Commission d'enquête Concentration dans les médias

Réunion du 11 février 2022 à 10h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Nous reprenons les travaux de notre commission d'enquête avec l'audition de Sébastien Missoffe, directeur général de Google France. Je rappelle que cette commission d'enquête a été constituée à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et a pour rapporteur David Assouline.

Monsieur Missoffe, vous étiez déjà venu devant la commission de la culture le 28 juin dernier pour évoquer notamment la question des droits voisins, sur laquelle nous allons revenir. La société que vous représentez, de par son poids économique et son importance dans la vie quotidienne d'une immense majorité de nos concitoyens, ne pouvait pas être ignorée dans le cadre de la commission d'enquête sur la concentration des médias. Google représente une capitalisation boursière de 2 800 milliards de dollars et a annoncé la semaine dernière un bénéfice de 76 milliards de dollars - l'équivalent du chiffre d'affaires de sociétés comme le groupe Moët Hennessy Louis Vuitton (LVMH). Cette puissance, qui par bien des aspects vous rapproche d'un État, ne pouvait bien entendu pas aller sans son lot de controverses.

En effet, que vous en récusiez ou pas le terme, vous êtes bien aujourd'hui pour beaucoup un média à part entière, par votre capacité à fournir à chacun, via le moteur de recherche, des informations personnalisées, et également par la proportion plus que significative des ressources publicitaires que vous percevez, pour beaucoup, au détriment de la presse écrite notamment.

Vous le voyez, nos interrogations sont nombreuses, et nous sommes donc impatients d'ouvrir ce temps d'échange avec vous.

Cette audition est diffusée en direct sur le site Internet du Sénat. Elle fera également l'objet d'un compte rendu publié.

Enfin, je rappelle, pour la forme, qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous précise également qu'il vous appartient, le cas échéant, d'indiquer vos éventuels liens d'intérêts ou conflits d'intérêts en relation avec l'objet de la commission d'enquête.

Je vous invite, monsieur Missoffe, à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dites : « Je le jure. »

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Sébastien Missoffe prête serment.

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Je suis avec attention les travaux de votre commission depuis plusieurs semaines et mesure pleinement l'importance de ces enjeux. Google compte aujourd'hui en France plus de 1 400 collaborateurs, qui travaillent à Paris, à Grenoble, mais aussi dans nos ateliers numériques de Rennes, Nancy, Saint-Étienne, Montpellier ou Bordeaux. Nous sommes convaincus que la réussite de la France dans le numérique passe autant par la technologie que par son appropriation par les individus. Cet engagement prend tout son sens dans les régions. Depuis que j'ai rejoint Google il y a seize ans, j'ai vu combien les usages liés à internet ont bousculé tous les secteurs, en particulier celui des médias.

J'évoquerai tout d'abord le rôle de Google dans l'accès à l'information.

Les Français s'informent de plus en plus via des solutions numériques : comme le suggérait en avril 2021 l'Observatoire de la presse et des médias, 72 % des lectures de presse sont effectuées en ligne. Les réseaux sociaux se sont imposés au côté des médias.

Sur un moteur de recherche, l'accès à l'information est un peu différent, car l'action de l'internaute est nécessaire. On ne cherche pas l'information, on cherche où la trouver. Par exemple, à la question proposée sur Google : « Comment s'inscrire sur les listes électorales ? », le premier lien est le site du service public. Nous ne donnons pas la réponse, nous indiquons où la trouver. Pour une requête sur l'actualité, l'utilisateur reçoit une offre multiple de points de vue à travers plusieurs sources. Pour une recherche sur le nom d'un candidat à l'élection présidentielle, défilent dans un carrousel des titres issus de plusieurs publications. Les principes sont très simples : offrir du choix pour les utilisateurs et du contrôle pour les éditeurs, qui peuvent indexer ou non les contenus.

Dans ce contexte, Google continue à jouer un rôle clé : être un acteur engagé sur le pluralisme, en offrant ce choix de liens divers. Cet accès à l'information plurielle a permis l'émergence de nouveaux médias indépendants et de nouveaux formats destinés à des audiences souvent plus jeunes qui s'informent autrement, notamment sur YouTube.

J'évoquerai ensuite l'engagement de Google avec les médias.

Notre première contribution aux médias, c'est le trafic que nous apportons. Quand un utilisateur pose une question à Google sur un sujet d'actualité, la réponse est apportée sous la forme d'un extrait avec un lien vers le site du média. À l'échelle européenne, c'est 8 milliards de clics par mois. Nous aidons aussi les médias à comprendre ces audiences et à les monétiser. Les éditeurs de presse peuvent en effet choisir nos solutions pour afficher des publicités sur leur site. Nous leur reversons ensuite plus des deux tiers des revenus, soit 4 millions d'euros de revenus pour chacun de nos partenaires les plus importants.

Nous travaillons aussi sur d'autres pistes susceptibles de favoriser l'indépendance économique des médias. Je pense en particulier aux abonnements. En 2021, nous avons lancé une nouvelle fonctionnalité « S'abonner avec Google », pour permettre aux titres de presse de réduire les frictions via l'abonnement en ligne. Nous avons déjà accompagné 7 titres, et les premiers résultats sont très encourageants, avec plus de 112 000 abonnements.

Le deuxième pilier est l'innovation. Nous aidons les médias dans la transition numérique de leur production journalistique à hauteur de 85 millions d'euros depuis 2013 au travers de différents fonds de soutien à la presse.

Le troisième pilier est la rémunération des droits voisins. Nous avançons dans le cadre de la transposition française de la directive européenne. À cet égard, nous avons signé un accord avec l'Agence France-Presse (AFP) en novembre dernier. De plus, nous poursuivons les avancées significatives avec l'Alliance de la presse d'information générale (APIG), notamment sur la contractualisation de nos accords. Nous échangeons également régulièrement avec le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) dans le but de trouver un accord rapidement.

Je terminerai par notre place dans l'écosystème publicitaire.

La publicité sur les formats numériques est très dynamique depuis plusieurs années, cela a été dit à de nombreuses reprises. Une partie de cette croissance a été tirée par l'arrivée de centaines de milliers d'annonceurs, de toutes tailles. Pour quelques euros par semaine, un restaurant de province peut acheter un mot clé sur Google et afficher un lien de publicité de son établissement ciblé en direction de certains consommateurs. Ce sont toujours les annonceurs qui arbitrent les usages en fonction de leurs objectifs de campagne et du retour sur investissement, quel que soit le support. Cette convergence des usages aboutit à une convergence des investissements publicitaires. En France, 15 millions de Français regardent chaque mois YouTube sur leur télévision. Cette différenciation entre format numérique et linéaire correspond de moins en moins à la réalité des usages hybrides.

En conclusion, je tiens à vous redire combien nous mesurons l'importance de ces débats. Nous sommes engagés avec tous les acteurs concernés pour créer les conditions d'une information diverse et de médias indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cette audition est pour nous importante, je l'ai dit hier au représentant de Facebook. Le nom de votre société a été cité à de nombreuses reprises lors de nos auditions, notamment par de très grands propriétaires de médias français. Ceux-ci justifient leur stratégie par la concurrence impitoyable des géants américains dont vous faites partie.

Pourriez-vous préciser votre statut ? Vous êtes un hébergeur, ce qui vous impose des obligations - financières, fiscales, réglementaires - différentes de celles d'un éditeur. Or vous n'admettez pas que vous êtes un média qui produit de l'information, même s'il ne la « crée » pas à proprement parler. Par les algorithmes, vous effectuez une action de sélection, qui est le travail premier d'un comité de rédaction journalistique. Comment pouvez-vous continuer à opposer un statut de « moteur de recherche » qui est pour le moins réducteur ? Entre celui-ci et l'éditeur, une voie intermédiaire pourrait être imaginée.

Pour les droits voisins, j'ai constaté une évolution de votre part. Au lendemain de la promulgation de la loi en France, le président de Google News restait arcbouté sur ses positions. Il ne s'estimait pas redevable de la captation publicitaire envers les producteurs de l'information, considérant qu'il s'agissait d'un service rendu. Selon lui, Google pouvait néanmoins, en bon mécène, apporter une contribution volontaire à la presse. Vous avez finalement reconnu le principe du droit voisin dans un communiqué. Ne le niez-vous pas aujourd'hui ? Où en sommes-nous des négociations que vous avez engagées après les condamnations de l'Autorité de la concurrence ? Dans quels délais la finalisation pourrait-elle intervenir ? Les sommes sont-elles discutées, et pour quels volumes ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Les questions posées sur Google sont extrêmement diverses. Le moteur de recherche continue à jouer un rôle extraordinaire, en identifiant parmi des centaines de milliards de pages partout dans le monde celles qui répondent à la question. Cela reste un grand défi technologique qui est au coeur du lien de confiance avec les utilisateurs. Lorsqu'il s'agit d'une information concernant l'actualité, le traitement ne sera pas le même que pour la définition d'un mot, par essence peu variable dans le temps. Chez Google, ce sont des ingénieurs et non des journalistes qui indexent les pages afin de trouver l'information adéquate. Je précise que nous donnons non pas une réponse, mais des éléments de réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous donnez au moins de l'information sur l'information.

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Nous sommes un moteur de recherche qui indexe des sites et indique où trouver la réponse à une question donnée.

Sur les droits voisins, j'évoquerai d'abord les montants, le sujet le plus important. Il s'agit d'un droit et non d'une subvention. Nous travaillons depuis plusieurs années avec la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), ou encore la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP), sur des oeuvres protégées. Nous avons eu des discussions voilà quelques années sur les enjeux des grandes transformations dans le monde de la musique. Des accords ont été finalisés : 4 milliards de dollars ont été partagés l'an dernier aux ayants droit.

Nous reconnaissons les droits voisins, je le confirme devant vous. Mais il a fallu trouver en premier lieu l'assiette. À ce propos, vous visez notre lenteur. Nous avons des défauts, mais nous sommes très exigeants sur le respect des principes partout dans le monde. L'assiette a donc été calculée sur les revenus générés sur des pages de Google sur lesquelles apparaissaient des sites d'éditeurs de presse via un lien. Les revenus sont partagés avec les éditeurs de presse. Il existe d'autres solutions comme Google Actualités. Les revenus y étant inexistants, nous avons réfléchi à un forfait. Nous avons ensuite travaillé avec les associations et les éditeurs pour que les règles communes soient les plus transparentes et non discriminantes possible.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

S'agissant des enjeux de la concentration en France, le projet de fusion de TF1 et de M6 réveille un débat qui concerne l'ensemble des acteurs des médias, à savoir le marché pertinent de la publicité. Il existe deux marchés considérés comme tels : l'audiovisuel et le numérique. Google est en situation de quasi-monopole, puisqu'il détient avec Facebook / Meta 75 % de parts de marché. Pour que la fusion TF1/M6 ne produise pas un abus de position dominante, l'idée a été émise de fusionner les deux marchés. Cette solution vous laisserait un peu plus de 50 % du marché. Quelle est votre analyse à ce sujet ? Je ne vous demande pas d'émettre une position sur une quelconque fusion ou de remplacer l'Autorité de la concurrence.

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Je n'ai aucune légitimité pour avoir une position arrêtée sur ce sujet. Néanmoins, je peux apporter mon témoignage. J'ai travaillé dix ans au sein d'équipes marketing d'un groupe de cosmétique français, et j'ai rejoint Google il y a seize ans. J'ai parlé avec des milliers d'annonceurs. Ils veulent toucher les audiences, qui passent de plus en plus de temps sur les formats numériques. Ils sont très attentifs au retour sur investissement pour identifier les médias les plus utiles pour eux. Dans la presse, on trouve de la publicité traditionnelle, mais aussi le display. Ces formats évoluent vers une plus grande convergence. Ce phénomène va s'accélérer sur le marché de la télévision, avec la publicité ciblée et les télévisions connectées.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous trouvez donc logique que cette fusion des deux marchés s'opère.

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Je constate que les annonceurs regardent aujourd'hui les formats sans les séparer. Sur un certain nombre de nos formats, par exemple sur YouTube, nous sommes en concurrence avec la télévision.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Je voudrais revenir sur l'information. Même si vous n'êtes pas éditeur, vous avez un rôle de présentation par la hiérarchisation des algorithmes. Comment fonctionnent-ils et quels sont les critères pour arriver en tête ? Des notions de pluralisme de l'information sont-elles prises en compte par ces algorithmes ? Les prestations fournies en vertu d'accord avec des éditeurs peuvent-elles avoir des conséquences sur la présentation de leurs articles ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

La présentation de l'information repose sur des équipes d'ingénieurs dédiées avec lesquelles nous n'avons aucun lien, afin que nos interactions diverses n'aient aucune influence sur le résultat présenté. C'est le coeur de la confiance que placent les consommateurs dans ces moteurs de recherche. De la même façon, la publicité a toujours été identifiée comme telle de façon très claire. Il y va de la qualité de l'expérience des utilisateurs de Google, qui se reconnaissent dans les résultats très divers du carrousel qui s'affiche.

Concernant la hiérarchisation, une plus grande transparence est attendue. Nous avons publié à cet égard un rapport sur les méthodes utilisées, algorithmes ou vérifications individuelles, pour chaque secteur d'activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Afin de mieux comprendre la répartition du marché publicitaire entre le numérique et les médias traditionnels, pourriez-vous nous indiquer comment vos revenus se répartissent-ils ? Auriez-vous des chiffres précis en fonction de la taille des annonceurs ou de la cible, nationale ou locale ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

La publicité sur les moteurs de recherche est particulière en ce qu'elle est souvent mondialisée. Un hôtel de Bretagne pourra s'afficher aux États-Unis, et inversement. Cette dimension géographique d'import-export est quelque peu délicate à définir.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Nous voudrions appréhender l'effet de transfert dans le temps entre la télévision et le numérique pour les gros annonceurs ? Cela représente-t-il une part importante de vos revenus publicitaires ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Je n'ai pas ces données brutes, car nous ne partageons pas le montant entre les annonceurs historiques et les plus petits. La publicité sur YouTube génère 18 milliards de dollars pour le monde, et probablement quelques centaines de millions en France. Certains des annonceurs traditionnels ont transféré une partie de leur budget sur ce site, mais les ordres de grandeur ne sont pas très significatifs dans ce cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Laugier

La concentration des médias, les plateformes internationales : deux mondes s'affrontent, avec des conséquences importantes en termes d'audience et de marché publicitaire. Quel est le montant de vos recettes publicitaires en France sur les 76 milliards de dollars qu'a évoqués M. le président ? Votre positionnement perturbe-t-il le monde médiatique français ? Les recettes publicitaires sont exponentielles au détriment de la presse écrite, qui a perdu 5 % de ses revenus en dix ans. Vous contribuez aujourd'hui, grâce à l'initiative sénatoriale sur les droits voisins, à financer les journaux. Comptez-vous aller plus loin que vos obligations légales ? Vous sentez-vous responsable des informations diffusées sur Google ? Combien de personnes au sein de Google France sont-elles affectées au contrôle ? Vous avez été sanctionnés deux fois à des amendes importantes. Comment l'expliquez-vous ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Voulons-nous aller plus loin que la loi ? Évidemment oui. Chez Google, nous croyons passionnément en l'importance de l'information. Et nous n'avons pas attendu le sujet des droits voisins pour travailler avec les groupes de médias, puisque nous leur avions déjà consacré 85 millions d'euros. Le programme d'abonnements que nous avons mis en place favorise l'autonomie financière. Les résultats vont dans la bonne direction, et nous continuerons à innover au travers de licences au niveau mondial. Nous aurons réussi lorsque ces groupes gagneront en indépendance. Sur les algorithmes, nous sommes très vigilants et produisons un rapport annuel de transparence.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Laugier

Avec la crise covid et les mouvements de citoyens, comment est-il possible de se faire une véritable opinion ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Les deux exemples que vous mentionnez appellent des réponses différentes.

Sur le covid, nous avons encadré le moteur de recherche pour renvoyer vers les sites les plus importants, en particulier ceux de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et du ministère de la santé, ce que justifiait l'urgence nationale et internationale. Nous avons plusieurs fois changé nos règles l'an dernier sur la diffusion sur YouTube également.

Sur l'actualité récente, si vous cherchez sur votre téléphone des informations sur ce sujet, vous serez renvoyé vers un certain nombre de sites qui assurent, je l'espère, la couverture la plus juste de la situation.

Sur les chiffres, il y a une difficulté d'import-export. Nous travaillons sur les estimations du Syndicat des régies internet (SRI), selon lesquelles la publicité numérique représentait, en 2021, 7,7 milliards d'euros, dont 3,2 milliards pour le search. Ces éléments ont le mérite de donner des estimations sur le marché français et de permettre des comparaisons avec les autres marchés publicitaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Pourquoi, pour la publicité numérique, ne parle-t-on toujours que d'estimations et pas de chiffres validés, comme pour la télévision et la presse ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

C'est principalement une question de périmètre géographique : pour la publicité, on a affaire à des acteurs essentiellement français. Pour le numérique, les flux entrent et sortent du pays en permanence et la définition du marché français est plus délicate.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Derrière cela, c'est l'enjeu fiscal qui nous intéresse. En 2020, vous avez déclaré 576 millions d'euros au fisc. Ces montants sont pour nous, en tant que législateurs, un réel sujet, notamment sur ce qui sera engagé dans le cadre de la loi sur les droits voisins. En effet, celle-ci peut devenir complètement inopérante si les montants sont dérisoires. Êtes-vous prêts, par transparence démocratique, à rendre public le montant des accords en matière de droits voisins une fois ceux-ci conclus ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

J'ai plusieurs fois entendu cette question. Nous nous inscrivons dans le cadre des droits d'auteur, avec des revenus perçus en fonction de l'audience. De même que, dans le domaine de la musique, un artiste n'a pas à savoir ce que gagne l'autre, ces chiffres n'ont pas forcément vocation à être révélés.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

En ce cas, pourriez-vous au moins nous livrer une évaluation ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

L'Autorité de la concurrence, en juillet dernier, a été claire sur les éléments que nous devions partager avec les éditeurs, notamment sur le calcul de l'assiette. Nous avons envoyé un rapport d'une dizaine de pages à chacun d'entre eux, avec le montant des revenus de Google en France pour calculer cette assiette.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous avez donc bien fait une évaluation de ce que cela pourrait représenter comme montant pour la presse française.

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Le montant de l'assiette a été partagé avec les éditeurs de presse. En revanche, sur l'estimation du montant des droits voisins, nous sommes au coeur des négociations avec l'Apig et le SEPM ; partager un chiffre avant la conclusion des accords me semble prématuré.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Vous n'avez pas répondu à la question de Michel Laugier sur les amendes. Pourquoi n'avez-vous pas conclu les accords à temps et payé de ce fait une amende de 500 millions d'euros ? Nous nous disons que les enjeux financiers sont considérables pour que Google soit prêt à payer 500 millions d'euros d'amende en retardant des négociations pourtant inévitables.

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

La loi sur les droits voisins est rétroactive. Dès lors que nous avons signé un accord, les paiements devront remonter à octobre 2019. Il n'y a donc aucun intérêt à retarder l'échéance pour nous. Nous sommes fiers aujourd'hui d'avoir pu signer avec l'AFP.

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Comme vous le savez, nous ne partageons pas ce montant.

Sur les amendes, il s'agissait de déterminer l'assiette des revenus de Google sur les publications de presse, et le travail effectué par les agences de presse sur chacune de ces publications. L'information est difficile à obtenir, particulièrement sur les photos. Cela nous a pris du temps et fait que nous n'avons pas réussi à signer avec tous les ayants droit dans les 90 jours impartis en avril 2020. Nous aurions préféré aller plus vite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Cette audition est intéressante, je dirais même captivante. Étrangement, il n'y a pas un photographe aujourd'hui. Nous avons vu passer des sommités du CAC 40, avec une meute de journalistes : ce matin, il n'y a personne. Sans vous faire injure, cela me fait penser aux envahisseurs et à David Vincent, l'homme qui cherchait un raccourci que jamais il ne trouva.

M. Tabaka, face à la commission de la culture, avait prononcé des éléments de langage complètement interchangeables, très policés, sans aspérité. J'y vois un sujet de génération : depuis 1998 et l'idée géniale de Sergey Brin et de Larry Page, qui ont le même âge que vous, on a le sentiment d'un formatage et d'une idée qui se place bien au-dessus de nos réflexions. C'est ce qui vous rend à l'aise dans votre expression : nous ne sommes pas étrangers à ce que vous développez, mais c'est le débarquement d'un nouveau monde sur un continent ancien.

Nous écrivons la loi, et vous l'avenir. Il faut que les deux se rencontrent. Je reprends le sujet de notre commission d'enquête : mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France, et évaluer l'impact de cette concentration sur la démocratie.

Pour la première partie, vous en apportez la preuve : vous êtes le responsable de cette concentration. Vous affirmez ne pas être un éditeur. Vous avez votre logique, mais nous comprenons, rationnellement, que vous êtes bien un éditeur.

Vous répondez donc à notre première question, mais également à une autre. Sur le rapprochement TF1/M6, une des raisons d'être de cette commission, vous faites du marché publicitaire une totalité. Cette fusion peut vous déranger un peu, mais vous ne hurlez pas contre elle et considérez que, de fait, le marché publicitaire à considérer est bien celui de l'audiovisuel cumulé avec celui des plateformes.

Je suis sensible à votre emploi du mot « technologie » dans votre propos liminaire. Dans notre vieille Europe, nous parlons de pluralisme. Vous, vous déployez une technologie et des algorithmes qui rencontrent la loi. Lee Sedol, champion du jeu de go, a jeté l'éponge face aux algorithmes, mais ce n'est pas notre mentalité. Quels sont, selon vous, en tant que chef d'entreprise, les freins législatifs que notre pays dresse et ceux que vous voudriez voir lever pour avoir une action plus efficace puisque vous avez révolutionné, semble-t-il, les médias ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Sur les éléments de langage que j'ai partagé avec vous, nous prenons au sérieux notre présence au Sénat et notre vigilance sur nos paroles est une marque de respect.

Sur l'avenir, je suis convaincu qu'il passe par la loi. Nous ne sommes pas l'un contre l'autre : depuis seize ans chez Google, ce que je trouve le plus extraordinaire est qu'internet n'est qu'une étape d'une mondialisation commencée depuis longtemps. Jeffrey Sachs parle des sept âges de la mondialisation et considère que celle-ci a commencé par la domestication du cheval. La révolution numérique n'est qu'une étape de plus dans le rapprochement des personnes. Cette tension entre les frontières et des interactions toujours plus rapides nous invite tous à réfléchir sur notre travail et sur notre collaboration.

Je suis français, je parle cinq langues européennes, je crois en ce projet et je pense que, dans les années qui viennent, le plus difficile et le plus intéressant sera de créer les conditions du succès pour les petites et moyennes entreprises (PME) françaises. Créer ces conditions est notre plus grande fierté chez Google en France, que ce soit grâce à nos technologies ou nos insights sur les marchés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Nous vous posons beaucoup la question des algorithmes, et vous avez évoqué une muraille de Chine entre vous et les ingénieurs. Pour autant les modalités de l'algorithme induisent des stratégies. L'algorithme de recherche est-il le même pour tous les utilisateurs ou change-t-il en fonction des données connues sur les utilisateurs ? En d'autres termes, y a-t-il un travail d'éditorialisation des contenus en fonction des données ?

Sur les amendes évoquées par Michel Laugier, un rapport d'information de collègues députés mentionne plusieurs recommandations, dont la publicité des accords et de leurs montants, et le recours à une autorité indépendante, comme l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), en cas d'arbitrage. Y êtes-vous favorable ?

Enfin, quels sont les objectifs de la nouvelle application Google Actualités Showcase, lancée en 2020 ? Y a-t-il une éditorialisation des contenus et une inclusion des droits voisins ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

L'algorithme tend à utiliser le moins de données possible pour répondre à une question. Si vous recherchez un restaurant près de chez vous, nous utiliserons la géolocalisation. Nous utilisons très peu de données sur les requêtes d'actualité, si vous recherchez un candidat à la présidentielle, vous devriez recevoir la même liste, indépendamment de votre orientation politique. Vous pouvez faire le test.

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Nous pouvons donc voir que, malgré vos différences de points de vue, vous arrivez à des résultats similaires. Nous ne souhaitons pas enfermer les utilisateurs.

Sur votre deuxième question, il faut reconstruire la confiance, ce qui passe par un tiers. En janvier dernier, nous avons proposé à l'Autorité de la concurrence, face à ses injonctions, un arbitrage devant la chambre de commerce internationale de Paris. Oui, un tiers est important pour avancer.

Enfin, Showcase est une proposition d'achat de licences à des éditeurs de presse sur Google actualités. L'Autorité de la concurrence est claire : c'est un sujet distinct du droit voisin.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

J'ai une question sur le devenir des moteurs de recherche. Les services à base de commandes vocales se multiplient. Se dirige-t-on vers un service vocal unique englobant le moteur de recherche ? Quel changement cela impliquerait-il au regard du marché publicitaire ? En effet, une recherche par commande vocale n'a pas le même effet en termes de publicité.

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Les usages et les questions posées sur Google sont différents. Certaines questions factuelles, sur la météo ou des horaires de film par exemple, sont simples et permettent une commande vocale. Pour d'autres questions plus ouvertes, cela a moins de sens. Il n'y a pas de raz-de-marée de la commande vocale et la majorité de son usage est sur les téléphones portables.

Google, comme beaucoup d'entreprises, fait face à des disruptions potentielles. Un marché de l'information passant majoritairement par la voix remettrait notre modèle en question. Alors que la publicité, sur Google, était calibrée pour être présentée sur un écran d'ordinateur, nous avons su nous adapter à l'arrivée des smartphones à la fin des années 2000, mais je n'ai pas de réponse immédiate à vous donner pour une disruption issue du vocal.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Google n'est pas basé sur une croissance externe. Votre modèle est cependant extraordinaire : un commerçant se pose dès son installation la question de son référencement sur Google. Cela vous place en position dominante en matière de communication et de publicité.

Sur la hiérarchisation de l'information, vous avez affirmé que les algorithmes n'étaient que peu liés aux données, avec un classement sur la qualité de l'information. Pour ma part, j'ai tapé « Emmanuel Macron Nucléaire », avec plusieurs journaux français classés dans un certain ordre. Concrètement, comment ce classement est-il fait ? S'agit-il de mes habitudes de consommation, d'un accord commercial avec les journaux ou encore de mots clés ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Je réaffirme que le moins de données personnelles possible sont utilisées, même si je ne peux pas dire qu'il n'y en a aucune.

Sur la hiérarchisation, honnêtement, je ne sais pas vous répondre. Les ingénieurs s'efforcent de proposer une hiérarchisation répondant au mieux aux attentes des utilisateurs. On peut imaginer des critères comme le nombre de visites, de lectures de l'article jusqu'au bout ou de citations sur d'autres sites. Ces résultats pourraient donc changer au cours de la journée, mais vous avez pu constater une grande diversité et pluralité des réponses.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Il n'y a donc pas de critère financier ou de notion d'accord commercial dans ce classement ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Non. Les publicités qui s'affichent sont bien identifiées comme telles.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Renaud-Garabedian

Google a gagné de fortes parts de marché dans la publicité, par rapport à Facebook notamment. En 2021, en France, le marché de la publicité digitale a crû de 24 %, pour atteindre 7,7 milliards d'euros, dont 40 % captés par Google. Comment les petits médias peuvent-ils se faire une place sur ce marché, alors que la concentration restreint leurs moyens d'action ?

Par ailleurs, je vous fais part d'une expérience personnelle. Je suis hôtelière. Autrefois, Google interdisait l'utilisation de notre nom par d'autres, ce qui nous permettait d'être en tête des référencements. Vous l'avez depuis autorisée, et Booking et Expedia nous cannibalisent, de même que d'autres hôteliers. Comment de petites structures peuvent-elles retrouver leur première place, sans avoir les mêmes moyens que les plus grandes ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Sur la publicité numérique, il est frappant de voir que de nouveaux acteurs ont accès à la publicité numérique. Je pense notamment au display, très utilisé par la presse et estimé à 1,5 milliard d'euros en France par le SRI, en croissance de 31 %. De petits acteurs continuent à se développer et à monétiser leurs sites. Nous proposons à cet égard des solutions publicitaires pour des éditeurs de presse.

J'ai du mal à vous répondre sur l'exemple spécifique de l'hôtellerie. Cependant, sur le moteur de recherche, il y a des fiches d'établissement, espaces gratuits comprenant entre autres les horaires d'ouverture et le numéro de téléphone. J'en reviens à mes propos introductifs : nous entendons les besoins d'information et d'accompagnement de certaines structures. Je peux m'assurer que mes équipes vous contactent.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je reviens une dernière fois sur la question des accords. Vous êtes en cours de négociations et ne souhaitez pas en révéler les montants. Toutefois, hier, sur cette même question, Facebook n'était pas fermé : une fois les négociations conclues, serez-vous en mesure de révéler les montants ?

C'est un sujet démocratique : si on ne connaît pas les montants, comment vérifier que la juste part revient aux journalistes, en conformité avec la loi ? De plus, cela va représenter un nouveau revenu pour la presse. Les aides à la presse et les revenus liés aux abonnements sont revenus, et nous avons besoin de connaître le montant des autres apports. Il y a un risque que la presse devienne dépendante des plateformes de par la rémunération des droits voisins : c'est dans la transparence que tout cela doit s'apprécier.

Pourrez-vous publier des chiffres une fois les négociations conclues ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Vous comparez avec les aides à la presse, mais les droits voisins sont bien un droit au profit des éditeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je n'ai pas comparé, j'ai indiqué que les différents revenus de la presse devaient être connus pour apprécier son indépendance.

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Je comprends la nécessaire publicité des aides à la presse. Sur les droits voisins, il s'agit d'une entreprise privée négociant avec une autre. Je reprends l'exemple d'Universal : deux artistes français ne souhaitent pas nécessairement voir publier les montants de tous leurs droits d'auteur, dans la mesure où ce sont des éléments d'appréciation de leur audience respective.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce n'est pas comparable : les revenus de la presse nécessitent une transparence, dans la mesure où cela participe de la vie démocratique.

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Le droit voisin s'inscrit dans le cadre des droits d'auteur, même si j'entends que le sujet de la presse est une question spécifique. Nous ne pourrons partager d'éléments sans l'accord de l'autre partie.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Allons plus loin en ce cas : si l'AFP et les autres acteurs de la presse souhaitent que ces informations soient publiques, les délierez-vous de leurs obligations de confidentialité ?

Debut de section - Permalien
Sébastien Missoffe, directeur général de Google France

Je ne peux pas m'engager sur ces éléments qui engagent le détail des contrats. Chaque éditeur de presse reçoit un certain montant et a les éléments permettant un partage avec les journalistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Nous vous remercions de votre participation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Nous recevons maintenant M. Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France, M. Thomas Spiller, vice-président chargé des affaires gouvernementales de The Walt Disney Company EMEA, M. Philippe Coen, son directeur des affaires juridiques, et Mme Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France.

Madame, messieurs, vous êtes chacun dans une situation différente, mais avec un champ d'action commun qui nous permet de vous rassembler aujourd'hui : Amazon est une entreprise de commerce en ligne, membre permanent du club des GAFA - Google, Apple, Facebook, Amazon -, qui développe un service de streaming, Prime Video, lancé en 2019 en France ; Disney est une entreprise que l'on ne présente plus, implantée en France depuis quatre-vingts ans et qui a lancé en 2019 l'offre Disney+, un service de streaming avec près de 120 millions d'abonnés dans le monde ; Netflix, qui disposerait de près de 8 millions d'abonnés dans notre pays, est, d'assez loin, le leader des services de vidéo.

Si nous avons souhaité vous consacrer une table ronde aujourd'hui, c'est que votre nom est très souvent évoqué, pour deux raisons. D'une part, vous avez pris une place essentielle dans l'écosystème français et européen de la production, ce qui fait courir pour certains le risque d'une uniformisation des oeuvres. D'autre part, votre puissance économique semble constituer un facteur d'accélération de la concentration pour les acteurs nationaux. Comme nous l'a indiqué Mme Sonnac lors de son audition le 30 novembre dernier, en cinq ans, la totalité des dépenses en faveur de la production audiovisuelle et cinématographique de TF1, de M6, de Canal+ et de France Télévisions s'est élevée à 6 milliards d'euros, contre 17 milliards de dollars pour Netflix en un an. Ainsi, de très nombreuses personnes auditionnées ont mis en avant votre présence pour justifier des concentrations.

Cette audition est diffusée en direct sur le site Internet du Sénat. Elle fera également l'objet d'un compte rendu publié.

Enfin, je rappelle, pour la forme, qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous précise également qu'il vous appartient, le cas échéant, d'indiquer vos éventuels liens d'intérêts ou conflits d'intérêts en relation avec l'objet de la commission d'enquête.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Thomas Spiller, M. Philippe Coen, Mme Marie-Laure Daridan et M. Yohann Bénard prêtent successivement serment.

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

Merci de me donner l'occasion de contribuer aux réflexions de cette commission. Un constat, pour commencer : nous sommes résolument entrés dans un âge d'or de la création audiovisuelle en France.

Netflix, vous le savez, est un service de médias audiovisuels à la demande par abonnement qui ne fait que du divertissement. Nous proposons des séries, des films, des documentaires, de l'animation pour tous les âges et pour tous les goûts. Nous ne proposons ni information ni sport. Notre modèle économique est assez simple : tous nos revenus sont issus du produit de nos abonnements ; il n'y a pas de publicité sur notre service. Ces revenus nous permettent d'investir toujours davantage dans des oeuvres que nous mettons à disposition de nos abonnés. Nous sommes totalement engagés dans les écosystèmes locaux dans lesquels nous opérons. C'est évidemment le cas aussi pour la France, pays qui tient une place à part pour Netflix en raison de sa créativité formidable, de ses talents et de son exception culturelle. Bien avant la directive Services de médias audiovisuels (SMA), nous avons fait le choix d'investir en France, de venir ici pour travailler avec l'écosystème local de la création et d'ouvrir un bureau à Paris il y a un peu plus de deux ans, qui réunit aujourd'hui une centaine de collaborateurs.

L'âge d'or de la création audiovisuelle bénéficie à l'ensemble des parties prenantes : aux producteurs, aux talents, aux diffuseurs comme au grand public. Netflix n'est pas le seul à faire ce constat, qui est notamment partagé par les producteurs que vous avez reçus il y a quelques jours, ou encore par Roch-Olivier Maistre, le président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) ; il a également été au centre des discussions du colloque de la coordination intersyndicale de l'audiovisuel (CISA) qui s'est tenu cette semaine.

Pour les talents et pour les producteurs, il n'y a jamais eu autant d'opportunités, les investissements des sociétés comme les nôtres venant en complément de ceux des services existants.

Netflix lancera 25 projets originaux français cette année, tous produits avec des sociétés de production françaises. Quelques exemples : Fédération pour une série inspirée de l'incendie de Notre-Dame, Gaumont pour Lupin ou encore Eskwad pour Big Bug, le dernier long métrage de Jean-Pierre Jeunet, disponible depuis ce matin sur notre service. Au total, nous allons investir en 2022 plus de 200 millions d'euros dans la production audiovisuelle et cinématographique française, dont les deux tiers dans la production indépendante, conformément aux exigences du décret de juillet dernier, et dont 40 millions d'euros environ pour la seule production cinématographique.

S'agissant spécifiquement du cinéma, nous avons signé il y a quelques jours l'accord portant sur la nouvelle chronologie des médias, et nous sommes sur le point de signer avec les producteurs de cinéma - le bureau de liaison des industries cinématographiques (Blic), le bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) et la société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) - un accord pour sanctuariser l'investissement de Netflix dans le cinéma français comprenant une clause de diversité, par laquelle nous nous engageons à financer des films à petit budget.

Notre approche est avant tout locale : on travaille ici pour développer des projets locaux qui répondent aux attentes de nos abonnés français. Mais notre contribution, c'est aussi notre capacité à exporter cette production auprès de nos 220 millions d'abonnés à travers le monde. Et il arrive qu'elle rencontre un succès formidable ailleurs. Nous avons cette capacité de faire rayonner la création et la culture française. Quelques exemples : notre série Lupin a été vue par 76 millions de foyers à travers le monde ; par ailleurs, l'agence Unifrance, dans sa dernière note, relève que la France est la première cinématographie non anglophone sur Netflix au deuxième semestre 2021 ; dans le top 10 des meilleurs films internationaux sur Netflix au deuxième semestre, il y a quatre films français.

L'âge d'or bénéficie aussi bien sûr aux diffuseurs. Il n'y a jamais eu autant de services français et internationaux qui rivalisent pour distraire le consommateur : les chaînes payantes, les chaînes gratuites, mais aussi la VOD payante, les SMAD par abonnement comme les nôtres, auxquels il faut ajouter Apple TV, Salto, bientôt HBO, Paramount... On peut parler aussi des plateformes de vidéo à la demande, YouTube, ou encore les services de streaming musicaux. Tous ces services rivalisent pour distraire le consommateur au bénéfice de la diversité et de la qualité de l'offre de programmes. De fait, la fiction française ne s'est jamais aussi bien portée, notamment à la télévision. En témoignent HPI, plus gros succès sur TF1 depuis 2007, Germinal et En thérapie. Il nous arrive aussi de travailler en partenariat avec ces chaînes pour développer des projets ambitieux, comme avec TF1 pour Le Bazar de la charité, ou un autre projet en cours, Les Combattantes, avec le même producteur. Nous avons aussi des partenariats de coproduction avec Arte ou avec France Télévisions.

En conclusion, cet âge d'or bénéficie aussi et surtout au public et l'on ne peut que s'en féliciter. Netflix entend contribuer de façon positive à cette formidable dynamique du marché en tant que bon partenaire pour la création audiovisuelle française. Nous avons eu un dialogue constructif avec l'ensemble des parties prenantes de cet écosystème depuis plus de deux ans, tout au long de l'élaboration du cadre réglementaire, que ce soit le Gouvernement, le Parlement, les sociétés de gestion collective - nous avons des accords avec toutes - les producteurs, les diffuseurs, les distributeurs pour comprendre les attentes de toutes ces parties prenantes et pour nous intégrer au mieux dans l'écosystème et dans le cadre réglementaire français. Le dialogue continue, il est nourri, il est constructif, on a encore beaucoup de choses à apprendre, et ce n'est que le début de l'histoire.

Debut de section - Permalien
Thomas Spiller, vice-président chargé des affaires gouvernementales de The Walt Disney Company, EMEA

J'aimerais d'abord nous présenter, parce que nous sommes différents de nos amis et confrères de Netflix et Amazon. Comme la Walt Disney Company est spécialiste des histoires, je vais vous en raconter une...

Il était une fois une société globale diversifiée dans le domaine du divertissement - entertainment en anglais - qui comprenait des marques très connues et appréciées : Disney, Pixar, Marvel, Lucasfilm, qui a produit La Guerre des étoiles, National Geographic. L'histoire de notre entreprise s'articule depuis toujours - nous existons depuis 88 ans - autour du storytelling de qualité, de la créativité et de la technologie.

Notre relation avec la France est très ancienne. Le nom Disney vient de France : c'est une contraction anglicisée de « d'Isigny », c'est une histoire vraie, je tiens à le dire ! Quant à Walt Disney lui-même, il est venu en France à la fin de la Première Guerre mondiale comme ambulancier pour la Croix-Rouge. Cet attachement à la France s'est reflété dans un certain nombre de films, comme La Belle et la bête, Le Bossu de Notre-Dame, Ratatouille... Notre première filiale française a été créée en 1934 : Mickey Mouse, société anonyme.

The Walt Disney Company en France est principalement active dans trois domaines : l'audiovisuel, mais aussi les produits dérivés et le parc à Paris. Nous ne sommes pas présents sur le marché des médias d'information, en France, et nous n'avons aucune intention de l'être. En ce qui concerne l'audiovisuel, nous sommes actifs dans la distribution de films en salle. Nous sommes un acteur majeur, puisque nos films rencontrent généralement beaucoup de succès, nous permettons au fonds de soutien au cinéma de recevoir beaucoup de subsides. Avant le Covid, en 2019, nous avons généré un quart des billets de cinéma vendus dans ce pays, ce qui représente 44 millions d'euros de soutien via la TSA, au fond de soutient du cinéma, pour 50 millions de tickets vendus.

Nous sommes présents dans l'édition et la distribution de chaînes de télévision, et dans la fourniture et la licence de contenus audiovisuels - films, séries télé, documentaires - aux chaînes locales, dont TF1 et M6. Nous sommes aussi chargés de la distribution et de la promotion locale de Disney +, qui est un service européen. En effet, Disney+ est une offre globale, offerte dans plus de cinquante pays aujourd'hui et nous l'avons lancé en France depuis le 7 avril 2020 - en plein premier confinement... Disney+ est un service de streaming différent des autres, puisque l'essentiel du contenu présent est produit par The Walt Disney Company et les différents studios de cinéma que nous possédons. L'offre est organisée autour de six univers pour mieux répondre aux attentes du public. Nous investissons énormément en France et nous continuerons à investir malgré un cadre réglementaire très strict et qui ne prend pas forcément en compte ce que désire le public.

Nous avons les produits dérivés, les Disney stores, et l'activité d'édition avec Le Journal de Mickey, publié en France depuis les années 1930. Enfin, nous avons Disneyland Paris, première destination touristique d'Europe, avec plus de 360 millions de visiteurs depuis son ouverture en 1992 et 6,2 % des recettes touristiques de la France. Le parc est aussi le premier employeur monosite du pays avec 70 000 emplois directs et indirects. En 2018, nous avons annoncé un investissement de plus de 2 milliards d'euros pour étendre le parc encore plus et créer de nouveaux emplois.

Nous sommes très fiers de travailler avec des talents français. Au cours des vingt-cinq dernières années, nous avons commandé plus de 100 séries télévisées d'animation, nous avons coproduit et/ou acheté pas moins de 3 000 heures de documentaire, soit 250 séries et 1 000 projets unitaires. Nous produisons des séries françaises spécifiques pour Disney+. En 2022, nous lancerons six nouvelles séries, dont une qui pourrait vous intéresser, sur l'affaire Malik Oussekine, avec Kad Merad parmi les acteurs. Produire localement est essentiel pour nous, et nous allons continuer à le faire.

Une récente étude du groupe des médias d'analyse des médias montre que 84 % de l'audience totale de la télévision en France est constituée de contenu français. C'est dix points de plus que la moyenne européenne. Nous allons continuer à investir. Dernier point : notre priorité absolue, c'est le consommateur.

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Je vous remercie de me donner aujourd'hui l'opportunité de présenter la contribution d'Amazon au développement et à la diversité de l'audiovisuel français. Amazon est présent en France depuis l'an 2000 et, depuis vingt ans, nous sommes au service des Français et nous contribuons au développement de l'économie française. Nous avons ainsi investi plus de 11 milliards d'euros dans les territoires et embauché 15 500 personnes en contrat à durée indéterminée (CDI), auxquels s'ajouteront 3 000 CDI supplémentaires en 2022.

L'offre culturelle et la passion pour l'innovation sont au coeur de l'ADN d'Amazon depuis l'origine. Nous avons commencé avec les livres, puis les CD, les DVD et nous sommes fiers du rôle pionnier que nous avons joué dans la numérisation de l'offre culturelle avec un premier service de vidéo à la demande en 2006 et le lancement des liseuses Kindle et d'Amazon Music l'année suivante. Nous n'en sommes qu'à nos débuts dans le secteur du divertissement audiovisuel en France, puisque le lancement de Prime Video date d'il y a cinq ans. Prime Video est un service encore jeune, qui a lancé ses premières productions originales françaises en 2020. C'est avec enthousiasme que nous nous engageons dans cette nouvelle activité pour proposer à nos clients français une offre audiovisuelle nouvelle qui combine les contenus de Prime Video et d'autres éditeurs. Nous sommes encouragés par le fait que Prime Video figure parmi les services de médias audiovisuels les plus populaires en France, d'après le baromètre trimestriel du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

En tant que nouvel entrant dans ce secteur très dynamique, nous sommes guidés par les attentes du public ; notre objectif est de proposer un catalogue de qualité qui corresponde au goût de nos abonnés français. Ces derniers apprécient à la fois les contenus français et internationaux, et c'est pourquoi, avant même l'instauration de toute obligation de financement, nous avions d'ores et déjà investi plusieurs dizaines de millions d'euros dans des créations françaises en acquisition et en coproduction. C'est aussi pourquoi nous nous sommes fixés l'objectif d'une douzaine de nouveaux films, séries et émissions français Amazon originaux par an. Pour limiter mon propos à l'actualité immédiate, je mentionnerai que notre docu-série sur le rappeur Orelsan a été primé la semaine dernière par le magazine Le Film français et est nommé pour la meilleure création audiovisuelle aux Victoires de la musique, dont la cérémonie a lieu ce soir. Notre série d'espionnage Totem avec Ana Girardot et Lambert Wilson sort la semaine prochaine. Nous produisons aussi la série Salade grecque de Cédric Klapisch, qui fait suite à L'Auberge espagnole, ainsi que les prochains films de Lisa Azuelos et d'Olivier Marchal, pour ne prendre que quelques exemples.

La conséquence de cet engagement, c'est que notre catalogue comporte aujourd'hui plus d'oeuvres européennes que ce que prévoit la directive audiovisuelle, et nous en sommes très heureux.

C'est dans ce même esprit que nous avons acquis les droits de diffusion de Roland Garros, ainsi que de la Ligue 1 et de la Ligue 2 de football. Nous sommes également une vitrine pour des chaînes françaises de niche comme Mezzo, Toute l'Histoire ou encore Madelen, la chaîne de l'Institut national de l'audiovisuel (INA).

Nous avons enfin conclu une convention avec l'Arcom en décembre, selon laquelle nos investissements dans la production française seront supérieurs à ce que prévoient nos obligations réglementaires. Prime Video ne contribue pas seulement à la vitalité de la création française, mais aussi à son rayonnement dans le monde. Nous avons ainsi assuré la distribution dans les cinémas américains des Misérables de Ladj Ly, qui a été nominé aux Oscars en 2020, et d'Annette de Leos Carax, prix de la mise en scène à Cannes l'an dernier.

J'en viens maintenant à l'objet de votre commission d'enquête - la concentration des médias en France. Amazon n'est pas présent dans les médias d'information ; mais, pour ce qui concerne le divertissement, segment dans lequel opère Prime Video, nous constatons que la tendance n'est pas à la concentration, bien au contraire. Ce que nous observons depuis près d'une décennie, c'est, à l'inverse, une intensification de la concurrence et une plus grande complémentarité entre les diffuseurs, ce qui se traduit par davantage de diversité et par une meilleure qualité d'offre et de service au bénéfice du public français. Davantage de concurrence d'abord : la liste des auditions conduites par votre commission témoigne de ce que le paysage concurrentiel s'est considérablement étoffé depuis dix ans. De nouveaux services sont apparus et se sont ajoutés aux offres existantes sans les remplacer : ainsi l'audience de la télévision linéaire traditionnelle est stable depuis dix ans, et elle est même supérieure à ce qu'elle était il y a trente ans. Ce qui se passe aujourd'hui est donc comparable à ce qui s'est produit dans le passé, quand la télévision s'est ajoutée au cinéma sans s'y substituer, ou quand les théâtres ont vu naître le cinéma. Ces révolutions technologiques successives ont été source d'émulation, elles ont poussé les acteurs traditionnels à innover, et c'est bien ce à quoi nous assistons aujourd'hui : les chaînes de télévision développent des offres nouvelles numériques, gratuites ou par abonnement, dont certaines rencontrent un franc succès.

Nous observons aussi davantage de complémentarité, parce que les nouveaux entrants développent une offre nouvelle complémentaire de l'offre existante. Selon l'Arcom, la fiction - films et séries - représente plus de 90 % de la consommation de vidéo à la demande par abonnement, contre environ 20 % des programmes des chaînes de télévision gratuite, dont les grilles comprennent aussi de l'information, des magazines, des programmes de divertissement en direct... La vidéo à la demande par abonnement et la télévision sont donc fortement complémentaires en termes de programmation. De même, on observe une complémentarité croissante dans les usages : les Français vont au cinéma, regardent la télévision, naviguent sur Internet et s'abonnent à des services de vidéo à la demande avec aisance, et ces usages sont complémentaires ; ce n'est pas : soit l'un soit l'autre ; c'est tout à la fois, et les disparités générationnelles tendent même à s'estomper.

Enfin, ces différentes évolutions se traduisent par une plus grande diversité de choix. En effet, la concurrence qui anime le secteur donne lieu à un accroissement des financements disponibles et à une diversification des oeuvres produites en France et en Europe. C'est une bonne nouvelle pour l'industrie, bien sûr, mais c'est surtout une bonne nouvelle pour le public français. Nous sommes nombreux, dans cette pièce, à avoir connu une époque très différente, où le choix disponible était limité, quand certains soirs étaient réservés aux programmes de flux et d'autres à la fiction, et quand seuls les films grand public étaient diffusés aux heures de grande écoute. Cette époque est révolue, et je ne crois pas que les Français la regrettent, comme le montre le succès de la vidéo à la demande, plébiscitée chaque jour par près de 9 millions d'entre eux, selon Médiamétrie.

Prime Video participe de ce progrès : nous accroissons la concurrence en tant que nouvel entrant, nous innovons avec une offre variée faite de contenus originaux et d'acquisitions, qui vient compléter et enrichir l'éventail des chaînes et services disponibles en France ; enfin, nous contribuons à plus de diversité en proposant un catalogue très varié en matière de genre et d'origine des oeuvres. En définitive, les Français souhaitent aujourd'hui pouvoir accéder à des contenus créatifs, diversifiés et de qualité, sur tous types d'écrans sans être contraints par la technologie ou par la réglementation. Pour répondre à ces attentes, l'industrie audiovisuelle, qu'il s'agisse d'acteurs établis ou de nouveaux entrants, doit pouvoir innover, investir et prendre des risques. Pour ce faire, la réglementation devra continuer à évoluer et dans cette perspective, l'intérêt du public nous paraît être la meilleure des boussoles. C'est celle que nous suivons, et nous espérons qu'elle guidera également vos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous êtes au coeur des problématiques de concentration.

Vous dites avec raison que votre entrée sur le marché permet d'augmenter la diversité et que vous participez à l'investissement dans la création en France.

Mais nos géants audiovisuels nous disent : nous ne pesons rien, par rapport aux grandes plateformes : c'est ainsi qu'ils justifient leur volonté de concentration.

Monsieur Bénard, confirmez-vous que le chiffre d'affaires de votre Pass Ligue 1 d'Amazon, distinct de l'offre Amazon Prime, n'est pas pris en compte pour définir vos obligations au regard du financement de la création ?

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Effectivement, le Pass Ligue 1 est une chaîne de sport disponible séparément, régie par les règles qui s'appliquent aux chaînes de sport en général.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mais pouvez-vous nous confirmer que le chiffre d'affaires de votre Pass Ligue 1 n'est pas pris en compte au regard du financement de la création ?

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Notre analyse du cadre juridique, c'est que ce revenu n'a pas à être pris en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

C'est votre analyse... Y a-t-il un contentieux avec l'Arcom à ce sujet ?

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Pas du tout.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous avons une compréhension de ce que sont les obligations d'investissement dans la création en France : si une chaîne de sport intègre, ou est confondue, avec les obligations de production de programmes de création, forcément, c'est une analyse que nous ne pouvons pas partager. On ne peut pas considérer qu'un investissement pour diffuser du sport puisse se compter dans l'investissement pour la création audiovisuelle dans notre pays. Madame Daridan, est-il exact que vous diffusez aux États-Unis des programmes français qui ont été très largement financés par des chaînes françaises en les présentant comme des productions « Netflix Originals » ? Je pense au Bureau des légendes, par exemple.

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

Vous pensez sans doute à Dix pour cent...

Il s'agit en réalité de programmes dont Netflix a fait l'acquisition auprès de diffuseurs ou de distributeurs, qui nous ont donné la possibilité de les exposer dans certains territoires et pour une durée donnée.

Dix pour cent a ainsi été mis à disposition aux États-Unis, et c'est ensuite toute la machine de promotion de Netflix qui s'est mise en place pour soutenir et renforcer la visibilité de ces programmes à l'international, avec un accompagnement en promotion, des bandes-annonces, de la publicité, du sous-titrage, du doublage... C'est tout cela qui se traduit par le logo « Netflix originals ». Je sais qu'il a beaucoup fait parler ; nous apprenons, nous évoluons et je pense que nous pourrons aussi évoluer sur ce sujet. Mais n'oublions pas que cette acquisition est issue d'une négociation commerciale dont fait partie le logo, qui peut aussi être refusé... Le logo est ce qui nous permet de promouvoir des oeuvres à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il y a deux sujets.

Nous avons vu avec les producteurs qu'ils étaient mécontents de ne pas avoir plus de droits, et qu'ils s'inquiétaient quand les droits étaient cédés à l'international à d'autres sans qu'ils gardent une exclusivité ou qu'ils participent à la discussion.

Mais dans le cas qui nous intéresse, il est quand même surprenant qu'une série produite en France par Canal soit labellisée comme une production de Netflix. Vous dites que cela va évoluer ; je l'espère, parce que c'est une fausse information.

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

Comme je vous le disais c'est une négociation dans le cadre d'une acquisition, ça fait partie de la négociation, il y a une explication très claire, c'est vraiment ce qui permet de donner de la visibilité à une oeuvre dans un catalogue qui en contient des milliers. Mais on comprend et on est capables d'évoluer.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Quelle est la nature des droits que vous achetez, concernant les productions françaises que vous financez : ce sont des droits pour le monde ou des droits pour la France ?

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

En France, nous allons produire les deux tiers de notre production en production indépendante, conformément au décret de juillet dernier. Donc nous n'avons pas les droits, nous avons des droits de diffusion qui sont limités dans le temps : 72 mois, dont 36 exclusifs..

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Messieurs, comment fonctionnent les rapports de Disney avec les acteurs locaux, TF1 et Vivendi, puisque vous avez un accord particulier de couplage de votre offre avec l'offre Canal ?

Debut de section - Permalien
Thomas Spiller, vice-président chargé des affaires gouvernementales de The Walt Disney Company, EMEA

Effectivement, nous avons des rapports anciens et importants avec tous les acteurs de l'écosystème français, en particulier avec TF1, M6 et Canal. Ce sont des rapports commerciaux classiques et qui évoluent avec le temps.

Debut de section - Permalien
Philippe Coen, directeur des affaires juridiques de The Walt Disney Company, France & CEE

Effectivement, avec le groupe Canal Plus, nous avons eu la chance de conclure un très bel accord par lequel ce groupe est notre distributeur, mais aussi un grossiste vis-à-vis d'autres opérateurs que sont les FAI. Notre collaboration avec ce partenaire qui est emblématique pour nous, est tout à fait notable.

Concernant le groupe TF1-M6, ce sont des partenaires historiques avec qui nous continuons d'avoir des contrats qui courent pendant encore de nombreuses années, nous avons des collaborations extrêmement positives et durables.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous avez décidé de ne pas signer le dernier accord sur la chronologie des médias, et vous menacez régulièrement de boycotter les salles de cinéma pour proposer directement vos films sur votre plateforme. Compte tenu de votre poids sur le marché des films et des séries jeunesse en France, votre menace ne constitue-t-elle pas un abus de position dominante ?

Debut de section - Permalien
Thomas Spiller, vice-président chargé des affaires gouvernementales de The Walt Disney Company, EMEA

Notre position par rapport à la chronologie des médias, c'est que cet accord est un cadre très strict, qui va au détriment de ce que nous observons comme étant le comportement des consommateurs qui, de plus en plus, veulent tout, tout de suite, sur différentes plateformes. Nous pensons que la chronologie n'est pas alignée avec ces modes de consommation.

Debut de section - Permalien
Philippe Coen, directeur des affaires juridiques de The Walt Disney Company, France & CEE

Nous n'avons pas connaissance qu'un marché pertinent ait été défini sur les films en France. S'il devait exister, nous sortons en moyenne douze films par an - vingt, depuis le rachat de la compagnie 20th Century Fox. C'est très peu, rapporté aux 500 films qui sortent par an. Il paraît difficile d'y voir une position dominante.

Par ailleurs, il y a eu aucune menace. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas signé cette chronologie que nous ne la respectons pas. Des films Disney sortent en France depuis les années 1930. Lorsque les règles sur la chronologie des médias ont été instituées il y a une quarantaine d'années, tous les groupes étrangers, y compris Disney sur la partie diffuseur, les ont respectées. Il n'y a pas de projet de casser le respect des règles françaises, même si elles nous étaient applicables - ce qui est une question ouverte, puisqu'il s'agit d'un service étranger hollandais.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je ne dis pas que vous voulez casser la réglementation, mais que votre action peut la casser, si la chronologie française des médias était percutée. Avec Disney, Pixar, Marvel, Star Wars, votre groupe occupe une place importante, et représente 25 % des entrées en salle en 2019. Vous participez donc largement au financement du cinéma français, ce dont vous êtes fiers, mais vous avez un poids gigantesque dans l'équilibre du cinéma français.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Dans vos propos liminaires, vous n'avez pas tous précisé le montant de vos investissements dans la production française en 2022. Quels sont-ils ?

Debut de section - Permalien
Thomas Spiller, vice-président chargé des affaires gouvernementales de The Walt Disney Company, EMEA

Nous ne divulguons pas de chiffres précis par pays. Nous produisons six nouvelles séries pour la France en 2022. Cela fait partie d'une stratégie européenne : nous avons annoncé qu'une soixantaine de nouvelles séries seraient produites en Europe.

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

Nous allons investir 200 millions d'euros dans la production audiovisuelle et cinématographique française en 2022, dont 40 millions d'euros pour la seule production cinématographique.

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Dans le cadre de la convention que nous avons conclue avec l'Arcom, nous avons prévu un minimum de 40 millions d'euros pour l'investissement dans la production audiovisuelle et cinématographique française. Ce montant n'est pas calculé en fonction de nos revenus.

Par ailleurs, notre contribution est protéiforme, et nous avons prévu une douzaine de créations originales françaises par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Ce montant de 40 millions d'euros ne comprend donc pas le montant des droits de diffusion des matchs de football.

Si vos revenus sont plus importants, vous investirez donc davantage ?

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Effectivement, la convention que nous avons conclue avec l'Arcom est rédigée en ce sens, et prévoit un plancher de 40 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Vous avez tous une notion de plancher dans vos conventions avec l'Arcom ?

Pouvez-vous nous donner le nombre exact d'abonnés de vos services en France ?

Debut de section - Permalien
Thomas Spiller, vice-président chargé des affaires gouvernementales de The Walt Disney Company, EMEA

Nous ne communiquons jamais le chiffre de nos abonnés par pays. Vous avez cité le chiffre de 120 millions d'abonnés dans le monde ; le chiffre mis à jour est en fait de 130 millions d'abonnés globalement.

Debut de section - Permalien
Thomas Spiller, vice-président chargé des affaires gouvernementales de The Walt Disney Company, EMEA

La France est un bon marché, comme d'autres pays européens.

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

La dernière fois que nous avons communiqué ce chiffre en France, c'était il y a deux ans. Il y avait alors 6,7 millions d'abonnés. Nous ne partageons pas ce chiffre publiquement, mais bien sûr l'Arcom, le CNC et les pouvoirs publics en disposent, et je le partagerai volontiers avec vous à l'issue de cette audition.

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Nous ne publions pas non plus de chiffre par pays, mais un chiffre mondial de 200 millions d'abonnés Prime.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Et la France représente un marché important pour Amazon ?

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

La France est l'un des premiers pays où nous nous sommes implantés, dès l'an 2000.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Comme l'a indiqué notre rapporteur, dans les différentes auditions que nous avons menées, les noms d'Amazon, de Disney, de Netflix reviennent, notamment pour justifier une concentration du marché et la fusion entre TF1 et M6.

On peut s'interroger sur les échelles et la nature même des métiers, mais une chose est certaine : le modèle économique n'est pas le même. La publicité pèse lourd dans les revenus et le modèle économique de TF1 et de M6. Votre modèle économique est de faire payer un abonnement, et de ne pas vous appuyer sur la publicité - sauf si je me trompe. Comptez-vous, dans les mois ou les années qui viennent, vous ouvrir à la publicité ?

Debut de section - Permalien
Thomas Spiller, vice-président chargé des affaires gouvernementales de The Walt Disney Company, EMEA

La réponse est simple : pour nous, non.

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

À ma connaissance, pour nous non plus.

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Pareillement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Laugier

Pensez-vous avoir révolutionné ou perturbé le paysage audiovisuel français ?

Nous avons parlé du confinement ; a-t-il aidé votre développement, ou vous a-t-il pénalisé ?

Ensuite, percevez-vous le projet de fusion entre M6 et TF1 comme une concurrence, ou comme un nouveau client potentiel plus important ?

La question des droits de diffusion du football me tient à coeur. Amazon, après le fiasco Mediapro, est arrivé dans ce secteur. Les autres plateformes sont-elles également intéressées par des retransmissions sportives ?

Vous réalisez des bénéfices importants. Envisagez-vous, en raison de ces bénéfices, de pouvoir diffuser en clair des retransmissions sportives ?

Debut de section - Permalien
Thomas Spiller, vice-président chargé des affaires gouvernementales de The Walt Disney Company, EMEA

Le paysage audiovisuel français se révolutionne lui-même, du fait de nouvelles méthodes de consommation et de nouvelles technologies. Les gens veulent consommer de manière plus flexible. Les débits permis par la 4G et la 5G améliorent l'accès au contenu. Dans le domaine des médias, dans le monde, le paysage se révolutionne de lui-même.

Le confinement a été très dur pour Disney, en particulier au niveau du parc de Disneyland Paris, qui est resté fermé des mois et des mois, alors que depuis son ouverture en 1992, il n'avait fermé qu'un seul jour, au moment des attentats de Paris. Les pertes ont été importantes, et la Walt Disney Company a été sérieusement atteinte.

Debut de section - Permalien
Philippe Coen, directeur des affaires juridiques de The Walt Disney Company, France & CEE

Nous sommes très vigilants sur la fusion entre TF1 et M6, d'abord sur la partie de la vente d'espaces publicitaire car nous faisons partie des clients des chaînes, en tant qu'annonceurs. Nous sommes même un peu inquiets de savoir que demain il n'y aura peut-être qu'un seul guichet pour accéder à l'espace publicitaire des chaînes en clair, qui est très important pour toucher les familles et le public qui s'intéresse à nos produits, et sans équivalent réel par ailleurs.

Nous sommes aussi très attentifs à l'accès aux contenus locaux, puisque TF1 et M6 sont partenaires de nombreux producteurs. Lorsque nous cherchons à obtenir les droits de diffusion en streaming de certains de ces contenus, nous tenons à ne pas être exclus des négociations, ce qui nous inquiète concernant notre accès à des films qualitatifs.

En matière de compétition, à partir du moment où un duopole est créé, entre d'une part cet acteur né de la fusion de TF1 et de M6 et d'autre part France Télévisions, nous avons certaines inquiétudes. Nous continuerons à répondre aux questions posées par l'Autorité de la concurrence et par l'Arcom. Nous contribuons activement aux questionnaires et aux tests de marché, également via nos associations professionnelles. Un sondage a été commissionné par l'Autorité de la concurrence à BVA, et nous éclairera sur les capacités de substitution des investissements de la publicité.

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

Netflix n'a pas révolutionné le secteur audiovisuel français. Effectivement, nous bénéficions d'une dynamique incroyablement positive. Nous vivons un âge d'or de la production et de la création audiovisuelle en France, avec beaucoup de concurrence, beaucoup de projets, une grande diversité dans l'offre de programmes, et une grande qualité des contenus.

Nous apportons notre pierre à l'édifice, nous contribuons à cette dynamique formidable, en complémentarité des services existants.

Nous avons aussi notre propre marque de fabrique : nous avons envie de prendre des risques, d'explorer de nouveaux genres, de faire confiance à de nouveaux talents. La grande majorité des films que nous diffusons sont des premiers films de réalisateurs ou de producteurs. Par exemple, le film de Guillaume Pierret, Balle perdue, était son premier film et a été vu par 37 millions d'utilisateurs à travers le monde.

Ce que nous avons peut-être apporté de nouveau, c'est cette capacité à exporter la création française à l'international, de façon inédite - là encore, le film de Guillaume Pierret est un bon exemple. Tous les producteurs que vous avez rencontrés vous l'ont clairement dit : c'est une opportunité qu'il faut pouvoir saisir.

Concernant votre deuxième question, la période du confinement a été très difficile dans le monde entier. Les gens se sont tournés vers des services auxquels ils pouvaient accéder depuis leur domicile. Fort heureusement, on a pu continuer à se distraire depuis son salon pendant toute cette période. Les abonnés sur ces services sont très volatils, ils s'abonnent et se désabonnent en un clic, sans engagement. Fort heureusement aussi, lorsqu'ils ont pu retourner au cinéma, ils l'ont fait, ce dont nous nous félicitons.

Concernant la fusion entre TF1 et M6, de manière générale, Netflix porte un regard positif sur la concurrence, d'où qu'elle vienne. Dans ce cas précis, le sujet est vraiment celui du marché publicitaire. Nous ne faisons pas de publicité sur notre service, nous ne sommes donc pas compétents sur ce sujet, et nous n'avons pas de position au sujet de la fusion entre TF1 et M6.

La question du sport ne nous concerne pas, à ma connaissance.

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

La révolution qui touche l'industrie française est autogénérée. Nous ne contribuons qu'à rendre l'offre plus diverse, et nous participons positivement à cette évolution favorable.

S'agissant du confinement, Amazon a été aux côtés des Français pour les aider à répondre à des besoins essentiels. Cela a également été le cas de Prime Video, ce service les a aidés à passer cette épreuve difficile.

Je répondrai plus longuement sur le sport. D'une manière générale, notre position est que, pour que le sport se porte bien, il faut des investisseurs. Toute volonté d'investissement et de soutien au sport et à la diffusion du sport nous semble bienvenue.

Je voudrais insister sur le fait que, s'agissant du football, la présence de Prime Video a permis un accès en clair beaucoup plus vaste qu'auparavant.

D'abord, notre base d'abonnés permet à beaucoup de Français de voir du football : nos audiences dépassent régulièrement le million de personnes.

Deuxièmement, nous diffusons des matchs en clair - comme Monaco-Lyon la semaine dernière.

Troisièmement, nous avons des accords avec les autres diffuseurs. Par exemple, alors que l'émission Téléfoot ne comportait plus d'images de la Ligue de football professionnel depuis très longtemps, elle peut à nouveau en diffuser, car nous avons conclu un accord avec TF1 en ce sens.

Nous avons aussi, et il s'agit d'une première en France, une diffusion en clair de la Ligue 2 sur la chaîne TNT de l'Équipe.

Nous avons enfin une émission hebdomadaire en clair sur Prime Video, Dimanche soir football, qui est accessible à tous, que l'on soit ou non abonné à Prime.

Je crois que nous avons permis un grand progrès de la diffusion du football en clair en France, ce dont je me félicite.

Debut de section - Permalien
Thomas Spiller, vice-président chargé des affaires gouvernementales de The Walt Disney Company, EMEA

Je m'aperçois que pour répondre à votre question concernant le confinement, je n'ai parlé que du parc Disneyland Paris, et non de l'aspect audiovisuel.

Les chiffres montrent que le confinement a augmenté les audiences de tous les acteurs, que cela soit les acteurs classiques des chaînes télévisuelles ou les acteurs du streaming en France. Notre position est que le confinement n'a pas provoqué de déplacement ou de perte de valeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Laugier

Vous considérez-vous comme un média aujourd'hui ?

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Nous ne sommes pas un média d'information, c'est absolument certain - nous sommes en revanche présents dans le segment du divertissement, c'est celui dans lequel nous opérons.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Les représentants de Netflix et de Disney ont précisé dans leurs propos liminaires, que leurs entreprises ne feront pas de l'information. Est-ce qu'un jour Amazon fera de l'information ?

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Nous avons déjà beaucoup à faire dans le segment du divertissement. Des investissements très importants doivent être faits, nous sommes un nouvel entrant, donc nous nous concentrons sur ce segment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Au moins, une chose est certaine : vous répondez quasiment à l'unisson qu'il n'y a pas de concentration, mais au contraire une concurrence féroce. Votre présence devant nous en atteste.

Vous soulignez également l'exception culturelle française : en France, vous êtes venus chercher un incroyable dynamisme de la création culturelle.

Vous avez insisté sur la diversité des usages. Mais vous avez aussi mis en avant les cadres normatifs très stricts qui existent dans notre pays. Vous parlez du « client », du « consommateur », ce qui n'est pas un gros mot, mais ce consommateur est également citoyen. Pour vous, que devrait-on faire évoluer au niveau des normes pour contenter le consommateur, sans que ce dernier soit captif et ne soit plus un citoyen éclairé ?

Ma seconde question a trait au football. Le football est le sport le plus populaire dans notre pays. Indépendamment du fait qu'il est un sport mondialement populaire, il est avant tout maintenant un spectacle. Les joueurs sont comparables à des acteurs. Ils ne s'appellent pas Gérard Depardieu ou Robert de Niro, mais Neymar, Messi. Ce qu'ils produisent est un spectacle.

Madame Daridan, vous faites erreur : Netflix est dans le secteur du sport, non seulement par le biais de l'excellent documentaire sur la Juventus de Turin. La série Sunderland est merveilleuse, car elle explique comment ce sport est devenu populaire en Angleterre, et comment il capte l'attention de personnes qui n'ont plus les moyens d'aller au stade. Netflix a donc compris l'importance du sport.

La remarque de notre président, qui voulait savoir si vous comptiez les investissements dans le football parmi les investissements dans la création audiovisuelle, est pertinente, et la réponse n'est pas si évidente.

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

Concernant la question de savoir si le plan du cadre réglementaire et du cadre légal doit évoluer en France, notre arrivée dans le marché français, marqué par l'exception culturelle, a été faite en connaissance de cause. Depuis deux ans, nous travaillons à nous intégrer pleinement dans ce cadre normatif unique au monde.

Sur un plan général, le marché évolue très vite, bouge tout le temps, comprend toujours de nouveaux acteurs et de nouveaux services. Les modes de consommation évoluent extrêmement vite. Nous parlons du streaming aujourd'hui, mais il y aura peut-être demain autre chose. Il est important que l'exception culturelle française tienne compte de ces évolutions, et qu'elle soit suffisamment flexible. Il ne faut pas que les choses soient figées trop longtemps, car les évolutions sont très rapides dans ce secteur.

Plus spécifiquement, nous avons signé l'accord portant la nouvelle chronologie des médias. Mais la fenêtre de quinze mois reste extrêmement longue dans le monde actuel, pour l'abonné, pour le consommateur. Ce sujet doit évoluer à l'avenir. Mme la ministre l'a dit, les parties prenantes l'ont dit, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) l'a dit devant vous. Il faut qu'on revienne assez vite à ces discussions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Je me permets de faire un parallèle avec les dix-huit mois de procédure nécessaires à la fusion entre TF1 et M6.

Debut de section - Permalien
Thomas Spiller, vice-président chargé des affaires gouvernementales de The Walt Disney Company, EMEA

Je suis entièrement d'accord avec Mme Daridan. De façon globale, la question clé est la flexibilité réglementaire.

Nous cherchons toujours à suivre les choix des consommateurs, qui évoluent très vite, de manière parfois surprenante.

Nous travaillons toujours dans les cadres réglementaires des pays dans lesquels nous opérons. Alors que les investissements obligatoires en France sont de 25 %, la moyenne européenne est plus proche de 5 %. Nous acceptons le cadre français, à l'intérieur duquel nous travaillons, mais il y a une grande différence, comme la Commission européenne le constate. C'est indicatif d'une tendance.

Debut de section - Permalien
Philippe Coen, directeur des affaires juridiques de The Walt Disney Company, France & CEE

Concernant la chronologie, je voudrais rappeler que dans nos pays voisins, un film sort en streaming entre trente et quarante-cinq jours après la sortie en salle. En France, nous sommes passés de trois ans à quinze mois, voire à dix-sept mois. La fenêtre se referme, par ailleurs, au bout de cinq mois. Les investissements obligatoires entre 20 % et 25 % concernent donc une fenêtre extrêmement courte, qui ne dure que cinq mois, et après laquelle il faut encore attendre quatorze mois jusqu'à une réouverture à 36 mois

Pendant tout ce temps, la piraterie est ouverte - on la constate déjà entre le deuxième mois suivant la sortie en salle et le quatrième mois, dans une fenêtre imposée offerte aux pirates.

Concernant ces pratiques illicites et déloyales, en ce moment, on rencontre fréquemment le phénomène des Virtual Private Network (VPN), qui fait l'objet de beaucoup de publicité agressive en ce moment. L'argument est que, puisque le consommateur a la malchance d'être en France, on lui offre la possibilité de contourner la chronologie française. Nous serions ravis que les autorités françaises, Bercy et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), nous accompagnent pour combattre ces pratiques illicites qui incitent à la fraude.

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Notre approche dans le football illustre notre approche plus générale : permettre au public français d'accéder à un contenu français. C'est pour cela que nous avons investi dans le sport que les Français apprécient le plus, avec le championnat de France de football.

Pour que l'industrie française et pour que la création française se portent bien, il faut que cette dernière soit financée, et qu'elle puisse rayonner ailleurs dans le monde. Isabelle de Silva a notamment rappelé devant votre commission pourquoi le cadre réglementaire actuel pouvait être un frein à cette création française, et aussi à son rayonnement dans le monde. Le rapport de l'Autorité de la concurrence de 2019 l'explique très bien. Certaines évolutions devront se poursuivre pour permettre davantage d'investissements dans l'industrie, davantage de prise de risque, pour que la création française rayonne et soit conforme aux souhaits du public.

Debut de section - Permalien
Philippe Coen, directeur des affaires juridiques de The Walt Disney Company, France & CEE

Disney s'inscrit dans des obligations de réinvestissement depuis longtemps : depuis 25 ans, Disney Channel, chaîne française, est soumise à des obligations. Pour investir dans la production française, nous n'avons pas besoin d'obligations. Nous le faisons aussi spontanément, parce que ce qui importe pour un éditeur de service, c'est que le contenu soit vu. Ce n'est pas une obligation qui va faire notre objectif économique. Notre objectif, c'est le succès, l'audience, et que le public soit au rendez-vous.

Depuis 1986, nous avons été considérés comme un groupe d'origine non européenne. Même si nous sommes présents en France depuis quatre-vingt-huit ans, l'article 40 de la loi, votée et revue dans cet hémicycle, ne nous a pas autorisés pendant plusieurs décennies à pouvoir concourir avec les règles qui s'appliquent aux autres opérateurs, pour pouvoir offrir à tous les foyers français une chaîne jeunesse. Nous en avons fait les frais pendant près de trente ans maintenant.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Pourriez-vous nous dire, ou sinon nous envoyer par écrit, quels investissements dans la production vous envisagez de faire en France et dans le monde en 2022 ? Nous avons évoqué les chiffres de 2020 et 2021.

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

En France, c'est plus de 200 millions d'euros en 2022, comme je vous l'ai déjà dit. Je vous transmettrai les chiffres des investissements mondiaux ultérieurement, afin d'être très précise.

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Je n'ai pas ce chiffre mondial à ma disposition. J'ai fait référence aux chiffres concernant l'investissement en France.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C'est-à-dire 40 millions d'euros. C'est fondé sur une évaluation de 30 % du chiffre d'affaires, et cela peut varier ?

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Il s'agit d'un plancher, un minimum prévu par notre convention avec l'Arcom, conclue en décembre dernier. Ce plancher peut être dépassé, en fonction de l'évolution de notre chiffre d'affaires et en fonction du calcul légal. Les mêmes règles s'appliquent à nous ainsi qu'à l'ensemble des autres acteurs, mais nous avons accepté en plus de fixer un plancher à 40 millions d'euros d'investissements.

Debut de section - Permalien
Thomas Spiller, vice-président chargé des affaires gouvernementales de The Walt Disney Company, EMEA

Nous n'avons pas de chiffre à donner pour la France. Mais globalement, nous avons annoncé, il y a 48 heures, 33 milliards d'euros d'investissement pour 2022 dans le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je recommande de la prudence dans nos réflexions. C'est pour cela qu'il y avait une incompréhension avec Amazon. Si l'on intègre à la création la production d'événements sportifs, pour les prendre en compte dans la règle de calcul des obligations d'investissements dans la création audiovisuelle, c'est l'ensemble du système des obligations et du financement du cinéma et de la création audiovisuelle en France qui serait percuté et mis à bas. Je recommande la prudence.

J'ai l'impression que des contentieux peuvent s'ouvrir très vite, d'autres se demandant pourquoi pas eux, avec le précédent ouvert - car accepté - entre Amazon et l'Arcom. Le sujet va s'ouvrir, forcément, et fera l'objet des réflexions de notre commission et de celles du législateur, quand il traitera d'audiovisuel dans les prochaines années.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

En complément, avez-vous réservé des parts de financement spécifiques aux documentaires ? Il y a plusieurs types de création...

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

C'est effectivement le cas. Dans notre convention avec l'Arcom, nous avons pris l'engagement d'aller au-delà des obligations légales, d'abord en termes de financement global, mais aussi en termes de financement du documentaire. La convention prévoit en effet que 3 % minimum de l'obligation d'investissement de Prime Video sera consacrée aux documentaires.

Debut de section - Permalien
Philippe Coen, directeur des affaires juridiques de The Walt Disney Company, France & CEE

Notre convention avec l'Arcom est publique, et a été signée le 9 décembre dernier. Nous nous sommes engagés à investir 1,5 % de notre chiffre d'affaires dans les documentaires. C'est un genre qui s'inscrit bien dans nos priorités. Dans les six verticales de notre service, nous avons National Geographic et Star qui comprennent des documentaires. Pour nous, ce n'est pas un point de départ. Notre point de départ remonte à plus de vingt-cinq ans en France. Nous avons déjà investi dans 3 000 heures de documentaires en France, 250 séries, 1 000 unitaires. C'est une continuation.

Nous avons aussi des chaînes linéaires émises en France, comme National Geographic, qui rentrent dans le schéma de l'investissement dans la production. Comme ce sont des chaînes documentaires, ce qu'on appelle des factuelles, par définition nous investirons une part importante de notre investissement dans ce genre que nous affectionnons beaucoup.

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

Si Netflix a investi particulièrement dans les séries, le coeur de son réacteur, nous avons aussi envie de faire du documentaire et en avons déjà fait. J'en veux pour preuve que le premier projet financé par Netflix et déposé par un producteur indépendant au compte de soutien du CNC, depuis qu'il est ouvert aux producteurs indépendants qui travaillent avec les plateformes, est un projet de documentaire.

Debut de section - Permalien
Philippe Coen, directeur des affaires juridiques de The Walt Disney Company, France & CEE

Et Soprano, sur Disney+, est un documentaire sur le rap dans la région marseillaise. Cela montre qu'avant d'avoir des obligations, nous étions sur ce créneau.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Avez-vous une autonomie totale dans le choix des productions que vous financez en France, ou cela rentre-t-il dans une orientation fixée par votre entité aux États-Unis ?

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

Netflix a des équipes créatives localement. Nous avons une centaine de collaborateurs à Paris, et ce sont eux qui décident d'investir dans des projets français.

Debut de section - Permalien
Marie-Laure Daridan, directrice des affaires publiques de Netflix France

Aucune. Certes, il y a des discussions avec le siège européen qui est à Amsterdam. Il y a une stratégie éditoriale européenne, mais les choix sont opérés à Paris.

Debut de section - Permalien
Philippe Coen, directeur des affaires juridiques de The Walt Disney Company, France & CEE

Le pôle de décision de Disney est en Hollande. Les équipes présentes en France contribuent et soutiennent, mais la décision est liée au pays de l'édition du service global européen, qui est à Amsterdam.

Debut de section - Permalien
Yohann Bénard, directeur des affaires publiques d'Amazon France

Prime Video est un service européen. Je confirme son indépendance en matière de décision vis-à-vis du siège américain du groupe. Nous avons des équipes dans plusieurs pays et notamment en France, avec un peu plus de cinquante personnes. C'est ce service européen qui détermine sa ligne éditoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Je vous remercie.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 55.