Intervention de Catherine Deroche

Commission d'enquête Hôpital — Réunion du 14 février 2022 à 17h00
Organisation de la prise en charge des soins non programmés et des soins urgents — Audition des docteurs patrick pelloux président de l'association des médecins urgentistes de france amuf serge smadja secrétaire général de sos médecins france et président de sos médecins paris et olivier richard chef de service du samu des yvelines

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche, rapporteure :

Le maintien à domicile passe par le retour des visites à domicile, qui permettent de voir le patient dans sa vraie vie, pour ainsi dire.

Qu'est-ce qui rendrait aux médecins l'envie de faire des visites à domicile, en particulier pour les personnes très âgées polypathologiques ?

La médicalisation des Ehpad est un vrai sujet. La maltraitance, monsieur Pelloux, ne concerne d'ailleurs pas que le privé. Nous allons former une commission d'enquête sur ce thème.

Faut-il revenir à une obligation de garde pour les médecins libéraux ? La région Pays de la Loire apportait son soutien aux centres de santé à la condition qu'ils participent à la permanence des soins. Notre commission a visité un hôpital de proximité à Lamballe où se trouvait une maison médicale de garde, assurée par des libéraux. Cette maison reprenait les soins non programmés qui n'avaient pu être effectués pendant la journée. Comment SOS Médecins voit-il l'organisation de ces maisons, placées à l'entrée des urgences pour éviter que certains patients n'y entrent ?

Dr Serge Smadja. - J'ai évoqué le déséquilibre tarifaire entre la visite à domicile et les autres actes. Cet été, à la demande des syndicats, la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) a prévu, dans l'avenant n° 9 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, un doublement du tarif de la visite à domicile pour les plus de 80 ans en affection de longue durée (ALD) - mais quatre fois par an, et uniquement pour les médecins traitants. Comme, par définition, nous ne le sommes pas, nous en étions exclus. Sans commentaire...

De plus, nous avons diversifié notre réponse aux demandes de soins : nous avons développé des points fixes d'accueil pour les soins non programmés, à condition que les pathologies des patients le permettent et que ces derniers soient en mesure de se déplacer. Nous ne pouvons cependant pas ignorer l'aspect social des visites à domicile, en dehors de toute cause médicale : nous devons nous déplacer lorsqu'un parent élève seul trois enfants par exemple.

Je ne nie pas l'intérêt des points fixes d'accueil, qui constitue l'une des pistes de diversification de l'accès aux soins, mais nous nous battons pour le maintien de la visite à domicile, non seulement parce que nous adorons cette pratique, mais aussi parce que nous sommes attachés à la défense de ce service médical rendu particulier.

Dr Olivier Richard. - Les patients nous contactant pour des besoins moins urgents ne devraient pas attendre quarante-huit heures, mais plutôt douze heures.

Je souscris aux propos qui ont été tenus : les visites à domicile sont fondamentales. Celles-ci doivent être revalorisées : il est inadmissible que leur montant soit fixé à 35 euros. Certes, les patients souffrant d'une ALD bénéficient de quatre visites annuelles de leur médecin traitant à domicile. L'investissement des médecins pratiquant les visites à domicile doit être récompensé. Il en va de même pour le travail de nuit des médecins et des infirmières.

Chaque jour, une dizaine de patients ne se rendent pas aux urgences, car ils ont obtenu un rendez-vous auprès d'un médecin de ville. Les pratiques évoluent progressivement.

Auparavant, nous travaillions par silo et par spécialité. Or le département représente un échelon plus pertinent : les médecins apprennent à se connaître et constituent des réseaux utiles. Toutefois, la revalorisation des visites à domicile et des gardes de nuit est indispensable et elle ne doit pas être limitée à quelques centimes d'euros.

Nous devons mieux négocier le tournant de la médecine ambulatoire, dont chacun reconnaît l'intérêt. Quelque 8,4 millions de personnes âgées de plus de 75 ans auront cependant besoin de lits d'hospitalisation polyvalents.

Dr Patrick Pelloux. - Depuis les commissions d'enquête sur le covid-19, le nombre de lits en réanimation, essentiel pour prendre en charge les patients arrivant aux urgences dans un état grave, n'a pas augmenté, contrairement aux engagements du Gouvernement. Certes, le ministre de la santé a récemment annoncé la création de 1 500 à 2 000 lits de réanimation, mais encore faut-il des médecins ! Or des combats acharnés ont cours entre des universitaires sur la possibilité de former 100 médecins-réanimateurs chaque année, contre 76 actuellement. En tout état de cause, je pense que 150 médecins spécialistes seraient nécessaires. Sans l'apport des praticiens étrangers, notre système s'effondrerait.

Les urgences font partie de la permanence des soins. Tous les malades se présentant aux urgences ne s'inscrivent pas dans une démarche de soins consumériste : il est illusoire de croire qu'on pourrait les diriger facilement vers d'autres services.

La télémédecine représente sans doute un progrès, mais comment établir un diagnostic sans examiner les malades ? Prenons garde à ne pas développer une médecine à deux vitesses avec, d'une part, les gens aisés capables de s'offrir une consultation, et, d'autre part, les personnes plus modestes, qui devront se contenter de la télémédecine et des infirmiers en pratique avancée. C'est un danger majeur. Nous ne devons pas nous tromper dans les solutions à apporter aux problèmes des urgences, qui, in fine, ne feraient qu'aggraver les maux de l'ensemble du système.

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