’est un objectif que nous partageons tous ici, j’en suis persuadée. Encore faut-il que de tels reports soient possibles et que les chargeurs aient le temps de s’adapter.
Or il se trouve que le mode ferroviaire est inopérant la plupart du temps pour le transport à température dirigée, car les prescriptions en matière de qualité, d’hygiène et de sécurité alimentaire ne pourraient être totalement observées.
Il s’agit donc ici d’enjeux économiques, mais aussi sanitaires, qui, s’ils ne doivent pas entrer en contradiction avec les principes du développement durable, ne peuvent néanmoins en aucun cas être ignorés.
Si nous ne remettons pas en cause le bien-fondé de cette taxe, nous restons attachés au principe d’équité. De trop nombreuses entreprises de transport, dans plusieurs régions de France, verraient leur développement largement compromis si le dispositif était appliqué en l’état, ce qui fragiliserait encore davantage des territoires et des populations déjà fortement éprouvés par la crise.
Cela est d’autant plus vrai que le transport sous température dirigée a connu une très forte expansion au cours de ces trente dernières années, en raison de multiples facteurs : en particulier, les consommateurs demandent de plus en plus de produits frais – entre 230 et 280 kilogrammes par personne et par an –, et le nombre de produits soumis à la réglementation du transport de denrées périssables a augmenté.
La fragilisation de ces entreprises menacerait, je le répète, l’économie de nombreuses régions de notre pays.
En Bretagne, par exemple, les denrées alimentaires représentent près de 30 % du trafic, contre 15 % seulement à l’échelle nationale. Ce n’est pas surprenant quand on connaît la réalité du tissu économique de notre région : l’agriculture, la pêche et les industries agroalimentaires représentent en effet 14 % de l’emploi total, contre 7 % seulement au plan national.
Ces trois activités placent la Bretagne au premier rang pour la production agricole et les produits transformés, mais cette filière se distingue par la faiblesse de sa valeur ajoutée, ce qui, proportionnellement, rend le coût du transport, et donc le montant de la taxe, beaucoup plus élevé.
On nous objectera que cette taxe ne s’appliquera qu’en 2011, mais qu’en sera-t-il d’ici là ? Personne ne peut aujourd’hui répondre à cette question. C’est la raison pour laquelle je souscris à la proposition de mon collègue Dominique de Legge, qui demande à ce que soit fait le bilan de l’expérimentation en Alsace.
En tout cas, il ne faut pas prendre le risque d’assister, d’ici à deux ans, à des fermetures en chaîne et à la disparition de centaines d’emplois. Quand bien même le réseau ferroviaire se développerait grâce au produit de cette taxe – et nous sommes les premiers à le souhaiter –, il ne remplacera pas la route pour le transport de marchandises sous température dirigée.