Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 9 février 2022 à 15h00
Contrôle parental sur internet — Discussion générale

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Madame la présidente, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, en 2018, je réalisais un rapport au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la formation à l’ère du numérique, avec un volet consacré aux nouveaux usages liés à la démultiplication des supports et des contenus, ainsi qu’aux dangers de leur emprise, particulièrement sur les jeunes.

Dans un chapitre intitulé « Apprendre à se servir des écrans et apprendre à s’en passer », je formulais plusieurs propositions, dont la promotion de l’éducation – urgente – au numérique dans tous ses aspects : savoir se servir des outils, coder, mais aussi, point primordial, comprendre l’écosystème dans lequel nous nous trouvons pour en maîtriser les potentialités et en déjouer les risques et les menaces.

Se posait en premier lieu la question de la formation des formateurs, dont l’urgence a été admise par le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Celui-ci a ainsi soutenu, par la suite, les dispositions que la commission a proposées lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance. Toutefois, le bilan est en demi-teinte, parce que les mesures mettent du temps à se mettre en place.

Il y a certes le rôle des enseignants, mais, avant cela – vous en conviendrez, mes chers collègues –, il y a celui des parents.

Le texte débattu aujourd’hui propose l’installation systématique d’un dispositif de contrôle parental sur l’ensemble des appareils donnant accès à internet. J’approuve complètement cette intention, mais l’efficacité de ce dispositif dépendra de la sensibilisation préalable des parents à la question.

À cet égard, je vous renvoie à l’excellent rapport daté de mars 2020 du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge intitulé Les Enfants, les écrans et le numérique. Dans ce document, le Haut Conseil affirme que les parents sont bien les premiers éducateurs au numérique et il souligne le côté positif des initiatives relatives à la « parentalité numérique » des réseaux d’entraide, des acteurs de l’accompagnement des parents et des organisations familiales. Il insiste également sur la nécessité de « favoriser l’implication de tous les parents vers un usage responsable du numérique, [de] leur redonner confiance et [de] conforter leur rôle des parents, [de] ne pas les culpabiliser et [de] s’interroger sur leurs propres pratiques ».

Tout cela est essentiel, mais, je l’ai déjà dit voilà quatre ans, il est grand temps que le ministère de la santé, lui aussi, se préoccupe sérieusement et concrètement de la surexposition des jeunes aux écrans, notamment des tout-petits. La ministre, à l’époque, avait balayé avec mépris la proposition de loi que j’avais déposée à la suite de mon rapport d’information ; il s’agissait, entre autres actions, de lancer des campagnes officielles fortes et lisibles d’information, avec plus de moyens.

Cela correspondait du reste à une préconisation du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dont une des missions est la protection des jeunes publics. Je vous invite d’ailleurs à consulter le site de cette autorité, qui est tout à fait remarquable. Le CSA affirme, à l’instar des pédiatres et des orthophonistes, qu’il n’y a pas de moyens suffisants, ne serait-ce que pour publier des brochures à mettre à disposition des parents lors des consultations.

Pourtant, nous sommes régulièrement alertés, au moins depuis 2013, par des études sérieuses – je pense notamment à celle de l’Académie nationale de médecine – sur les risques avérés d’une utilisation excessive des écrans pour les enfants : effets sur la santé, sur le comportement, sur le développement et sur l’identité, qui est forgée par la socialisation numérique, mais également troubles cognitifs et troubles de l’apprentissage.

Le présent texte me paraît donc plutôt limité dans l’approche du sujet. Quid des tout-petits, qui, dispositif parental ou non, sont exposés passivement aux écrans présents sur les jouets, les fabricants étant parfois peu scrupuleux ? Je remercie Mme la rapporteure de m’avoir encouragée à amender le texte sur ce sujet.

Dernier point et non des moindres : la lanceuse d’alerte Frances Haugen nous a affirmé que les plateformes, incontournables pour accéder aux services et contenus, privilégiaient avant tout leur profit au détriment de la sécurité et du bien-être des enfants.

On peut donc prévoir des dispositifs de contrôle parental, mais il faut surtout, monsieur le secrétaire d’État chargé de la transition numérique, être d’une grande exigence dans le cadre des discussions en cours à Bruxelles sur les textes réglementant les plateformes, notamment sur le DSA (Digital Services Act). Il faut exiger la totale transparence des algorithmes utilisés. Ces plateformes sont aujourd’hui des services publics, et elles nous doivent la transparence.

Notre collègue Florence Blatrix Contat et moi-même, auteures d’un rapport d’information pour la commission des affaires européennes sur le DSA, avons fait des propositions pour protéger les plus jeunes, …

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