Intervention de Alice Desbiolles

Commission des affaires sociales — Réunion du 8 février 2022 à 15h30
Hommage à un commissaire décédé

Alice Desbiolles, médecin de santé publique :

S'il n'est pas souhaitable de vacciner tout le monde, c'est justement aussi pour la pression de sélection sur les variants, ce qui conduit à un gaspillage de la ressource en termes d'efficacité sur les personnes à risque.

Un éditorial du New England Journal of Medicine rappelait qu'il n'y avait pas de mesure de l'efficacité sur la contagiosité dans les essais cliniques randomisés, qui sont des essais à fort niveau de preuve. Toutes les études ne se valent pas : il y a une gradation dans le niveau scientifique. Des études rétrospectives, avec des cas témoins, reposant sur des données déclaratives ne constituent pas un fort niveau de preuve. La mise en place d'une intervention aussi massive et coûteuse doit reposer sur des essais à fort niveau de preuve, comme les essais cliniques randomisés. L'effet du vaccin sur la contagiosité ne fait pas partie des critères : c'est écrit noir sur blanc dans les reports d'essais cliniques des firmes.

On peut toujours trouver des études pour justifier ce que l'on a envie de montrer. Je m'appuie sur les données des industriels qui sont ceux qui commercialisent le produit. Je le redis, le critère de jugement principal est l'infection symptomatique validée par PCR positive.

Sur l'évolution virale, les coronavirus mutent et se recombinent, notamment avec des virus proches, dans de vastes réservoirs animaux qu'il faut surveiller étroitement, d'où l'intérêt de collaborer avec des vétérinaires. C'est ce que l'OMS appelle le one health, une seule santé : santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes sont intimement liées. Il se crée en permanence des variants et des sous-variants : c'est pour cela qu'il est illusoire de vouloir bloquer complètement le processus, notamment par le biais de la vaccination. Il faut donc se demander comment éviter de favoriser par nos interventions les souches potentiellement problématiques au sein de ce vaste répertoire de mutants et de variants. Je faisais le parallèle avec les antibiotiques. Si la vaccination covid s'étend à de larges populations qui n'en ont pas forcément besoin, elle risque d'induire un phénomène bien connu, une pression de sélection.

L'émergence de souches dominantes résistantes au vaccin sous différentes conditions a été récemment simulée par des chercheurs français du CNRS : dans une publication du début de l'année, il est montré que la stratégie optimale pour minimiser les dommages globaux de la pandémie consiste à focaliser la vaccination sur les personnes à haut risque de covid-19 grave afin de les protéger individuellement et efficacement, tout en évitant de sélectionner et de faire circuler des souches résistantes à partir de vastes populations de personnes à faible risque. Une accumulation de données observationnelles montrant le développement et la circulation préférentielle de variants et de sous-variants résistants dans de vastes populations vaccinées peuvent expliquer des explosions d'incidence de variants en échappement immunitaire, même dans des régions à forte couverture vaccinale. D'où l'intérêt, en d'autres termes, de cibler, d'économiser la ressource pour limiter l'échappement vaccinal.

Il faut aussi remettre les vaccins à jour, comme on le fait pour la grippe chaque année, pour anticiper les variants qui vont circuler.

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