La stratégie mise en œuvre est-elle un succès ? Militairement parlant, la coalition a enregistré des résultats importants, en particulier dans le sud du pays. Pourtant, l’insécurité a augmenté ailleurs et, surtout, l’appréhension par la population des progrès réalisés n’est pas suffisamment positive pour enclencher un cercle vertueux. Il n’y aura pas d’amélioration définitive de la situation sécuritaire sans des progrès majeurs du processus de réconciliation, sans une lutte efficace contre la corruption et sans une action déterminée du Pakistan contre ceux des talibans qui se battent contre la coalition et le gouvernement afghan.
Pour conclure sur ce point, la politique que nous menons en Afghanistan me paraît cohérente. Nous défendons dans ce pays des intérêts directs, car la menace est bien identifiée. Notre action s’appuie sur une stratégie clairement énoncée par nous-mêmes comme par nos alliés. Notre commission a pris l’initiative de proposer à nos partenaires britanniques la création d’un groupe parlementaire de suivi de la coopération entre nos deux pays. L’un des thèmes que nous avons retenus pour cette année est précisément le processus de transition. Nous nous rendrons une nouvelle fois en Afghanistan dans le cours de l’année 2011 pour mieux juger de la situation et de la mise en œuvre de notre stratégie sur le terrain, je l’espère avec nos amis Britanniques.
Le dernier point de mon intervention sera consacré à la politique européenne de sécurité et de défense, qui, depuis l’impulsion donnée par la présidence française, marque le pas. Or, dans ce domaine comme dans d’autres, ne pas avancer, c’est reculer.
L’année 2010 a été une année d’effacement pour l’Europe. Je ne prendrai que deux exemples à cet égard.
Premier exemple, l’Union européenne est plus inexistante que jamais dans le cadre des négociations au Moyen-Orient. L’Europe paie, mais ne décide de rien. Son influence est presque nulle et sa crédibilité auprès des autorités palestiniennes est en chute libre. Nous ne sommes certes pas les seuls à ne pas avoir d’influence, puisque les États-Unis eux-mêmes ne sont pas entendus par le gouvernement israélien, qui, pour maintenir sa fragile coalition, donne de plus en plus de gages à ses extrémistes : exigence de la reconnaissance d’un État juif, poursuite de la colonisation, intégration dans l’armée des ultra-orthodoxes…
Or, il est évident pour chacun que cette radicalisation et l’absence de toute perspective d’avancées exacerbent les tensions, favorisent les manipulations et les stratégies du pire des extrémismes en Israël, mais aussi en Iran et parmi ses affidés du Hezbollah et du Hamas, et poussent les populations au désespoir. La persistance de ce conflit et du soutien explicite que constitue notre impuissance autorise toute les déformations et renvoie une image extrêmement négative de l’Occident aux masses musulmanes. Nous en subissons les conséquences au Pakistan, en Afghanistan et ailleurs. Et que fait l’Europe face à ce constat ? Elle s’en tient à des déclarations qui rappellent le caractère illégal de la situation au regard du droit international.
Second exemple, à l’ONU, l’Union européenne, et à travers elle chacun des États membres, a connu un grave échec politique le 14 septembre dernier. Cet échec va rendre encore plus difficile l’obtention d’un statut spécifique pour l’Union européenne dans l’ensemble du système des Nations unies. Il a une claire signification : l’Union européenne, premier contributeur au budget de l’ONU – à hauteur de 40 % –, premier donateur d’aide au développement, n’est pas perçue comme une puissance et ne suscite pas le respect. Si la faiblesse du poids politique de l’Europe et de ses principaux représentants n’est pas une nouveauté, le vote de l’assemblée générale la révèle de manière particulièrement crue.
L’Europe est-elle seulement une impuissance, le « petit cap du continent asiatique » dont parlait Paul Valéry, ou pouvons-nous ambitionner pour elle un autre destin ? Nous avons un impératif : instaurer une politique extérieure européenne plus affirmée. Or nous nous débattons dans de difficiles négociations pour mettre en place le Service européen pour l’action extérieure, le SEAE, et aboutir à un minimum de coordination des politiques des différents États membres.
En ce qui concerne la défense européenne, nous saluons la détermination de la présidence polonaise, qui a fait de cette question l’une de ses priorités. La défense de l’Europe ne semble plus intéresser l’opinion, ni les parlements des États membres. La disparition de l’Assemblée parlementaire de l’Union de l’Europe occidentale, l’UEO, dans l’indifférence générale, est significative à cet égard.
Pendant ce temps, crise économique aidant, l’Europe continue de désarmer. La plupart de nos partenaires, hormis la Grande-Bretagne, semblent démissionner et se réfugient sous le parapluie de l’OTAN. Jusqu’à quand cette situation pourra-t-elle durer ? Devons-nous attendre un retrait des États-Unis et le refus du peuple américain de porter à lui seul le fardeau de la défense pour qu’une réaction se produise ? Ne sera-t-il pas alors trop tard ?
Nous ne pouvons que nous féliciter de l’accord conclu entre la France et le Royaume-Uni pour développer leur coopération de défense. Le texte des traités devra être soumis au Parlement, et cela nous donnera l’occasion d’évoquer les questions de défense européenne.