Nous examinons ce matin, en nouvelle lecture, la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France.
À la suite de l'échec de la commission mixte paritaire (CMP), qui s'est tenue le 31 janvier dernier, il nous appartient d'entendre le nouveau rapport établi par notre collègue Michel Savin et de procéder à l'élaboration d'un nouveau texte de commission ou à l'adoption d'une motion de procédure. Je cède sans plus tarder la parole à notre rapporteur, pour nous présenter l'option qu'il nous propose de défendre sur ce texte.
Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin en nouvelle lecture la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France.
Nous ne pouvons que regretter de n'avoir pas pu trouver de compromis avec les députés, car nous avions, je crois, une volonté commune d'aboutir. Les échecs en CMP ne sont pas toujours l'occasion de valoriser le travail du bicamérisme. Nous ne sommes heureusement pas dans ce cas, puisque, au-delà des différences, nombreuses, et des désaccords, en nombre limité, qui nous séparaient, les députés ont fait le choix de conserver de nombreux apports du Sénat lors de leur examen du texte en nouvelle lecture, le 9 février dernier.
Parmi les apports du Sénat les plus significatifs, une vingtaine au moins a été conservée. On peut citer en particulier :
- la sécurisation de l'ouverture de l'activité physique adaptée (APA) à de nouveaux publics, dans le cadre du parcours de soins coordonné (article 1er bis) ;
- l'ouverture du renouvellement et de l'adaptation de la prescription d'APA aux masseurs-kinésithérapeutes (article 1er ter B) ;
- la reconnaissance des maisons sport-santé dans la loi et la définition d'un socle de missions communes (article 1er ter C) ;
- la clarification des règles de délivrance des certificats médicaux pour l'obtention d'une licence sportive et la participation à des compétitions sportives (article 4 bis B) ;
- la prise en compte du coût de l'aménagement d'un accès indépendant, lors de la rénovation des équipements sportifs d'une école ou d'un établissement scolaire, par rapport au coût total des travaux (article 2) ;
- la pratique quotidienne d'une activité physique au primaire (article 3 quater A) ;
- l'inscription dans les programmes du primaire de l'aisance aquatique (article 3 quater) ;
- l'inclusion dans les contrats de ville d'actions stratégiques dans le domaine du sport (article 4 bis C) ;
- l'obligation pour les fédérations de se prononcer sur le principe et le montant des indemnités allouées au président (article 5 bis AA) ;
- la prise en compte de tous les membres, et pas seulement des associations sportives, pour déterminer le collège des clubs qui devra compter pour au moins la moitié des votes en vue de désigner le président et les membres de l'organe collégial d'administration (article 6) ;
- l'attribution au comité d'éthique créé par chaque fédération d'un rôle important pour prévenir et traiter les conflits d'intérêts (article 8) ;
- la réaffirmation du rôle de la fédération délégataire dans le fonctionnement du sport professionnel, avec une présence de la fédération dans l'instance dirigeante de la société commerciale chargée de commercialiser les droits audiovisuels (article 10 bis A) ;
- l'intégration des photos dans les fichiers des interdits de stade pour effectuer un contrôle plus efficace ;
- l'instauration d'une amende forfaitaire en cas d'utilisation d'engins pyrotechniques dans les stades et l'expérimentation d'un usage de ces engins sous le contrôle des organisateurs et des autorités publiques (article 11 bis A).
On le voit, le texte adopté par les députés porte la marque du Sénat et l'on peut légitimement regretter que l'accord n'ait pas été possible.
Ce regret est toutefois à nuancer au regard de la réintroduction ou de la suppression de certaines dispositions par les députés, qui illustrent de réelles différences d'approche. C'est par exemple le cas du rétablissement de plusieurs références à l'interdiction des discriminations fondées sur l'identité de genre. Je ne peux que rappeler les interrogations que suscite cette notion, qui crée un débat sur l'équité des compétitions sportives, notamment féminines.
Par ailleurs, nous avons un désaccord total en ce qui concerne la neutralité dans le sport et le respect du principe de laïcité. Il est apparu clairement, au cours de nos échanges, que la ministre chargée de sports et les députés de La République en Marche n'étaient pas opposés au port de tenues religieuses par les sportives, y compris dans le cadre de compétitions officielles.
Je rappelle que le président de la commission et moi-même avons essayé de trouver un compromis en ne visant que les compétitions officielles et en instituant une démarche de dialogue directement inspirée de la loi de 2004 sur l'école. Nous avons reçu un refus très clair, fondé sur les mêmes arguments que ceux qui étaient utilisés par les opposants à cette loi : refus d'exclure, refus de stigmatiser une religion, déni de la réalité concernant les stratégies d'entrisme des mouvements islamistes, minimisation des incidents, etc. Nous prenons acte que le Gouvernement et l'Assemblée nationale refusent que la loi française prévoie de façon explicite que le port de signes ou de tenues par lesquels les personnes manifestent ostensiblement une appartenance religieuse lors des compétitions sportives organisées par les fédérations sportives est interdit.
L'approche communautariste du sport qui caractérise le Gouvernement n'est pas la nôtre. Elle constitue, par ailleurs, une véritable source d'inquiétude. Le refus de la majorité gouvernementale de défendre la laïcité dans le sport ouvre, en réalité, une brèche, qui pourrait remettre en cause la loi de 2004 sur l'interdiction des signes religieux à l'école.
Cette question de la laïcité a occupé beaucoup de place dans nos débats, mais ce n'est pas la seule source de divergence avec les députés.
Parmi les autres points en discussion, je citerai également l'application de la parité intégrale dans les instances dirigeantes nationales des fédérations sportives dès 2024. Aujourd'hui, plusieurs fédérations sportives ne sont pas en mesure d'appliquer les règles en vigueur en matière de parité. Pourra-t-il en être autrement dans moins de deux ans, si des règles plus exigeantes sont votées ? Adopter une loi qui ne pourra pas être appliquée revient à l'affaiblir et à la transformer en instrument de communication. Néanmoins, dans un souci de conciliation avec les députés, lors de la CMP, nous avons acté la mise en oeuvre de la parité intégrale dans les instances dirigeantes des fédérations, en prenant en compte l'engagement du mouvement sportif d'accompagner et de former les dirigeants pour aller vers cette parité.
Concernant la durée des mandats, je prends acte de l'évolution de la position de l'Assemblée nationale, qui a adopté une disposition dérogatoire, permettant aux présidents de fédération exerçant leur troisième mandat de candidater à un quatrième mandat, mais je regrette la disposition qui limite le nombre de mandats des présidents des instances régionales des fédérations sportives.
Les députés ont préféré envoyer un signal autoritaire, lequel risque de poser de gros problèmes à de nombreux comités régionaux, compte tenu des difficultés en matière de recrutement et de renouvellement des dirigeants. À nos yeux, le mouvement sportif devrait être libre de choisir son organisation, et une telle interdiction porte atteinte à la liberté associative.
Je rappelle que la mission sénatoriale de 2020 sur les fédérations sportives, présidée par Jean-Jacques Lozach, avait estimé, à l'unanimité, qu'il n'était pas souhaitable de légiférer sur ce point et qu'il fallait que le mouvement sportif prenne lui-même l'initiative de dispositions statutaires.
Compte tenu de ces désaccords persistants, d'une part, et des apports du Sénat qui ont été conservés par les députés, d'autre part, il n'apparaît pas utile de rétablir, en nouvelle lecture, les dispositions adoptées par le Sénat en première lecture. Nous sommes arrivés au terme de ce que nous pouvions attendre de la navette sur ce texte. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable à cette proposition de loi.
Je remercie le rapporteur pour la précision de son travail, sa patience et sa ténacité.
Le sport doit être détaché de toute considération religieuse, de tout prosélytisme, de tout ce qui peut diviser et différencier les joueuses et les joueurs les uns des autres. La religion n'a rien à faire sur un terrain de sport.
L'amendement de notre collègue Stéphane Piednoir s'appuyait sur la règle 50 de la Charte olympique, qui prévoit la neutralité politique, religieuse, raciale et syndicale dans le sport. On ne peut pas transiger avec la laïcité, surtout en France. Notre pays ne devrait pas, sur ce plan, être moins-disant que le mouvement olympique.
Il est également urgent de sécuriser pleinement les acteurs du mouvement sportif, qui nous le demandent. Les élus locaux sont souvent désemparés face aux dérives et ne disposent pas de règles juridiques claires et opérantes. Le législateur doit prendre ses responsabilités. C'est ce que Stéphane Piednoir nous incitait à faire. Or, pour des raisons dogmatiques et politiques absolument inacceptables, nos collègues députés ont refusé de franchir ce pas.
Je note un grand écart entre le discours des Mureaux, dans lequel, en octobre 2020, Emmanuel Macron dénonçait la radicalisation et semblait vouloir s'attaquer au séparatisme islamiste, et les actes. La République en Marche s'appuie sur le contrat d'engagement républicain pour se défendre de tout laxisme, mais nous savons bien qu'il ne s'agit que d'un crocodile empaillé. La ministre Roxana Maracineanu nous indique que le Gouvernement agit, mais, là encore, ce discours se traduit peu en actes. Je répète que les fédérations et les clubs sont dans une insécurité juridique et ne peuvent pas agir.
À l'Assemblée nationale, nous avons vu les députés tiraillés sur cette question. Ce matin encore, l'écrivaine Zineb El Rhazoui, qui soutient le président Macron, a déclaré que ne pas regarder les choses en face était une erreur - elle parle en connaissance de cause.
On ne peut donc que déplorer que l'amendement de notre collègue Stéphane Piednoir n'ait pu être inscrit dans cette proposition de loi, dont je répète qu'il s'agit un peu d'une voiture-balai : derrière les grandes formules, comme « la démocratisation du sport », c'est un éléphant qui accouche d'une souris.
Je tiens à féliciter notre rapporteur pour son excellent travail. S'il a essayé de défendre nos positions en CMP, j'en suis sorti amer, car le jeu collectif qui aurait permis de donner au sport un nouveau souffle a manqué. Alors que nous avons apporté un certain nombre d'améliorations à ce texte, qui était plutôt modeste, plus d'une trentaine de mesures n'ont même pas eu la chance d'être discutées lors de la CMP. À quelques mois des jeux Olympiques et Paralympiques, nous notons que le sport reste malheureusement le parent pauvre des politiques publiques.
Face à la fin de non-recevoir que nous opposent l'Assemblée nationale et le Gouvernement, notre groupe votera la question préalable proposée par le rapporteur.
La situation n'est pas banale. Nous sommes partis d'un texte visant à démocratiser le sport, à l'objectif consensuel - lever le maximum d'obstacles pour développer le nombre de pratiquants -, pour arriver à une polémique partisane sur un sujet très précis : le port de signes religieux lors des événements sportifs et des compétitions.
D'ailleurs, on voit bien, dans l'exposé des motifs de la question préalable, que toutes les autres dimensions du sport passent à la trappe. Où est le sport éducatif, inclusif, solidaire, générateur d'émotions, créateur d'emplois ? On réduit le sport à son éventuelle instrumentalisation à des fins communautaristes. Il me semble que le sport, c'est beaucoup d'autres choses.
L'objet de la proposition de loi n'était pas de refaire le débat que nous avons eu sur ce qui allait devenir la loi confortant le respect des principes de la République, loi qui a été promulguée, qui est en cours d'application et pour laquelle il sera procédé à une évaluation le moment venu.
Bien sûr, nous regrettons que l'Assemblée nationale et le Gouvernement aient repris les choses en main à la suite de la CMP, ce qui brouille complètement l'apport du Sénat. Si un certain nombre de nos amendements ont été conservés, des passages ont été complètement réécrits, conformément à l'état d'esprit qui a prévalu lors de la CMP.
Nous pensons que l'article sur l'interdiction des signes religieux n'a rien à faire dans cette proposition de loi. D'ailleurs, nous avons toutes et tous été destinataires des propositions du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui représente le mouvement sportif, et, à aucun moment, celui-ci ne nous a alertés sur le sujet - ce qui, du reste, ne signifie pas qu'il n'y a pas ici ou là des dérives séparatistes ou communautaristes. Je conviens qu'elles existent, mais nous disposons aujourd'hui d'un arsenal juridique pour y faire face.
Je pense, par exemple, à la loi d'août 2021 ou tout simplement au contenu de la délégation de l'État au mouvement sportif.
Nous ne voterons bien évidemment pas cette question préalable.
Merci à notre rapporteur pour son travail continu et apprécié sur les questions sportives.
Je regrette moi aussi que nous en arrivions là, compte tenu du consensus initial sur le fait que ce texte manquait cruellement d'ambition en matière sportive, loin de la grande loi sur le sport qui nous avait été annoncée, et alors que nous avons, ensemble, mené quelques batailles, comme sur les conseillers techniques sportifs (CTS) ou sur l'existence même d'un ministère des sports, qui n'a plus de ministère que le nom, et défendu un certain nombre d'avancées. Les questions relatives à la laïcité que nous soulevons là sont des questions de fond, qui ne peuvent, à notre sens, être traitées à la faveur d'amendements destinés à nourrir la polémique - la proximité des élections n'y est sans doute pas pour rien.
Je pense, par exemple, à la situation des femmes afghanes, premières victimes du régime que chacun connaît.
Bien sûr que si ! S'il était voté, l'amendement leur interdirait concrètement de participer à des compétitions sportives. En tout cas, c'est le signe que l'on enverrait.
Vous connaissez notre position sur les questions de laïcité. Or, en l'occurrence, il s'agit véritablement d'une polémique absolument inutile, qui ne va rien régler.
De même, je reconnais qu'aller vers la parité dans les instances sportives pose de réelles difficultés, mais je rappelle qu'il en a été ainsi dans tous les domaines institutionnels.
Que chacun exprime ses convictions à la faveur de cette proposition de loi me paraît tout à fait légitime. En revanche, nous ne pouvons pas nous retrouver dans un texte qui soit prétexte à polémique, quand le sport mérite un travail consensuel.
Je serai bien évidemment solidaire de mon groupe et du choix de l'interdiction du voile, mais, pour la raison que vient d'évoquer Céline Brulin, je reste tiraillée.
La délégation aux droits des femmes a organisé des réunions sur la situation des femmes afghanes. Nous sommes nombreux à soutenir une pétition pour la participation d'une équipe féminine afghane aux jeux Olympiques de 2024. On ne pourra demander à ces femmes de retirer leur foulard ! Le texte que nous allons voter contreviendrait à leur liberté. Il est des symboles importants.
Lors de la CMP, en accord avec le président, nous avons, dans un souci de conciliation, proposé un amendement tendant à réduire fortement le périmètre du dispositif voté par le Sénat : il s'agissait de limiter l'interdiction aux seules compétitions organisées par les fédérations françaises sur le territoire français. Les compétitions internationales n'étaient pas concernées, chaque pays étant libre de s'organiser comme il le souhaite. Je veux lever tout malentendu, et dire aux membres du Gouvernement ou de la majorité En Marche qui affirment le contraire qu'il est faux que nous remettions en cause les JO.
Monsieur Lozach, cet amendement oeuvrerait à développer la pratique sportive, car nous ne voulons pas qu'une partie des femmes de notre pays ne puissent accéder à des compétitions parce qu'elles auraient l'obligation de porter des tenues religieuses. Ce n'est pas notre conception de la laïcité. Notre volonté est bien de démocratiser le sport, que celui-ci puisse conserver sa neutralité et sa laïcité, que chacun, quelles que soient sa religion, son origine, sa sensibilité politique, puisse participer aux activités physiques et aux compétitions sportives. Si nous ne faisons rien se créeront des clubs communautaires excluant une partie des femmes.
La loi doit être claire et répondre aux préoccupations des fédérations. Si les fédérations ne mettent pas officiellement ce point à l'ordre du jour de leurs débats, c'est parce que ces sujets sont très compliqués.
Aujourd'hui, une fédération française est attaquée devant le Conseil d'État par le collectif des Hijabeuses pour avoir refusé le port de signes religieux lors de compétitions. D'autres fédérations connaissent des problèmes importants. Renvoyer aux fédérations la responsabilité de gérer de tels problèmes, comme essaie de le faire le Gouvernement, n'est pas très courageux. C'est à nous, législateurs, de définir dans la loi ce qui est possible et ce qui est interdit.
Cela dit, je veux rappeler, monsieur le président, que le travail du Sénat n'a pas été vain. Je veux évoquer quelques grandes mesures que nous avons votées et qui vont peser.
Premièrement, nous avons reconnu dans la loi les maisons sport-santé, ce qui permet d'assurer leur pérennité et leur financement.
Deuxièmement, nous avons voté le principe d'une activité physique quotidienne en primaire, dans l'esprit de l'expérimentation lancée par le Gouvernement dans certaines écoles. Cela a été conservé par l'Assemblée nationale.
Troisièmement, nous avons inscrit, dans les programmes du primaire, l'aisance aquatique. C'est un sujet important, pour des raisons de sécurité. Trop d'enfants de moins de six ans se noient encore chaque année, malgré les grands discours sur le « savoir nager ».
Quatrièmement, enfin, sur un sujet qui faisait aussi beaucoup débat, le Sénat a réaffirmé la présence de la fédération française dans le fonctionnement et les instances dirigeantes de la société commerciale. Au départ, la fédération en était totalement absente. Afin d'apaiser nos craintes, nous avons, avec le président, organisé plusieurs réunions aussi bien avec la fédération qu'avec la ligue. Outre la présence de la fédération, nous sommes parvenus à inscrire dans la loi le principe d'un retour financier en direction du monde amateur.
Autre point important : ce texte ne comportait aucune disposition sur la sécurité. Des amendements ont été déposés, notamment par Claude Kern, sur le problème des fichiers. L'intégration des photos dans les fichiers des interdits de stade permettra de pallier le fait qu'il n'y a aujourd'hui aucune mesure de contrôle. L'usage d'engins pyrotechniques dans les stades posait également de vrais problèmes de sécurité.
Toutes ces avancées importantes ont été portées par le Sénat. Notre travail n'aura donc pas été vain. Bien sûr, nous aurions espéré pouvoir avoir une discussion saine avec les députés sur d'autres sujets qui nous tenaient à coeur, mais la question des signes et vêtements religieux était une ligne rouge que nous ne pouvions franchir. On voit bien que le texte voté voilà quelques mois sur les principes de la République ne va pas au bout des choses. Lorsque l'Assemblée nationale n'a pas suivi notre amendement, les Hijabeuses ont déclaré qu'elles avaient gagné contre le Sénat... On ne peut que déplorer l'image que ces groupes communautaires renvoient.
Ce n'est probablement qu'une question de temps : le sujet reviendra sur la table, car ce phénomène prend de plus en plus d'ampleur. Quoi qu'il en soit, nous souhaitions, dès à présent, envoyer un signe fort en direction du monde sportif.
J'ai bien compris que la question préalable portait essentiellement sur la dimension vestimentaire des sportifs.
Une fois de plus, le voile s'invite dans le débat. Une fois de plus, la majorité sénatoriale hystérise cette question.
Chers collègues, depuis que quelqu'un issu de vos rangs a, en 1989, sorti l'affaire du foulard au collège, le débat sur le voile occulte la plupart des autres débats. On le sort en cas de besoin, pour bloquer la discussion ou ne pas aller au fond des choses... J'ai pu le constater, depuis que je suis sénateur - sur les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), sur l'université et, maintenant, sur le sport. C'est de la folie que de travailler ainsi.
Je suis très déçu que le travail qui a été mené dans cette commission se conclue par une question préalable sur un sujet qui n'a rien à voir avec le fond du débat. Ce texte parle du sport, non du voile ! Chers collègues, ne pensez-vous pas que ce débat soit de nature à susciter de la frustration ? Le sujet du voile devrait être tranché ailleurs.
Les fédérations sportives en France sont-elles encore chargées d'une mission de service public déléguée par l'État ? Cette question est au coeur du débat. Le Gouvernement n'y a malheureusement pas répondu, et son texte montre le contraire.
Si l'on considère que les fédérations sont chargées d'une mission de service public, alors toutes les obligations du service public s'imposent à elles. Le Conseil d'État a ainsi, tranché, dans sa décision du 22 novembre 2021, que la neutralité s'imposait à toutes les fédérations. Il n'est pas besoin d'y revenir.
Si les fédérations sont chargées d'une mission de service public, elles doivent aussi être l'instrument de l'émancipation des femmes. Cela passe par la parité. Je ne comprends pas comment vous pouvez à la fois considérer que l'on ne peut pas imposer la parité aux fédérations parce qu'elles sont autonomes, et leur imposer la neutralité religieuse parce qu'elles ne le seraient plus. Il faut une cohérence absolue.
Vous connaissez ma position sur le voile : je considère qu'il s'agit d'un outil vestimentaire de domination masculine - cela est vrai pour les trois religions d'Abraham.
En revanche, je ne vous suis pas du tout sur l'olympisme. De facto, la règle 50 de la Charte olympique, qui oblige à une neutralité religieuse, n'est plus appliquée en France. Je trouve que c'est un recul tout à fait insupportable de l'olympisme français et de son caractère universel, que nous aurions dû réaffirmer.
Plus avant, je m'interroge sur l'opportunité d'organiser la Coupe du monde dans des pays où l'on sait très bien que ni les droits de l'homme ni les droits de la femme ne sont respectés, comme au Qatar. J'appelle vraiment, sur ce sujet, à une plus grande cohérence.
En séance, notre position sur la parité était différente de celle des députés, tout simplement parce que nous avons tenu compte de la situation des fédérations. Certaines fédérations ne sont d'ores et déjà pas en capacité de respecter la règle qui prévaut en matière de parité aujourd'hui, à savoir 40 % minimum d'hommes et de femmes au niveau des instances dirigeantes.
Mais, malgré toutes nos interrogations, malgré toutes nos inquiétudes, j'ai proposé, lors de la CMP, dans un souci de consensus, d'accepter la parité pour les fédérations dès 2024, le comité olympique s'étant engagé à les accompagner dans le recrutement et la formation des dirigeants et à y consacrer les moyens nécessaires. Cela montre que nous sommes capables d'évoluer, mais je doute fort que les fédérations puissent tenir cet objectif dans deux ans.
Le seul point de divergence qui demeure aujourd'hui avec les députés porte sur le nombre de mandats. Le texte initial prévoyait trois mandats au maximum. Nous avions, sur ma proposition, supprimé cet article, pour laisser aux fédérations la liberté de gérer la durée des mandats comme elles le souhaitent. En nouvelle lecture, les députés ont évolué, permettant au président en place de briguer un quatrième mandat. Ce compromis nous convient bien.
En revanche, je reste réservé sur la proposition des députés relative aux instances régionales. Les fédérations nous disent qu'elles ont aujourd'hui beaucoup de difficultés à recruter des dirigeants, notamment en raison de la crise. Il est compliqué d'interdire à des personnes disponibles et qui ont envie de s'investir d'exercer un mandat supplémentaire quand on ne trouve pas d'autres candidats. Sur ce point, nous avons suivi le rapport de Jean-Jacques Lozach, qui avait conclu qu'il fallait laisser les fédérations gérer cette question. Si certains comités régionaux pourront s'accommoder de la règle des trois mandats, d'autres sont gérés par moins de dix personnes.
Le fonctionnement que les députés veulent imposer autoritairement n'est pas en phase avec les réalités, mais nos collègues n'ont pas voulu bouger sur ce point.
EXAMEN D'UNE MOTION ET DES AMENDEMENTS
Compte tenu des points de divergence existant encore aujourd'hui entre le Sénat et l'Assemblée nationale, je vous propose de ne pas poursuivre l'examen de cette proposition de loi et de voter la motion COM-3.
La motion COM-3 est adoptée. En conséquence, la commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi.
L'ensemble des amendements deviennent sans objet.
La commission soumettra demain au Sénat la motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi. En conséquence, celle-ci n'est pas adoptée, et les amendements déposés par nos collègues écologistes deviennent sans objet.
La discussion portera en séance sur le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
La réunion est close à 10 h 10.