Intervention de Laurent Solly

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 10 février 2022 à 14h00
Audition de M. Laurent Solly directeur général de facebook france

Laurent Solly, directeur général de Facebook France :

Le débat européen illustre bien la complexité de mettre notre entreprise dans un cadre qui préexistait à la révolution digitale - je le dis humblement. Depuis de nombreuses années, à Bruxelles, on cherche à comprendre quelle est la nature de notre entreprise et de tant d'autres firmes, quelles sont les responsabilités, et comment élaborer un cadre de régulation.

Nous avons été la première entreprise à dire qu'une nouvelle régulation devait s'adapter à l'ère digitale, et que les autorités démocratiquement élues et les régulateurs devaient se saisir de ces sujets. Sinon, nos règles, celles d'une entreprise privée, pourraient devenir celles de la société, ce que nous ne voulons pas. Nous avons toujours plaidé pour une régulation efficace et adaptée à l'ère digitale.

Il y a quelques années, des tentatives de régulation ont eu lieu, en France et en Allemagne par exemple, mais elles ne répondaient pas à l'évolution que nous connaissons.

Nous voulons des règles adaptées, qui permettent l'innovation des entreprises. Beaucoup d'entreprises françaises et européennes deviennent et peuvent devenir des acteurs majeurs du numérique à travers le monde.

Concernant la publicité politique, nous avons été la première entreprise à changer les règles, il y a trois ans, et à rendre son élaboration totalement transparente. Sur Facebook, une « bibliothèque publicitaire » est accessible partout dans le monde, que l'on dispose ou non d'un compte Facebook. Elle vous donne accès à la liste de toutes les publicités politiques publiées, pays par pays. Vous pouvez savoir quand la publicité politique a été utilisée, dans quels territoires elle a été diffusée, quels groupes de personnes étaient ciblés, qui l'a financée.

Nous avons beaucoup réfléchi sur ce sujet. Quand vous voulez faire une publicité politique, vous devez demander l'autorisation de le faire. Depuis longtemps, nous avons également interdit les publicités politiques d'un pays à un autre, pour éviter des risques d'interventions extérieures.

Notre entreprise a tenté d'innover en associant transparence et autorisation, et en permettant à chacun de vérifier ce qui se passe.

C'est un bon exemple, car il montre que notre entreprise est responsable sur ces sujets, qu'elle a toujours voulu entretenir un dialogue constructif avec les autorités, notamment en France, où un livre blanc sur la régulation moderne du digital a été publié voilà maintenant quatre ans pour comprendre ces phénomènes. Il faut une régulation, mais elle doit être adaptée à notre temps et tenir compte des importantes évolutions qui ont eu lieu.

Vous demandez si nous ne risquons pas de mettre les entreprises de presse dans notre dépendance. Je vous dis humblement que nous pensons faire le contraire.

Les entreprises de média ont un avenir extrêmement fort à l'ère digitale. Contrairement à ce que les médias traditionnels ont souvent cru, et à ce que vous pouvez entendre, elles ont une opportunité de développement, car le contenu vidéo et informationnel n'a jamais été autant consommé.

Or elles ont une marque et des clients. Le travail que nous menons depuis près de six ans avec Le Monde - vous pourrez interroger Louis Dreyfus, le président de son directoire, si vous ne l'avez pas déjà fait - consiste à faire comprendre la consommation digitale et l'évolution des modèles économiques. Le Monde, c'est une réussite exceptionnelle pour notre pays, grâce aux abonnements numériques. Nous faisons le même travail avec Le Figaro, Les Échos, Le Parisien, afin qu'ils adaptent eux-mêmes leur modèle économique à la réalité de la consommation digitale.

Ces évolutions n'étaient pas faciles à comprendre. Il y a plus de quinze ans, certains de ces acteurs ont diffusé tout leur contenu gratuitement sur internet, en pensant que la publicité financerait tout - il ne s'agit pas de les blâmer.

Les partenariats avec les grandes plateformes permettent aux grands éditeurs et aux grands groupes de presse français, européens, américains, de retrouver les voies et les moyens de leur vie économique, donc de leur indépendance - Le Monde a publié de très bons résultats en 2021, quand le New York Times a 10 millions d'abonnés payants, ce qui lui donne une indépendance et une liberté totale.

Je crois donc, depuis très longtemps, que le partenariat installé entre les médias traditionnels et les plateformes est constructif.

Si le groupe M6 a signé un partenariat avec nous - vous connaissez son président... -, c'est bien que cela répondait à un de ses intérêts économiques. Nous avons un intérêt commun à construire ensemble de la valeur et à élaborer un nouveau modèle.

Les médias digitaux naissent. De nouveaux sites d'information se développent, comme Brut ou Konbini. Notre rôle est de les aider, et cela participe au pluralisme, il me semble.

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