Je suis étonné de la réponse très directe que vous avez faite à Mme Robert, en disant que vous n'êtes pas un média. Au-delà du débat entre les statuts d'hébergeur et d'éditeur, vous êtes à proprement parler un créateur d'information. Du point de vue des relations entre concentration des médias et démocratie, c'est extrêmement important.
Toute l'information que vous créez partage une grande caractéristique, qui peut d'ailleurs poser problème à tous les médias : il s'agit d'une information peu vérifiée. Je ne parle pas seulement des fake news, c'est-à-dire des contenus directement élaborés pour être des fausses informations. Beaucoup d'informations circulent sur les réseaux sociaux sans être vérifiées. Compte tenu de votre puissance, elles s'imposent dans le débat public, ce qui oblige d'ailleurs la presse qui fait son métier à vérifier le degré de vérité de la rumeur qui a enflé sur les réseaux sociaux.
En étant provocateur, je dirais que, de ce point de vue, vous êtes presque un perturbateur d'information... La question de la transparence des algorithmes sur le contrôle des contenus est une question démocratique fondamentale.
Je reviens sur le montant des accords que vous avez négociés avec la presse, dont vous persistez à dire qu'il est normal qu'il soit secret. Cela pose aux législateurs que nous sommes un problème majeur de transparence : si nous cherchons à élaborer une loi, c'est parce qu'il y a un problème concernant la mutualisation de la valeur. Si ces chiffres sont inconnus, comment évaluer la portée du dispositif législatif visant justement à un partage de la valeur ?
Vous avez dit qu'une partie de ces accords avaient directement été passés par vous et certains éditeurs, et qu'une autre partie avait été passée avec des familles de presse. Pourriez-vous au moins nous dire quelle est la répartition de ces accords ? Sont-ce majoritairement des accords entre quelques gros éditeurs et vous, ou des accords mutualisés ? Du point de vue de la démocratie et de la concentration des médias, ce n'est pas la même chose : la richesse créée doit être mutualisée entre l'ensemble des acteurs, qui doivent pouvoir se développer de manière pluraliste.