Intervention de François Jacq

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 février 2022 à 11h20
Audition de M. François Jacq candidat proposé par le président de la république aux fonctions d'administrateur général du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives cea

François Jacq, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions d'administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives :

Monsieur Tissot, le CEA est un établissement public industriel et commercial (EPIC), dont les mécanismes sont régis par le code du travail.

Les salaires des employés du CEA sont exprimés en points. Deux méthodes sont possibles pour accroître les salaires : augmenter la valeur du point ou distribuer des points. Je tiens à souligner que les salaires ne sont pas gelés au CEA depuis treize ans : en moyenne, ceux-ci ont progressé, chaque année, entre 2 % et 2,5 %.

Le CEA ne dispose pas d'une liberté complète de manoeuvre en la matière : comme tous les établissements publics, notre organisme est soumis par l'État à un cadrage fixant la marge de progression annuelle autorisée. Bien sûr, nous nous battons pour obtenir la progression la plus élevée possible, mais c'est l'État qui décide de l'harmonisation en dernier ressort. En 2021, notre progression s'est élevée à 2 %, contre 1,2 % environ pour les autres établissements.

Initialement, il n'y avait pas de mesure salariale concernant les EPIC dans la loi de programmation de la recherche. J'ai défendu le contraire. Je remercie le ministère de la recherche d'avoir accepté d'aller dans ce sens.

Nous avons revalorisé les jeunes et les bas salaires, c'est-à-dire nos doctorants et un millier d'embauchés récents. Nous avons aussi revu la grille d'embauche à la hausse. Nous nous sommes battus pour obtenir des moyens auprès de l'État, dans l'intérêt des salariés.

En raison de l'inflation actuelle, ce que les cadrages précédents autorisaient n'est plus possible. Je plaide auprès de l'État pour un geste significatif en 2022 à destination de tout le personnel, afin de reconnaître sa compétence et son investissement. Ces pourparlers sont en cours.

Nous passons un temps considérable en dialogue social et en information du personnel. La transparence de notre communication sur la situation financière est en progrès sensible.

Nous sommes présents sur l'hydrogène - j'y reviendrai. Sur le photovoltaïque, nous battons des records mondiaux de rendement des cellules à hétérojonction. Nous avons noué un partenariat avec l'Italien Enel pour l'industrialiser ; nous aimerions aussi développer des partenariats en France. Nous travaillons aussi sur les batteries et sur les réseaux intelligents, les smart grids, c'est-à-dire la gestion des consommations des uns et des autres pour parvenir à l'équilibre du réseau électrique.

La sûreté est un sujet compliqué, difficile et crucial, par lequel nous commençons toutes nos réunions de direction. Un univers de confiance est à bâtir, dans lequel les gens n'ont pas peur de dire ce qui s'est passé. On a connu des loupés récents : l'objectif n'est pas la sanction, car nous sommes collectivement responsables. On doit avoir une culture, non des livres, mais du concret, de la pratique. Nous avons travaillé sur les parcours de carrière des professionnels de la sûreté, parfois perçus comme des empêcheurs de faire, alors qu'ils sont des protecteurs, ainsi que sur le partage des bonnes pratiques. On a progressé sur la gestion de crise et la déclaration des incidents.

Epure, à Valduc, est un outil de radiographie d'opérations que je ne commenterai pas ici. Deux axes sont construits par la France ; le troisième, par le Royaume-Uni. Epure est régi par traité et la collaboration franco-britannique demeure, dans le but de partager les trois axes.

Je ne connais pas le détail de l'information et de la protection des populations. Une difficulté est peut-être liée à la manière dont la sécurité est assurée sur les centres de la direction des applications militaires, où vous êtes délesté de votre portable quand vous entrez. Je verrai avec le directeur des applications militaires comment améliorer l'information des populations.

Le centre de Valduc est un bijou.

Le PEPR hydrogène a plusieurs éléments : certains sont à vocation industrielle rapide, par exemple les cellules de céramique ; d'autres sont d'un degré d'avancement moindre, et ont pour but d'explorer des technologies alternatives ; il y a aussi toute une série d'opérations sur les matériaux et la modélisation. Je ne pense pas que l'on ait perdu la bataille de l'hydrogène. Il y a beaucoup de monde sur la ligne de départ, mais nous y sommes aussi. Nous n'avons pas à rougir de nos électrolyseurs. Nous n'aurions pas attiré Schlumberger et Vinci si nous n'étions pas bons.

Le but est de remplacer l'hydrogène produit par les combustibles fossiles par de l'hydrogène vert. L'une des cibles, ce sont les mobilités lourdes : train, camion et bateau. La décarbonation du transport maritime sera compliquée, mais certains chantiers navals sont intéressés par l'hydrogène, ne serait-ce que pour la consommation à quai.

Le stockage de l'hydrogène est un enjeu de flexibilité. Si vous produisez de l'hydrogène lorsque le courant est bon marché et que vous le stockez, vous pouvez l'utiliser au moment opportun. L'un des intérêts de la technologie que nous proposons est qu'elle est réversible : elle produit de l'hydrogène et peut ensuite l'utiliser pour restituer de l'énergie.

Sur le « décloisonnement de la recherche », nous ne sommes pas toujours responsables des titres choisis par les journalistes. Ce que je voulais dire, c'est qu'il faut travailler en transversal. Par exemple, il y aura des pistes dans la combinaison entre santé et numérique. En interne et en externe, le décloisonnement, c'est se dire que le CEA n'est pas le CNRS, mais que les deux savent travailler ensemble. Pour ma part, j'aurais utilisé le mot « transversalité » plutôt que « décloisonnement », mais c'est peut-être tout aussi technocratique.

J'en viens au nucléaire. Les situations chinoise et russe sont différentes. Les Russes ont un historique bien plus long et complet que les Chinois, qui sont en phase d'extension. Le retraitement n'est pas pleinement maîtrisé par les Chinois, alors qu'il l'est par les Russes, depuis longtemps. En revanche, les Chinois essaient tout : c'est leur gigantisme. Ils nous recherchent comme partenaires en raison de nos compétences industrielles ou de recherche. Mon homologue russe ne cesse de me pousser à des coopérations. Les partenariats avec la Chine se sont plutôt construits avec les industriels, tels qu'EDF ou Orano. Nous devons être vigilants, mais je ne crois pas que nous ne soyons plus au niveau. Certes, la force de frappe chinoise est gigantesque.

Je prends acte de la suppression du doublement du crédit d'impôt recherche. Cela nous pose problème, car nos partenaires industriels en bénéficiaient. Ils pourraient aller dans d'autres États aux conditions plus attractives. Nous saluons le crédit d'impôt collaborations de recherche (CICo), même si personne ne sait exactement comment cela se passera en 2022. Pour nous, il règle la moitié du problème, ce qui laisse une ardoise potentielle d'une vingtaine de millions d'euros. Nous souhaitons que les décrets d'application soient publiés le plus rapidement possible.

La transmutation, telle que prévue dans la loi de 1991, consiste à extraire certains éléments radioactifs et à espérer les détruire ou les transformer dans un réacteur dédié. Astrid, c'est autre chose : c'est un cycle complet du combustible nucléaire. Ce qui est principalement recherché, c'est le traitement du plutonium. Il ne faut pas rêver : la solution sans déchet radioactif n'existe pas. Une réaction de fission crée des produits de fission, qui ne sont pas transmutables. L'industrie chimique produit des déchets d'une durée de vie infinie. La radioactivité a au moins le bon goût de décroître !

Avant d'aller à la transmutation, il faut régler le problème du plutonium : le multirecyclage d'abord. Il faudra bien apprécier l'apport de la transmutation vis-à-vis de la sûreté et proportionner les efforts.

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