Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains est évidemment favorable à toutes les mesures visant à renforcer la lutte contre le harcèlement scolaire qui demeure trop souvent caché, silencieux, et dont les conséquences sont destructrices.
Conscient de ce sujet préoccupant, le Sénat avait d’ailleurs diligenté une mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. C’est fort de ce travail que nous avons adopté plusieurs mesures concrètes et opérationnelles à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, mais force est de constater que l’Assemblée nationale, en refusant d’y accéder, s’est contentée de conférer au texte une valeur symbolique.
Comme vous le savez, la commission mixte paritaire a échoué sur un point d’achoppement majeur pour nous : la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire qui viserait aussi bien les élèves que les adultes travaillant au sein de l’établissement.
Nous estimons qu’il n’y a pas lieu de viser des adultes comme de potentiels auteurs de cette infraction. C’est d’ailleurs un point, monsieur le ministre, sur lequel le Gouvernement s’était également déclaré défavorable lors des discussions sur le projet de loi pour une école de la confiance.
Il nous semble tout d’abord évident que des menaces ou abus éventuels d’un adulte sur un élève ne relèvent pas du même type de situation que le harcèlement qui peut exister entre élèves. De plus, les éventuels actes de malveillance commis par des personnels adultes au sein de l’établissement scolaire sont d’ores et déjà réprimés pénalement ou sanctionnés sur le plan administratif et disciplinaire.
Ensuite, avec cette disposition, nous pouvons nous interroger sur le sens du message envoyé aux enseignants à un moment où leur autorité est souvent remise en question, tant par des élèves que par des parents. Nous le constatons, les parents sont de plus en plus prompts à intervenir dans le quotidien scolaire des enfants ; alors, à partir de combien de mauvaises notes ou de punitions pour devoirs non faits certains parents vont-ils évoquer un harcèlement ?
Ainsi, mes chers collègues, je crains fort que la nouvelle définition n’ouvre la porte à toutes les dérives et n’envoie aux équipes pédagogiques un bien mauvais signal.
Finalement, la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire est la disposition centrale du texte. Sur ce point, nous rencontrons un nouveau désaccord. En effet, la loi consacre déjà le droit à une scolarité sans harcèlement et organise l’arsenal juridique nécessaire : dans ces conditions, pourquoi une telle surenchère ?
Au-delà de sa valeur symbolique, ce texte semble surtout avoir une valeur politique à l’approche d’échéances électorales importantes… Dans ces conditions, parvenir à un texte commun semblait bien difficile.
Si le maintien de l’enfant dans son milieu scolaire est par principe la voie à privilégier, il peut être nécessaire, voire indispensable, au regard de son état psychologique, de l’éloigner au plus vite. C’est pourquoi j’avais personnellement proposé de mettre rapidement à l’abri un enfant en danger, en permettant aux parents de recourir en cours d’année à l’instruction en famille ou à l’enseignement à distance.
Dans le même esprit, nous avions élargi les conditions d’une déscolarisation d’urgence en cas de plainte déposée et nous avions fixé la nécessaire prise en considération de la parole de l’enfant.
Hélas, ces dispositions ont été supprimées en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale.
L’examen du texte par le Sénat aura néanmoins permis plusieurs avancées : le dépistage du harcèlement par les visites médicales obligatoires ou encore la reconnaissance de l’importance du travail des assistants d’éducation.
Quant au cyberharcèlement, hélas partie intégrante de la vie des élèves, il est regrettable que les députés aient supprimé la plupart de nos apports.
Vous l’avez compris, nous ne sommes pas satisfaits de ce texte, dont les avancées restent trop limitées. Nous ne pouvons qu’acter et regretter la disparition des améliorations que nous avions apportées et notre désaccord sur deux points fondamentaux : la mise en cause des enseignants et la création d’un délit spécifique. Pour ces raisons, nous soutiendrons la motion tendant à opposer la question préalable.
Je suis par ailleurs convaincu que l’efficacité de la lutte contre le harcèlement scolaire repose moins sur une intervention législative que sur des mesures de terrain et des moyens pour les mettre en œuvre. Que dire du manque criant de médecins scolaires, d’infirmières, de psychologues, pourtant les plus à même de repérer la détresse de l’enfant ? Ce sujet est pour moi essentiel, il est la première réponse que le Gouvernement aurait dû apporter en matière de prévention et de lutte contre le harcèlement.
C’est donc avec un sentiment d’inachevé, malgré la qualité du travail réalisé par Jacqueline Eustache-Brinio et Olivier Paccaud, que nous suivrons nos rapporteurs en actant le fait qu’il n’y a pas lieu de poursuivre l’examen de cette proposition de loi.