Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Haut Conseil du financement de la protection sociale l’affirmait en mai 2021 : « Quelles que soient les réformes menées, il ne sera pas possible de rééquilibrer l’assurance maladie rapidement par la seule maîtrise des dépenses. »
La question n’est donc pas celle du renforcement du contrôle du Parlement pour encadrer davantage la baisse des dépenses de santé. Il s’agit, au contraire, de trouver de nouvelles recettes pour financer la santé à la hauteur des besoins.
Parce que la santé n’est pas un coût, mais un investissement, nous sommes opposés à l’Ondam, qui fixe chaque année une enveloppe trop faible.
Et ce n’est pas en créant des sous-objectifs à l’Ondam, comme l’a proposé la droite, que les établissements de santé trouveront des moyens humains et matériels supplémentaires.
Derrière les désaccords de façade en commission mixte paritaire, la majorité sénatoriale et le Gouvernement partagent en réalité la même approche gestionnaire et comptable de la santé, en déconnexion avec les réalités de terrain. En effet, la commission a adopté tel quel le texte issu de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Même si l’Assemblée nationale a supprimé l’instauration d’une règle d’or, l’intégration de l’assurance chômage dans les LFSS, ou bien encore les fameux Pepss, les programmes d’efficience des politiques de sécurité sociale, introduits par la droite en première lecture, ce texte nous paraît toujours bien mauvais.
En réalité, derrière la question du financement de la sécurité sociale, se pose la question de notre choix de société. En permettant aux travailleuses et aux travailleurs de maîtriser les moyens de répondre aux besoins sanitaires et sociaux de la population, la sécurité sociale permet de prélever directement l’argent là où la richesse est produite, à savoir dans l’entreprise.
Le patronat a toujours combattu la sécurité sociale en cherchant à maîtriser sa gouvernance et à transférer son financement sur les ménages.
Alors que la fiscalité ne représentait que 2 % des recettes de la sécurité sociale à la fin des années 1980, elle en représente aujourd’hui près de 40 %, tandis que les prélèvements sur les entreprises se sont réduits à hauteur de 17 %. Cette croissance de la fiscalité a servi de justification à l’élimination quasi complète d’une gouvernance de la sécurité sociale par les représentants des salariés et a renforcé le rôle gestionnaire de l’État.
Désormais, les lois de financement subordonnent les dépenses de la sécurité sociale aux arbitrages entre Bercy et le ministère de la santé, au détriment des salariés et des usagers.
Il faut en finir avec les politiques de restriction budgétaire, qui ont pourtant entraîné la fermeture des hôpitaux de proximité, la suppression de 70 000 lits en quinze ans, la dégradation des conditions de travail des personnels, la pénurie de médecins avec le numerus clausus et l’arrêt des investissements en raison de l’endettement des établissements.
Comment pouvez-vous, mes chers collègues, vous indigner, dans vos circonscriptions, face aux dégradations de l’accès aux soins ou partager le désarroi et la colère des hospitaliers dans le cadre des commissions d’enquête, et continuer à voter des lois qui conduisent notre système de santé vers une dégradation continue ?
Il est urgent de rompre avec les politiques menées ces dernières décennies, qui sonnent le glas d’un service hospitalier de qualité, en augmentant les recettes. Il faut remettre la sécurité sociale sur ses deux pieds, d’une part, en rétablissant les cotisations sociales des entreprises et en élargissant son financement aux revenus financiers, d’autre part, en modulant le taux de cotisation selon la politique menée par les entreprises en matière de développement de l’emploi, de qualifications et de salaires, d’égalité salariale et de respect de l’écologie. Enfin, il faut rétablir la gestion démocratique de la sécurité sociale par les salariés eux-mêmes.
Or toutes ces propositions sont absentes de ces propositions de loi. Pour cette raison, les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE voteront contre ces deux textes.