Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous apprêtons aujourd’hui à discuter d’un nouveau cadre organique pour nos finances sociales, sujet que d’aucuns pourraient juger technique.
On pourrait en effet penser qu’il ne s’agit là que de répondre aux préoccupations de quelques spécialistes par des dispositions propres à nourrir la doctrine et à susciter une poignée d’articles dans des revues spécialisées. Il n’en est rien, et je voudrais rappeler que ce sont des textes d’importance que nous allons examiner – mais je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous en êtes tous convaincus au sein de cet hémicycle.
Le premier indice en ce sens est que ces textes relèvent d’une initiative parlementaire, engagée à l’Assemblée nationale par le rapporteur général de la commission des affaires sociales Thomas Mesnier et dont votre propre assemblée s’est pleinement saisie. Je salue à cet égard vos travaux, en particulier ceux de Jean-Marie Vanlerenberghe, dont je sais l’implication ancienne sur ce dossier et la contribution qui a été la sienne.
Nous ne pouvons que nous féliciter de voir les deux chambres prendre l’initiative de travaux sur ce dossier et s’apprêter, du moins je l’espère, à adopter une solution commune. J’y vois la preuve de la vitalité de notre démocratie parlementaire, qui nous permet, au-delà des divergences que nous pouvons parfois avoir, de donner tout son sens au principe de coconstruction de la loi.
Le second indice de l’importance de ces textes, c’est la place centrale qu’occupent les comptes sociaux dans notre société, place que la crise sanitaire a mise plus que jamais en lumière. Rappelons-le, les comptes sociaux représentent plus que le budget de l’État. Comment donc imaginer que le cadre organique des finances de l’État ait été modifié tout récemment, sans qu’il en aille de même pour le cadre organique des finances sociales ?
Les finances sociales sont plus que jamais d’actualité, puisque la trajectoire financière de la loi de financement de la sécurité sociale, que vous avez votée en fin d’année dernière, fait apparaître un déficit de la sécurité sociale qui pourrait encore dépasser 20 milliards d’euros en 2022.
N’ayons pas honte de ce déficit ! Il est la traduction de l’effort inouï entrepris par la sécurité sociale pour nous protéger tous, dans cette crise majeure, via notre système de santé ou grâce au filet de sécurité qu’elle représente.
Il est aussi la résultante du décrochage brutal de l’activité en 2020. Si la croissance revient très fortement, ce qui entérinerait d’ailleurs la pertinence de l’action du Gouvernement, elle ne suffira malheureusement jamais à effacer complètement les effets durables de la baisse d’activité de l’année 2020.
La sécurité sociale est certes une gigantesque machine assurantielle, mais cette machine n’est pas composée de lignes comptables abstraites. Elle est intimement liée à la vie des Français et aux épreuves collectives qu’ils traversent. Quoi qu’il en soit, nul n’ignore ou ne conteste le fait que nous devons rétablir des comptes à l’équilibre, parce que c’est aussi cela qui fait la force de la sécurité sociale. Toutefois, convenez-en, il ne serait pas crédible – ce serait même contre-productif – de faire une purge en sortie de crise.
Pour être à la hauteur de la situation, il faut donc une réponse s’inscrivant dans la durée. Une réforme d’ampleur des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) en constitue la base, ce qui nous permettra de reconstruire une sécurité sociale mieux assise, plus solide et plus efficace.
Pour ce faire, la proposition de loi organique qui vous est soumise prévoit des évolutions ambitieuses. Vous le savez, le texte dont vous avez déjà discuté en première lecture tend à introduire de multiples progrès en matière d’information du Parlement et de qualité des débats. À l’issue d’un échange constructif entre les deux assemblées, qui s’est poursuivi après la réunion de la commission mixte paritaire, le texte, qui n’a pas été amendé par votre commission, me semble pleinement à même d’atteindre les objectifs d’amélioration du pilotage et du suivi des comptes sociaux.
La version dont nous discuterons aujourd’hui prévoit notamment l’ajout d’un dispositif d’avis en cas de dépassement des plafonds d’emprunt, une précision relative au format des données annexées ou encore l’introduction d’un rapport trimestriel au Parlement, lorsque les conditions générales de l’équilibre financier sont remises en cause. Une annexe permettra également de mieux suivre les états comptables des établissements de santé, étant entendu que ces informations seront nécessairement fournies à un niveau suffisamment agrégé pour être exploitables.
Enfin, l’information du Parlement sera encore renforcée lorsque les dotations aux agences devront être rehaussées substantiellement en cours d’exercice, comme cela a pu être le cas pour Santé publique France au cours de ces derniers mois.
Ce texte, si vous le votez, mesdames, messieurs les sénateurs, permettra donc de doter les comptes sociaux d’un cadre modernisé, avec, à la clé, une amélioration significative des conditions d’exercice des missions conférées au Parlement par notre Constitution sur le plan budgétaire. En d’autres termes, il s’agit de renforcer encore l’exercice démocratique en matière de finances sociales.