Intervention de Fabien Gay

Réunion du 9 février 2022 à 15h00
Contrôle parental sur internet — Discussion générale

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Madame la présidente, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, au vu du calendrier électoral rappelé par Mme la rapporteure, ce n’est pas un hasard si nous examinons aujourd’hui cette proposition de loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet !

Ce texte nous donne néanmoins l’occasion de débattre de cet enjeu central qu’est l’exposition des mineurs à des contenus inadaptés et de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour prémunir nos jeunes des risques encourus.

Il s’agit également de tenir l’équilibre entre la neutralité du net, principe fondamental qui garantit la libre circulation des données sur internet, et la préservation des enfants du flot de données, certaines d’entre elles véhiculant des contenus qui ne sont pas appropriés.

Car internet a été pensé comme une architecture décentralisée au sein de laquelle les opérateurs ne sont que des transmetteurs d’informations. N’ayant pas la possibilité de les ralentir ou de les altérer, ils laissent à l’utilisateur le choix des contenus. Cette neutralité est fondamentale : y renoncer ou l’amoindrir ouvrirait la voie aux pires manipulations et mettrait à mal l’information des populations. Il ne saurait donc en être question.

Toutefois, il faut également tenir compte du fait que les enfants ne sont pas des utilisateurs comme les autres. Ils ne sont pas en mesure d’opérer un choix éclairé ni de faire le tri dans le flot des informations et des contenus.

Il est donc essentiel que ces contenus, conçus par des adultes et pour des adultes, ne viennent pas les percuter de plein fouet. Car internet contient le pire comme le meilleur, et les algorithmes qui proposent les contenus ne sont, eux, pas neutres.

Ce texte nous place donc au cœur d’un débat extrêmement important, mais également très complexe à plusieurs niveaux.

D’une part, la terminologie « mineur », « enfant » et « adolescent » homogénéise une diversité d’âges, de maturités et de développements cognitifs. Ils couvrent dix-huit années de vie qui sont diverses et fondamentales dans le développement d’un individu.

D’autre part, les données qui ne sont pas adaptées peuvent varier et recouvrent également toute une gamme de contenus, allant de l’incitation à la haine jusqu’à la pornographie, en passant par la fiction. Loin de nous, bien évidemment, l’idée de censurer les œuvres de fiction, mais certaines d’entre elles ne peuvent être visionnées par des enfants ou des adolescents, car ces derniers n’ont pas le recul nécessaire pour les regarder sans dommage.

N’oublions pas, non plus, un problème croissant dans nos sociétés hyperconnectées, celui des fake news, qui touchent avec internet un plus grand nombre de personnes et de manière plus rapide. Les adolescents, notamment, peuvent se trouver particulièrement exposés à ce phénomène.

Nous sommes donc face à des types de contenus très divers, dont certains sont pénalement répréhensibles et d’autres ne sont tout simplement pas adaptés à tous les âges.

Or, si les enfants doivent pouvoir apprendre et se forger un esprit critique, encore faut-il qu’ils soient en mesure de le faire et d’être accompagnés.

En somme, ce texte a le mérite de constituer un premier pas. Il vise à proposer une législation sur un sujet très complexe. Certes, il nous semble aller dans le bon sens, mais comme tous les premiers pas il en appelle d’autres.

Certains acteurs économiques dominants du marché proposent déjà gratuitement des outils de contrôle parental. Deux protocoles d’engagement ont été signés pour lutter contre l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques. Cependant, l’exposition aux contenus pornographiques, cela a été souligné, n’est pas le seul enjeu et ne constitue pas le seul risque.

La présence d’un contrôle parental sur les équipements et services proposant un accès à internet est donc nécessaire, à charge à l’utilisateur de l’activer ou non.

Il ne suffit cependant pas de le proposer. Encore faut-il en expliquer et en démontrer la nécessité aux utilisateurs, d’autant que, on le sait, 57 % des parents déclarent ne pas l’utiliser.

De plus, le contrôle parental, complexe à appliquer pleinement dans les faits, car il est contraignant pour les parents, ne doit pas masquer une problématique bien plus vaste. En effet, il ne constitue qu’une partie de la réponse à un problème plus profond.

L’un des enjeux fondamentaux reste l’éducation à internet, à la vérification des informations, à l’image et aux manipulations qu’elle peut subir ; de cette éducation, les parents d’aujourd’hui n’ont d’ailleurs pas nécessairement bénéficié.

Il faut également avoir conscience que l’enfant se développe peu à peu. Pour prendre un exemple, la distinction, évidente pour nous, entre la fiction et la réalité, n’est pas une donnée pour lui.

Enfin, les luttes contre les contenus haineux et contre les fake news ne doivent pas non plus être oubliées.

Pour conclure, mes chers collègues, nous ne pouvons que voter ce texte, tout en soulignant qu’il est insuffisant, et en espérant qu’il ouvre la voie à une réflexion et une législation plus approfondie, plus pertinente et plus applicable en la matière.

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