Intervention de Michel Savin

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 15 février 2022 à 9h30
Proposition de loi visant à démocratiser le sport en france nouvelle lecture — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Michel SavinMichel Savin, rapporteur :

Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin en nouvelle lecture la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France.

Nous ne pouvons que regretter de n'avoir pas pu trouver de compromis avec les députés, car nous avions, je crois, une volonté commune d'aboutir. Les échecs en CMP ne sont pas toujours l'occasion de valoriser le travail du bicamérisme. Nous ne sommes heureusement pas dans ce cas, puisque, au-delà des différences, nombreuses, et des désaccords, en nombre limité, qui nous séparaient, les députés ont fait le choix de conserver de nombreux apports du Sénat lors de leur examen du texte en nouvelle lecture, le 9 février dernier.

Parmi les apports du Sénat les plus significatifs, une vingtaine au moins a été conservée. On peut citer en particulier :

- la sécurisation de l'ouverture de l'activité physique adaptée (APA) à de nouveaux publics, dans le cadre du parcours de soins coordonné (article 1er bis) ;

- l'ouverture du renouvellement et de l'adaptation de la prescription d'APA aux masseurs-kinésithérapeutes (article 1er ter B) ;

- la reconnaissance des maisons sport-santé dans la loi et la définition d'un socle de missions communes (article 1er ter C) ;

- la clarification des règles de délivrance des certificats médicaux pour l'obtention d'une licence sportive et la participation à des compétitions sportives (article 4 bis B) ;

- la prise en compte du coût de l'aménagement d'un accès indépendant, lors de la rénovation des équipements sportifs d'une école ou d'un établissement scolaire, par rapport au coût total des travaux (article 2) ;

- la pratique quotidienne d'une activité physique au primaire (article 3 quater A) ;

- l'inscription dans les programmes du primaire de l'aisance aquatique (article 3 quater) ;

- l'inclusion dans les contrats de ville d'actions stratégiques dans le domaine du sport (article 4 bis C) ;

- l'obligation pour les fédérations de se prononcer sur le principe et le montant des indemnités allouées au président (article 5 bis AA) ;

- la prise en compte de tous les membres, et pas seulement des associations sportives, pour déterminer le collège des clubs qui devra compter pour au moins la moitié des votes en vue de désigner le président et les membres de l'organe collégial d'administration (article 6) ;

- l'attribution au comité d'éthique créé par chaque fédération d'un rôle important pour prévenir et traiter les conflits d'intérêts (article 8) ;

- la réaffirmation du rôle de la fédération délégataire dans le fonctionnement du sport professionnel, avec une présence de la fédération dans l'instance dirigeante de la société commerciale chargée de commercialiser les droits audiovisuels (article 10 bis A) ;

- l'intégration des photos dans les fichiers des interdits de stade pour effectuer un contrôle plus efficace ;

- l'instauration d'une amende forfaitaire en cas d'utilisation d'engins pyrotechniques dans les stades et l'expérimentation d'un usage de ces engins sous le contrôle des organisateurs et des autorités publiques (article 11 bis A).

On le voit, le texte adopté par les députés porte la marque du Sénat et l'on peut légitimement regretter que l'accord n'ait pas été possible.

Ce regret est toutefois à nuancer au regard de la réintroduction ou de la suppression de certaines dispositions par les députés, qui illustrent de réelles différences d'approche. C'est par exemple le cas du rétablissement de plusieurs références à l'interdiction des discriminations fondées sur l'identité de genre. Je ne peux que rappeler les interrogations que suscite cette notion, qui crée un débat sur l'équité des compétitions sportives, notamment féminines.

Par ailleurs, nous avons un désaccord total en ce qui concerne la neutralité dans le sport et le respect du principe de laïcité. Il est apparu clairement, au cours de nos échanges, que la ministre chargée de sports et les députés de La République en Marche n'étaient pas opposés au port de tenues religieuses par les sportives, y compris dans le cadre de compétitions officielles.

Je rappelle que le président de la commission et moi-même avons essayé de trouver un compromis en ne visant que les compétitions officielles et en instituant une démarche de dialogue directement inspirée de la loi de 2004 sur l'école. Nous avons reçu un refus très clair, fondé sur les mêmes arguments que ceux qui étaient utilisés par les opposants à cette loi : refus d'exclure, refus de stigmatiser une religion, déni de la réalité concernant les stratégies d'entrisme des mouvements islamistes, minimisation des incidents, etc. Nous prenons acte que le Gouvernement et l'Assemblée nationale refusent que la loi française prévoie de façon explicite que le port de signes ou de tenues par lesquels les personnes manifestent ostensiblement une appartenance religieuse lors des compétitions sportives organisées par les fédérations sportives est interdit.

L'approche communautariste du sport qui caractérise le Gouvernement n'est pas la nôtre. Elle constitue, par ailleurs, une véritable source d'inquiétude. Le refus de la majorité gouvernementale de défendre la laïcité dans le sport ouvre, en réalité, une brèche, qui pourrait remettre en cause la loi de 2004 sur l'interdiction des signes religieux à l'école.

Cette question de la laïcité a occupé beaucoup de place dans nos débats, mais ce n'est pas la seule source de divergence avec les députés.

Parmi les autres points en discussion, je citerai également l'application de la parité intégrale dans les instances dirigeantes nationales des fédérations sportives dès 2024. Aujourd'hui, plusieurs fédérations sportives ne sont pas en mesure d'appliquer les règles en vigueur en matière de parité. Pourra-t-il en être autrement dans moins de deux ans, si des règles plus exigeantes sont votées ? Adopter une loi qui ne pourra pas être appliquée revient à l'affaiblir et à la transformer en instrument de communication. Néanmoins, dans un souci de conciliation avec les députés, lors de la CMP, nous avons acté la mise en oeuvre de la parité intégrale dans les instances dirigeantes des fédérations, en prenant en compte l'engagement du mouvement sportif d'accompagner et de former les dirigeants pour aller vers cette parité.

Concernant la durée des mandats, je prends acte de l'évolution de la position de l'Assemblée nationale, qui a adopté une disposition dérogatoire, permettant aux présidents de fédération exerçant leur troisième mandat de candidater à un quatrième mandat, mais je regrette la disposition qui limite le nombre de mandats des présidents des instances régionales des fédérations sportives.

Les députés ont préféré envoyer un signal autoritaire, lequel risque de poser de gros problèmes à de nombreux comités régionaux, compte tenu des difficultés en matière de recrutement et de renouvellement des dirigeants. À nos yeux, le mouvement sportif devrait être libre de choisir son organisation, et une telle interdiction porte atteinte à la liberté associative.

Je rappelle que la mission sénatoriale de 2020 sur les fédérations sportives, présidée par Jean-Jacques Lozach, avait estimé, à l'unanimité, qu'il n'était pas souhaitable de légiférer sur ce point et qu'il fallait que le mouvement sportif prenne lui-même l'initiative de dispositions statutaires.

Compte tenu de ces désaccords persistants, d'une part, et des apports du Sénat qui ont été conservés par les députés, d'autre part, il n'apparaît pas utile de rétablir, en nouvelle lecture, les dispositions adoptées par le Sénat en première lecture. Nous sommes arrivés au terme de ce que nous pouvions attendre de la navette sur ce texte. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable à cette proposition de loi.

1 commentaire :

Le 20/05/2022 à 14:06, aristide a dit :

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"Cette question de la laïcité a occupé beaucoup de place dans nos débats, mais ce n'est pas la seule source de divergence avec les députés."

C'est le foulard qui occupe de la place, pas la laïcité.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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