C’est avec cet article que s’ouvre le titre IV du projet de loi, consacré à la pénibilité, et dont le premier chapitre est intitulé « Prévention de la pénibilité ». Au regard des dispositions qu’il contient, je ne saurais dire s’il s’agit d’une formulation particulièrement optimiste ou tout à fait provocatrice, mais je ne m’étendrai pas sur le sujet pour l’instant, car nous aurons l’occasion d’y revenir.
Concernant l’article 25, deux mesures sont prévues et toutes deux nous semblent problématiques.
Première mesure : la création d’un carnet de santé au travail devenu, grâce à M. le rapporteur, un « dossier médical en santé au travail ». Soyons honnêtes : l’idée est intéressante, d’autant que la rédaction de ce dossier est confiée précisément à un médecin du travail.
Jusque-là, monsieur le ministre, rien à redire… À ceci près que, pour remplir ce dossier, encore faudrait-il qu’il y ait suffisamment de médecins du travail ! Pour qui connaît l’état déplorable de cette profession, en manque de reconnaissance, de moyens et surtout d’effectifs, vos dossiers médicaux risquent de rester dans leurs cartons ! Comment pourrait-il en être autrement, alors qu’aujourd’hui chaque médecin du travail suit 3 000 salariés ?
Seconde mesure prévue par cet article : les fiches d’exposition. Il s’agit de l’exposition « à des contraintes physiques marquées, à un environnement agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur [la] santé »... Pourquoi tant de critères si précis et, de fait, trop restrictifs ?
Quand vous précisez que ces fiches seront non seulement rédigées par l’employeur, mais qu’en outre elles ne seront pas transmises au médecin du travail, qui en a été explicitement écarté, toute hésitation est levée : on sait qui a passé commande de cette disposition et on sait, du même coup, pourquoi les critères sont si restrictifs. La patronne des patrons pourrait bien ne pas être seulement la patronne des patrons !
Nous nous inquiétons également de la confidentialité de ces fiches qu’aucune disposition ne garantit. Au moment où, par exemple, l’avidité des assurances atteint des sommets pour connaître, par tous les moyens, chaque recoin de nos dossiers médicaux, afin de pouvoir mieux rejeter nos demandes ou les surtaxer, on peut craindre que cette absence totale de confidentialité ne soit, pour elles, pain bénit !
Fait bien plus grave encore, ces fiches peuvent être prétextes à refuser des embauches ultérieures, ce que M. Philippe Dominati, je crois, a appelé la « pénibilité portable ».
En réalité, nous avons présenté des amendements garantissant plus d’efficacité à la fois sur la traçabilité et sur la confidentialité. Il s’agissait vraiment d’amendements a minima, qui auraient pu lever nos craintes et nos suspicions.
Vous les avez rejetés, chers collègues de la majorité. Nous restons donc avec nos interrogations, nos craintes et nos suspicions et nous nous abstiendrons sur cet article 25.