Intervention de Julien Denormandie

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 9 février 2022 à 16h30
Audition de M. Julien deNormandie ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Pour répondre aux questions posées par Pascal Martin, Martine Filleul et Philippe Tabarot, la gestion des stocks d'ammonitrate ne relève pas des compétences de mon ministère, puisque l'approche n'est pas agricole, mais relève de problématiques de sécurité. Je ne suis pas signataire de ce décret, et je ne peux pas vous donner les éléments de législation comparée que vous demandez.

En revanche, j'ai regardé le sujet de près. J'entends ce que vous avez dit tant sur les conséquences d'une distinction entre les produits en vrac et ceux qui ne sont pas stockés en vrac, que sur le risque de déport signalé par Pascal Martin. La consultation doit avoir lieu, et ces éléments doivent remonter par ce moyen. Aujourd'hui, aucun décret n'est signé, il y a simplement une consultation qui est organisée.

Monsieur le sénateur Martin, même si cela ne relève pas des compétences de mon ministère, renforcer la formation des agriculteurs et établir un guide de bonne pratique semble être à l'évidence une bonne idée. Mais le sujet des ammonitrates n'est pas nouveau : cela fait une soixantaine d'années que les agriculteurs gèrent et utilisent ces produits. Les forces de sécurité, et notamment les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), gèrent les questions de sécurité dans les territoires, et la concertation lancée a précisément pour but de faire remonter ces éléments.

Concernant notre dépendance vis-à-vis des importations de certaines formes d'engrais azotés, il y a trois usages de ces engrais : sur l'une, notre production est indépendante ; l'autre peut être substituée ; et nous ne sommes dépendants que sur la troisième forme.

Ma position est pragmatique. Les engrais sont la nourriture de la plante, et les débats deviennent parfois irrationnels. Sans engrais, il n'y a plus de production. Il y a une corrélation directe entre la quantité d'engrais et la croissance de la plante, même si à un moment un excès d'engrais ne sert plus à rien pour la plante. Il faut bien nourrir la plante au bon moment, mais nous ne pourrons jamais nous passer d'engrais, naturels, organiques ou chimiques. Une plante de culture se nourrit, il faut le rappeler.

Concernant la dépendance vis-à-vis des d'engrais, ces derniers mois, nous nous sommes entièrement mobilisés face à ce qui a été appelé la « crise de l'engrais », très forte cet été et cet automne. Au-delà du prix, qui reste un sujet fondamental, nous avons réussi à éviter une pénurie d'engrais en France et à régler les questions logistiques liées aux fournitures d'engrais, qui plus est dans la période du covid.

Si la situation a été compliquée en France, elle a été très compliquée dans d'autres pays européens ne disposant pas de nos capacités de production, et qui ont dû parfois fermer des sites de production d'engrais en raison de la hausse du prix du gaz. Nous avons eu une bonne récolte de céréales cette année en France, mais dans certains pays européens les récoltes ont été mauvaises du fait de la sécheresse. Si cela a été très compliqué pour certains pays européens, cela a été incroyablement compliqué pour d'autres pays dans le monde.

J'ai tapé du poing sur la table au niveau du Conseil européen et auprès de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) : on ne pourra pas dire, si nous connaissons une crise alimentaire l'année prochaine, que nous n'avons pas été prévenus. Les engrais sont nécessaires à la production. Il faut que tout le monde s'organise face au risque de la pénurie d'engrais.

En France, au-delà de la gestion de la crise conjoncturelle des engrais, de la question du prix et de l'accessibilité des engrais, nous devons utiliser les financements du plan France 2030 pour investir fortement dans nos capacités de production d'engrais permettant de moindres émissions de protoxyde d'azote.

S'il suffisait d'une taxe pour changer l'utilisation des engrais, cela se saurait. La flambée des prix des engrais est d'ailleurs probablement un très bon marqueur de leur importance. Dans les prochains mois, nous chercherons à évaluer les conséquences d'éventuelles taxes. Si une telle taxe avait été instaurée au moment où la loi « Climat et résilience » a été votée, elle aurait en réalité été cinq fois plus lourde pour les agriculteurs !

Je ne crois pas que les taxes fassent changer les pratiques. La loi a d'ailleurs non pas instauré une taxe, mais indiqué le chemin pour savoir s'il était pertinent d'établir une nouvelle taxe, et si le Parlement devait se positionner sur ce sujet.

Je pense que c'est par les pratiques culturales que l'on fait avancer les choses : pour gagner en autonomie, je crois beaucoup à la question des protéines, à celle des rotations de cultures, à l'utilisation d'engrais organiques. Je crois beaucoup plus à cet accompagnement qu'à l'idée qu'il suffirait de mettre en place une taxe sur les engrais azotés pour réduire leur utilisation.

Tout ce que l'on fait concernant les protéines, dans le cadre de la PAC et du plan Protéines, est fabuleux. Il faut qu'on produise davantage de protéines et qu'on plante davantage de haies dans notre pays, ce sont mes deux grandes marottes. Cela serait beaucoup plus efficace que de créer de nouvelles taxes.

Monsieur Gold, il faut avoir de la détermination concernant la création de stockages d'eau. Sur la gouvernance des PTGE, il faut faire en sorte que la concertation ne dure pas quinze ans. Par une circulaire de 2019, le Premier ministre a annoncé un renforcement du poids du préfet, qui peut limiter dans le temps la concertation.

Enfin, concernant le financement local des PTGE, je suis convaincu que l'État peut aider. Le plan de relance y a tout d'abord consacré 30 millions d'euros, et nous venons d'annoncer une deuxième aide de 13 millions d'euros - d'autres aides seront annoncées dans le cadre du plan France 2030. Mais en définitive, un projet territorial est toujours porté par les acteurs du territoire, et non par l'État, qui doit avoir une vision, planifier, faciliter, financer, permettre d'accélérer les réalisations. Mais ce sont les acteurs du territoire, à l'échelle tant des régions que des échelons plus locaux, qui doivent se réunir, discuter, et se mettre d'accord pour initier le projet.

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