Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 17 février 2022 à 14h30
Marché de l'assurance emprunteur — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Olivier Dussopt :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement souhaite l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, texte déposé par la députée Patricia Lemoine.

La possibilité de changer à tout moment de contrat d’assurance permettra aux Français de gagner environ 550 millions d’euros de pouvoir d’achat par an. Pour un jeune emprunteur ayant souscrit un contrat afin d’acquérir, pour la première fois, son logement, l’économie moyenne sera de 3 800 euros sur la durée du prêt.

Au demeurant, une telle réforme présente l’avantage non négligeable pour le ministre des comptes publics que je suis de ne pas coûter un seul euro à l’État. La proposition de loi introduit des mesures de simplification et crée des droits nouveaux pour les emprunteurs sans venir grever les finances publiques.

Vous le savez, pour beaucoup de nos concitoyens, l’accession à la propriété représente l’objectif de toute une vie. Or cela repose essentiellement sur le crédit immobilier, qui est très souvent conditionné à la souscription d’une assurance emprunteur. Une telle assurance peut parfois représenter jusqu’à 30 % du coût total du crédit.

Ainsi, l’accessibilité d’une assurance emprunteur au meilleur prix, confortant le pouvoir d’achat des Français, est une préoccupation forte du Gouvernement.

La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui répond à deux objectifs essentiels, que le Gouvernement soutient évidemment : d’une part, permettre aux Français de changer à tout moment leur contrat d’assurance, gage d’un libre choix et de la possibilité pour chacune et chacun de bénéficier de meilleures garanties, au meilleur tarif ; d’autre part, permettre de réduire les discriminations d’accès des personnes qui sont ou ont été atteintes par des maladies de longue durée. C’est aussi une question de justice sociale devant l’accès à la propriété et au prêt qui la conditionne.

Le marché de l’assurance emprunteur compte entre 20 millions et 25 millions de contrats actifs. Au cours de la dernière décennie, le législateur s’est légitimement penché à plusieurs reprises sur le sujet pour que l’assurance emprunteur protège les assurés à un coût le plus compétitif possible.

Les réformes qui se sont succédé depuis 2010 ont d’ores et déjà permis des avancées significatives. Le marché de l’assurance emprunteur pour le crédit immobilier s’est progressivement ouvert à la concurrence. Avant 2010, chacun devait adhérer au contrat de groupe qui pouvait lui être imposé par sa banque. Aujourd’hui, les emprunteurs ont tout loisir de retenir l’assureur de leur choix, sachant de surcroît que ce choix n’est désormais plus irrévocable.

De plus, il est possible de résilier son contrat à tout moment jusqu’à douze mois après la signature de l’offre de prêt, puis lors de chaque échéance annuelle. C’est cet aspect du droit que cette proposition de loi va pouvoir améliorer.

Les réformes intervenues depuis 2010 ont facilité le changement d’emprunteurs et ont déjà offert des bénéfices substantiels pour les consommateurs. Le bilan qui en est dressé met en évidence un renforcement de la concurrence et une baisse de la tarification des contrats d’assurance emprunteur pour le plus grand nombre. Ainsi, le Comité consultatif du secteur financier fait état d’une baisse tarifaire comprise entre 20 % et 41 % dont bénéficient tous les assurés depuis 2010. Je crois que nous pouvons nous en féliciter.

Nous devons cependant améliorer encore le dynamisme de ce marché et la protection des consommateurs, et ce au bénéfice de tous. De nombreux acteurs, dont les associations de consommateurs, se font régulièrement l’écho de difficultés concrètes rencontrées par nos concitoyens pour remplacer le contrat proposé par la banque par un autre à travers une délégation d’assurance. Le dispositif actuel paraît souvent peu lisible pour les emprunteurs. Je suis aussi fermement convaincu que nous devons continuer à lutter contre les pratiques de nature à décourager les emprunteurs dans leur démarche.

Le Gouvernement soutient donc les mesures qui permettent de rendre le dispositif de résiliation pleinement opérationnel. Je pense à la transparence des décisions de refus de substitution pour l’assurance, à la meilleure information des assurés, à l’introduction d’un délai de production de l’avenant au contrat de crédit lors d’une substitution d’assurance ou encore au renforcement des sanctions administratives à l’encontre des prêteurs et des assureurs qui auraient des pratiques dilatoires.

Ainsi conçu, le dispositif de résiliation infra-annuelle devra permettre d’accélérer le mouvement engagé en orientant encore les tarifs à la baisse pour le plus grand nombre. Cette nouvelle possibilité de résiliation rapprochera aussi l’assurance emprunteur du régime de résiliation infra-annuelle, qui s’est étendu à un certain nombre de contrats de masse, comme les assurances auto, les assurances habitation, ainsi que les complémentaires santé.

Une telle mesure vient également, je l’ai indiqué, soutenir le pouvoir d’achat. C’est peut-être l’objet d’une appréciation un peu divergente entre M. le rapporteur et le Gouvernement, mais nous considérons que le dispositif pourrait faire économiser sur la durée du prêt un peu moins de 4 000 euros à un primo-accédant ayant emprunté 250 000 euros, à l’âge de 35 ans, pour acheter son logement.

Le Gouvernement veille enfin tout particulièrement à l’effectivité des réformes menées au bénéfice de nos concitoyens. Il sera donc nécessaire de prévoir un bilan de la mise en œuvre de la résiliation infra-annuelle, par exemple un an ou deux ans après son entrée en vigueur. Le Gouvernement avait confié dès l’origine au Comité consultatif du secteur financier la tâche de suivre la mise en œuvre des réformes engagées depuis 2010. Je salue l’excellent travail de cette instance et les avancées qu’il a permises.

La proposition de loi comporte un deuxième pilier majeur ; vous y avez fait référence, monsieur le rapporteur. Il s’agit de permettre aux personnes en situation de risque aggravé de santé du fait d’une maladie ou d’un handicap d’avoir accès à l’assurance emprunteur, donc à la propriété. Le crédit immobilier doit être accessible à tous, notamment aux plus fragiles.

À ce titre, je remercie les parties prenantes de la convention Aeras, signée par les pouvoirs publics, les fédérations professionnelles de la banque, de l’assurance, de la mutualité, les associations de malades et de consommateurs. Celle-ci a pour objet d’élargir l’accès à l’assurance et à l’emprunt des personnes ayant ou ayant eu un problème de santé. Leurs travaux ont permis de grandes avancées. Les derniers dispositifs spécifiques mis en place depuis 2015, comme le droit à l’oubli et la grille de référence Aeras offrent des possibilités plus larges d’accès à l’assurance des prêts. Cette grille évolue régulièrement, prévoyant la prise en charge par les assureurs et les réassureurs de nouvelles pathologies en fonction des progrès de la médecine et des données de santé disponibles.

Ce cadre conventionnel est essentiel pour favoriser l’accès à l’assurance des plus fragiles, afin que les candidats à l’emprunt ayant été atteints d’un cancer ou d’une autre pathologie ne subissent pas une double peine, avec des refus, des exclusions de garantie ou des surprimes importantes pour raisons de santé. Il repose non pas sur l’occultation des situations personnelles, mais sur l’encadrement des pratiques à l’égard des plus fragiles. C’est pour nous le seul moyen efficace de garantir que les assureurs puissent continuer d’assurer les plus fragiles dans des conditions raisonnables.

À l’inverse, modifier un paramètre de ce cadre de manière excessive ou injustifiée au regard des données médicales en remettant en cause les conditions de mutualisation ou d’aléas ne permettrait pas de couvrir davantage les plus fragiles et se traduirait par un renchérissement massif des tarifs et une suppression de la concurrence, puisqu’aucun assureur de substitution n’aurait de connaissance de ses assurés.

Nous avons opté depuis trente ans, toutes majorités confondues, pour un modèle reposant sur la protection des plus vulnérables, en encadrant les pratiques et en intégrant tous les acteurs, qu’il s’agisse des banques, des assureurs ou des associations, à une convention de place.

La collégialité des décisions relatives à l’évolution de la grille de référence Aeras et au dispositif du droit à l’oubli est indispensable. Pour nous, c’est même une condition pour préserver l’accès le plus large possible au crédit des malades et des anciens malades. Ce modèle est copié en Europe, car il permet non pas d’ignorer de telles situations personnelles, mais bien d’encadrer les pratiques.

Nous proposons de renforcer ce régime fondé sur l’association de toutes les parties prenantes en traduisant l’engagement pris par le Président de la République et partagé par nombre de parlementaires sur toutes les travées de l’Assemblée nationale et du Sénat : réduire la durée de droit à l’oubli des anciens malades d’un cancer ou de l’hépatite C à cinq ans au lieu de dix ans et augmenter le montant du plafond jusqu’auquel les modalités d’assurance des personnes malades sont encadrées pour mieux les protéger. Nous le ferons via une méthodologie que vous avez rappelée, monsieur le rapporteur. Elle est facile, souple, et permet des adaptations, toujours dans le respect du consensus et de l’accord de place que j’ai évoqué voilà un instant.

Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient la présente proposition de loi, qui renforce la justice et le pouvoir d’achat et qui répond à la préoccupation d’un grand nombre de nos concitoyens fragilisés ou ayant été fragilisés par la maladie. Les droits nouveaux qu’elle crée nous paraissent tout à fait essentiels.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire.

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