Intervention de Adrien Taquet

Réunion du 9 février 2022 à 15h00
Contrôle parental sur internet — Discussion générale

Adrien Taquet :

Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis ravi d’être ici aujourd’hui devant vous pour soutenir avec mon collègue Cédric O cette proposition de loi, dont je partage largement l’esprit et la démarche.

Le Président de la République lui-même le rappelait il y a trois ans devant l’Unesco, à l’occasion des trente ans de la Convention internationale des droits des enfants : « s’il faut protéger les enfants dans leur vie réelle, il faut également désormais les protéger dans l’espace numérique ».

C’est en effet un nouveau monde dont on maîtrise moins bien les tenants et les aboutissants qui s’impose de manière croissante dans la vie de tout un chacun depuis trente ans, et qui fait émerger de nouveaux défis pour les plus jeunes et leurs parents.

L’exposition aux écrans n’est jamais anodine, et les situations de surexpositions impactent et amplifient trop souvent la vulnérabilité des enfants. Elle est corrélée, entre autres, à une diminution de l’activité physique, à une exposition précoce aux contenus violents et à caractère pornographique, mais aussi, parfois, à l’apparition de troubles relationnels.

On parle souvent des jeunes générations comme des digital natives, qui se seraient approprié naturellement ces nouveaux outils, mais pour avoir souvent échangé avec eux à ce sujet au fil de mes déplacements, je pense que nous avons plutôt affaire à des digital naives.

Nos enfants sont bel et bien nés avec le numérique, mais savent-ils spontanément tirer profit, en toute sécurité, de cette révolution ? Ne se retrouvent-ils pas souvent plutôt démunis face à des contenus qu’ils ne sont pas en mesure d’analyser ou de recevoir, allant des fake news à la pornographie en passant par des sollicitations directes d’internautes inconnus, y compris en matière de contenus intimes ?

En bref, n’est-il pas temps que nous prenions les choses en main pour mieux protéger les plus jeunes des menaces virtuelles qui tiennent une place prépondérante dans leurs vies réelles ? N’est-il pas temps de prendre conscience des liens étroits entre ces deux mondes qui font bel et bien partie d’une même galaxie, et de proposer en conséquence des outils et des ressources aux parents ?

Comme je le soulignais en introduction, c’est bien le choix de l’action que nous avons fait depuis cinq ans. Car encadrer l’accès des enfants aux écrans ne se résume plus à une simple surveillance de la télécommande ; cela doit passer par des mesures plus fortes, axées tout d’abord sur la prévention auprès des enfants, mais également sur un véritable accompagnement des parents.

Il faut sensibiliser les enfants aux potentialités, mais aussi aux risques d’internet. C’est l’objectif du développement des compétences numériques des élèves dès le CM1 via la plateforme Pix afin d’encourager nos enfants, dès leur plus jeune âge, à être acteurs de leur propre protection. Ils obtiendront ensuite en sixième, symboliquement, dès la rentrée prochaine, un passeport numérique, qui équivaudra à une attestation de compétences numériques.

Concernant les parents, et sans surprise, comme je l’ai rappelé à l’Assemblée nationale le 19 janvier dernier, j’ai effectivement pu constater à quel point les questions relatives à la place des outils numériques au sein de la famille, à l’éducation aux contenus numériques et à la sensibilisation aux risques étaient devenues centrales dans leur quotidien. La crise sanitaire a, bien évidemment, encore amplifié ces problématiques.

Ils ont une perception ambivalente de ces questions, percevant le numérique à la fois comme un risque et comme une opportunité pour leurs enfants. Dans 46 % des cas, ils ne se sentent pas ou pas assez accompagnés dans l’encadrement des pratiques, selon une recentre étude de l’association Observatoire de la parentalité & de l’éducation numérique (OPEN) et de l’Union nationale des associations familiales (UNAF).

Grâce à l’action des associations comme des acteurs du numérique, des initiatives pour accompagner les familles et les professionnels existent. Elles sont même nombreuses, mais elles ne sont pas coordonnées.

Cette insuffisante coordination des efforts aboutit à un manque de visibilité des solutions proposées et de confiance à leur égard, ce qui freine leur identification et donc le recours à elles, alors que 51 % des parents craignent que leur enfant ne développe une dépendance face à internet, que 42 % d’entre eux ont des difficultés à guider leur enfant en ligne et qu’un parent sur deux ne se sent pas suffisamment accompagné pour réguler la consommation des écrans.

Afin de remédier à ces difficultés, nous avons mis en place pour les jeunes parents un accompagnement dès l’arrivée du premier enfant grâce à des messages clairs diffusés dans Le L ivret de nos 1 000 premiers jours, au sein de l’application 1 000 jours et dans le carnet de santé.

Le numérique fait également partie du plan de formation des professionnels de la petite enfance, qui concerne 600 000 professionnels, car il était primordial que ces personnes, qui sont en contact au quotidien avec nos enfants, puissent disposer d’une formation à ce sujet.

Pour une meilleure coordination de ces dispositifs de soutien et afin que les parents aient davantage recours à eux, j’ai lancé, le lundi 7 février dernier, veille du Safer Internet Day – ou journée de l’internet sans crainte –, un plan d’action pour un usage raisonné des écrans.

Dans le cadre de ce plan, nous avons annoncé l’organisation dès septembre 2022, sur tout le territoire, du campus de la parentalité numérique, dont le premier volet s’est justement tenu ce jour-là, en lien avec l’Union nationale des associations familiales.

Ainsi des parents seront accompagnés partout sur le territoire, chaque année, pour mieux protéger leur enfant dans l’univers du numérique grâce à des actions de sensibilisation conduites par des associations qui auront reçu le label « campus de la parentalité numérique ».

Cette initiative pilotée par l’UNAF sera menée en partenariat avec les unions départementales des associations familiales (UDAF), les caisses d’allocations familiales (CAF) et les associations qui seront labellisées « campus de la parentalité numérique ».

Ces campus aborderont des sujets aussi divers que les premiers usages du smartphone, l’utilisation des réseaux sociaux, la consommation excessive des écrans, la protection des données de l’enfant, le cyberharcèlement ou encore la question de l’accès des mineurs à la pornographie.

Toutes les informations diffusées pendant les campus de la parentalité numérique sont aussi disponibles en ligne sur le site « jeprotegemonenfant.gouv.fr », qui devient aujourd’hui le portail unique d’information sur la parentalité numérique, en accès libre, continu et gratuit, grâce à un travail de collaboration étroite avec les acteurs du numérique, qu’il s’agisse des réseaux sociaux, des éditeurs de systèmes d’exploitation, des constructeurs de terminaux, des plateformes de vidéo à la demande, des télécoms, des éditeurs de jeux vidéo et des constructeurs de consoles, des chaînes de télévision et des associations familiales de protection de l’enfance ou d’accompagnement à la parentalité – bref, l’ensemble des acteurs sur la chaîne de valeur, l’ensemble des parties prenantes sur ces problématiques.

La mise en place de ce campus, qui comporte deux volets – un en ligne et un physique –, et de déploiement de ces multiples ressources – humaines comme numériques – répondent à un objectif : que la révolution des usages soit accompagnée d’un soutien et d’un accompagnement des parents.

La proposition de loi dont l’examen nous réunit aujourd’hui sera bien sûr, quant à elle, l’occasion de franchir une étape de plus en encourageant l’usage du contrôle parental.

Car aujourd’hui, pour beaucoup de parents, l’installation et l’usage d’un tel dispositif ne vont pas de soi. Lorsqu’on les questionne, il ressort que 57 % d’entre eux affirment ne pas utiliser de contrôle parental. Près d’un parent sur trois n’a pas connaissance de cet outil. Par ailleurs, 25 % des parents trouvent le dispositif de contrôle parental trop complexe.

Pourtant, près des trois quarts des parents adhèrent à l’idée qu’un outil de protection soit installé pour les appareils réservés aux enfants. Plus de la moitié d’entre eux seraient favorable à l’installation d’une telle protection sur tout type de matériel, qu’il soit ou non réservé aux enfants.

Le travail précis du député Bruno Studer et de votre rapporteure, que je salue, doit donc maintenant nous permettre de répondre à ces attentes. Il s’agit d’apporter, grâce à ce texte, une solution concrète, simple et directement mobilisable par les parents qui le souhaitent.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons tous, collectivement – pouvoirs publics, acteurs du numérique, monde associatif – la responsabilité d’agir et de proposer des solutions concrètes. En voilà une que vous vous apprêtez, je l’espère, à voter. Elle permettra d’allier l’ouverture et la richesse du numérique à une meilleure protection de nos jeunes !

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