Intervention de Yohann Bénard

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 11 février 2022 à 10h05
Audition de Mm. Yohann Bénard directeur des affaires publiques d'amazon france thomas spiller vice-président chargé des affaires gouvernementales de the walt disney company emea philippe coen directeur des affaires juridiques de the walt disney company france & cee et Mme Marie-Laure daRidan directrice des relations institutionnelles de netflix france

Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France :

Je vous remercie de me donner aujourd'hui l'opportunité de présenter la contribution d'Amazon au développement et à la diversité de l'audiovisuel français. Amazon est présent en France depuis l'an 2000 et, depuis vingt ans, nous sommes au service des Français et nous contribuons au développement de l'économie française. Nous avons ainsi investi plus de 11 milliards d'euros dans les territoires et embauché 15 500 personnes en contrat à durée indéterminée (CDI), auxquels s'ajouteront 3 000 CDI supplémentaires en 2022.

L'offre culturelle et la passion pour l'innovation sont au coeur de l'ADN d'Amazon depuis l'origine. Nous avons commencé avec les livres, puis les CD, les DVD et nous sommes fiers du rôle pionnier que nous avons joué dans la numérisation de l'offre culturelle avec un premier service de vidéo à la demande en 2006 et le lancement des liseuses Kindle et d'Amazon Music l'année suivante. Nous n'en sommes qu'à nos débuts dans le secteur du divertissement audiovisuel en France, puisque le lancement de Prime Video date d'il y a cinq ans. Prime Video est un service encore jeune, qui a lancé ses premières productions originales françaises en 2020. C'est avec enthousiasme que nous nous engageons dans cette nouvelle activité pour proposer à nos clients français une offre audiovisuelle nouvelle qui combine les contenus de Prime Video et d'autres éditeurs. Nous sommes encouragés par le fait que Prime Video figure parmi les services de médias audiovisuels les plus populaires en France, d'après le baromètre trimestriel du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

En tant que nouvel entrant dans ce secteur très dynamique, nous sommes guidés par les attentes du public ; notre objectif est de proposer un catalogue de qualité qui corresponde au goût de nos abonnés français. Ces derniers apprécient à la fois les contenus français et internationaux, et c'est pourquoi, avant même l'instauration de toute obligation de financement, nous avions d'ores et déjà investi plusieurs dizaines de millions d'euros dans des créations françaises en acquisition et en coproduction. C'est aussi pourquoi nous nous sommes fixés l'objectif d'une douzaine de nouveaux films, séries et émissions français Amazon originaux par an. Pour limiter mon propos à l'actualité immédiate, je mentionnerai que notre docu-série sur le rappeur Orelsan a été primé la semaine dernière par le magazine Le Film français et est nommé pour la meilleure création audiovisuelle aux Victoires de la musique, dont la cérémonie a lieu ce soir. Notre série d'espionnage Totem avec Ana Girardot et Lambert Wilson sort la semaine prochaine. Nous produisons aussi la série Salade grecque de Cédric Klapisch, qui fait suite à L'Auberge espagnole, ainsi que les prochains films de Lisa Azuelos et d'Olivier Marchal, pour ne prendre que quelques exemples.

La conséquence de cet engagement, c'est que notre catalogue comporte aujourd'hui plus d'oeuvres européennes que ce que prévoit la directive audiovisuelle, et nous en sommes très heureux.

C'est dans ce même esprit que nous avons acquis les droits de diffusion de Roland Garros, ainsi que de la Ligue 1 et de la Ligue 2 de football. Nous sommes également une vitrine pour des chaînes françaises de niche comme Mezzo, Toute l'Histoire ou encore Madelen, la chaîne de l'Institut national de l'audiovisuel (INA).

Nous avons enfin conclu une convention avec l'Arcom en décembre, selon laquelle nos investissements dans la production française seront supérieurs à ce que prévoient nos obligations réglementaires. Prime Video ne contribue pas seulement à la vitalité de la création française, mais aussi à son rayonnement dans le monde. Nous avons ainsi assuré la distribution dans les cinémas américains des Misérables de Ladj Ly, qui a été nominé aux Oscars en 2020, et d'Annette de Leos Carax, prix de la mise en scène à Cannes l'an dernier.

J'en viens maintenant à l'objet de votre commission d'enquête - la concentration des médias en France. Amazon n'est pas présent dans les médias d'information ; mais, pour ce qui concerne le divertissement, segment dans lequel opère Prime Video, nous constatons que la tendance n'est pas à la concentration, bien au contraire. Ce que nous observons depuis près d'une décennie, c'est, à l'inverse, une intensification de la concurrence et une plus grande complémentarité entre les diffuseurs, ce qui se traduit par davantage de diversité et par une meilleure qualité d'offre et de service au bénéfice du public français. Davantage de concurrence d'abord : la liste des auditions conduites par votre commission témoigne de ce que le paysage concurrentiel s'est considérablement étoffé depuis dix ans. De nouveaux services sont apparus et se sont ajoutés aux offres existantes sans les remplacer : ainsi l'audience de la télévision linéaire traditionnelle est stable depuis dix ans, et elle est même supérieure à ce qu'elle était il y a trente ans. Ce qui se passe aujourd'hui est donc comparable à ce qui s'est produit dans le passé, quand la télévision s'est ajoutée au cinéma sans s'y substituer, ou quand les théâtres ont vu naître le cinéma. Ces révolutions technologiques successives ont été source d'émulation, elles ont poussé les acteurs traditionnels à innover, et c'est bien ce à quoi nous assistons aujourd'hui : les chaînes de télévision développent des offres nouvelles numériques, gratuites ou par abonnement, dont certaines rencontrent un franc succès.

Nous observons aussi davantage de complémentarité, parce que les nouveaux entrants développent une offre nouvelle complémentaire de l'offre existante. Selon l'Arcom, la fiction - films et séries - représente plus de 90 % de la consommation de vidéo à la demande par abonnement, contre environ 20 % des programmes des chaînes de télévision gratuite, dont les grilles comprennent aussi de l'information, des magazines, des programmes de divertissement en direct... La vidéo à la demande par abonnement et la télévision sont donc fortement complémentaires en termes de programmation. De même, on observe une complémentarité croissante dans les usages : les Français vont au cinéma, regardent la télévision, naviguent sur Internet et s'abonnent à des services de vidéo à la demande avec aisance, et ces usages sont complémentaires ; ce n'est pas : soit l'un soit l'autre ; c'est tout à la fois, et les disparités générationnelles tendent même à s'estomper.

Enfin, ces différentes évolutions se traduisent par une plus grande diversité de choix. En effet, la concurrence qui anime le secteur donne lieu à un accroissement des financements disponibles et à une diversification des oeuvres produites en France et en Europe. C'est une bonne nouvelle pour l'industrie, bien sûr, mais c'est surtout une bonne nouvelle pour le public français. Nous sommes nombreux, dans cette pièce, à avoir connu une époque très différente, où le choix disponible était limité, quand certains soirs étaient réservés aux programmes de flux et d'autres à la fiction, et quand seuls les films grand public étaient diffusés aux heures de grande écoute. Cette époque est révolue, et je ne crois pas que les Français la regrettent, comme le montre le succès de la vidéo à la demande, plébiscitée chaque jour par près de 9 millions d'entre eux, selon Médiamétrie.

Prime Video participe de ce progrès : nous accroissons la concurrence en tant que nouvel entrant, nous innovons avec une offre variée faite de contenus originaux et d'acquisitions, qui vient compléter et enrichir l'éventail des chaînes et services disponibles en France ; enfin, nous contribuons à plus de diversité en proposant un catalogue très varié en matière de genre et d'origine des oeuvres. En définitive, les Français souhaitent aujourd'hui pouvoir accéder à des contenus créatifs, diversifiés et de qualité, sur tous types d'écrans sans être contraints par la technologie ou par la réglementation. Pour répondre à ces attentes, l'industrie audiovisuelle, qu'il s'agisse d'acteurs établis ou de nouveaux entrants, doit pouvoir innover, investir et prendre des risques. Pour ce faire, la réglementation devra continuer à évoluer et dans cette perspective, l'intérêt du public nous paraît être la meilleure des boussoles. C'est celle que nous suivons, et nous espérons qu'elle guidera également vos travaux.

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